Ma Comédie-Française : une histoire intime de la Maison de Molière

Brève proposée par Philippe Meyer dans l'émission La gauche façon puzzle / Israël : ses responsabilités, ses adversaires, ses alliés / n°372 / 13 octobre 2024, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Ma Comédie-Française : une histoire intime de la Maison de Molière

Philippe Meyer

"Aliette Martin nous fait découvrir « sa » Comédie-Française qu'elle fréquente depuis ses 6 ans. Dans l'ombre pendant quarante ans, de Pierre Dux à Eric Ruf, elle était le métronome de cette maison, chargée d’abord d'assister la direction artistique puis la coordination de la salle Richelieu. Au rythme de ses souvenirs, elle nous emmène aux côtés des metteurs en scène, des comédiens et des administrateurs. « J'ai beaucoup appris à leur écoute. Les êtres humains sont faillibles, mais je peux témoigner de la sincérité, de la rigueur que chacun s'efforce d'avoir. » Et de la persévérance, comme celle dont fit preuve Francis Huster, héros tourmenté de Tchekhov dans la Mouette, qui essaya un nombre incalculable de fois d'accéder au poste d'administrateur du théâtre. Le ton est affectueux, volontiers humoristique, sauf quand Aliette Martin n'hésite pas à dire les choses qu'elle réprouve et ne cache pas les moments de tension. Les colères du metteur en scène Robert Wilson lors de la création des Fables de La Fontaine ou les affrontements entre l'administratrice Muriel Mayette-Holtz – première à faire rentrer au repertoire un auteur américain, Tennessee Williams – et le conseil d'administration où certains sociétaires sont présents. Cette écriture tendre, à la première personne, dévoile les rapports au sein de la troupe, décrit les spécificités de ce théâtre qui vont des acrobaties de l'alternance des représentations dans la salle Richelieu au fonctionnement de la Société des comédiens français et aux comités de fin d'année dont dépend le sort des uns puis des autres."


Les autres brèves de l'émission :

Katherine Mansfield : rester vivante à tout prix

Jean-Louis Bourlanges

"Henriette Levillain est universitaire, elle avait déjà écrit une thèse remarquable sur Saint-John Perse. Ici, elle signe une biographie de Katherine Mansfield. Cette romancière est essentiellement connue pour un seul livre, La Garden Party (bien qu’elle en ait écrit d’autres). Foudroyée à 35 ans par la tuberculose, ce portrait est aussi celui de l’Angleterre qui passe de la période edwardienne à la modernité. Virginia Wolf disait de Mansfield que c’était la seule personne dont elle était littérairement jalouse. Le livre est d’une infinie tristesse, il raconte une oscillation pathétique entre l’idéal et la sensualité, entre la souffrance et la mort, entre la Nouvelle-Zélande, l’Angleterre et la France. Aussi intense que désespéré, mais très beau."


Survivre : une histoire des guerres de Religion

David Djaïz

"J’avais déjà recommandé le livre de Jérémie Foa consacré au massacre de la Saint-Barthélémy. Il vient d’en commettre un autre, que je vous conseille vivement aussi. Là encore, fidèle à la tradition de la sociologie de Chicago, tout est raconté à hauteur d’homme et de situations. L’auteur nous livre ici une description magistrale de la vie au quotidien des guerres de religion, et dans la guerre civile en général. La guerre civile, c’est un effondrement fiduciaire : on ne peut plus faire confiance à quiconque, ni aux lieux censés être des abris. La chambre à coucher, et même le lit, peuvent devenir le tombeau, on ne peut plus faire confiance aux mots, dont le sens peut varier du tout au tout d’une faction à l’autre. On comprend parfaitement pourquoi Montaigne écrit ses Essais dans un tel contexte : le monde est devenu « une branloire pérenne », un endroit où l’on ne peut plus se fier à rien. En creux, on comprend aussi pourquoi l’Etat français absolutiste du XVIIème siècle a joué ce rôle de stabilisateur, jusque dans la langue avec l’Académie française. Le livre est magnifique, il s’agit d’une nouvelle perspective sur les guerres de religion."


Le paradis des fous

Nicole Gnesotto

"Pour moi, un roman américain de Richard Ford. Cet auteur nous raconte depuis près de quarante ans les aventures de son personnage, Frank Bascombe, agent immobilier, représentant typique de la classe moyenne américaine, doté d’un humour noir et d’un sens de l’auto-dérision ravageurs. Dans ce livre-ci, il a 74 ans, retrouve son fils de 47 ans, qui vient d’apprendre qu’il est atteint d’une maladie incurable. Tous deux décident de faire un voyage ensemble, un road-trip à travers les Etats-Unis. Mais les Etats-Unis moches : les motels miteux, le kitsch, le banal, le vulgaire. Drôle, féroce, ce voyage nous dévoile petit à petit la déliquescence de la middle class américaine. Un régal."


Une tombe pour deux

Marc-Olivier Padis

"Je recommande moi aussi un roman américain, signé de Ron Rash. Jeune soldat envoyé en Corée en 1951 (« La Seconde Guerre mondiale était finie depuis 6 ans à peine »), Jacob Hampton doit quitter la Caroline du Nord et sa jeune épouse enceinte, Naomi. C’est un mariage d’amour, décidé sans l’accord de ses parents. Déshérité, Jacob doit faire vivre sa petite famille sans l’aide de ses parents et il ne peut échapper à la conscription. Rentrera-t-il vivant de la guerre de Corée ? S’il est blessé, pourra-t-il se réconcilier avec ses parents ? S’il meurt, que deviendront sa femme et sa fille ? Un plan tordu et terrible commence à s’échafauder dans la tête de ses parents pour regagner leur fils et couper les liens avec une belle-fille qu’ils n’ont pas choisie. Ce n’est pas à proprement parler une intrigue policière. Plutôt une sombre histoire d’amour possessif dans une Amérique étouffante et pourtant rachetée par la force des paysages et l’obstination taciturne des êtres qui font le bien sans jamais se mettre en avant."