"Je voudrais signaler un court roman d’un auteur salvadorien, Horacio Castellanos Moya, qui vit et travaille aujourd’hui à Pittsburgh, dans le cadre du programme « City of Asylum » (une des villes-refuges créées par Russell Banks). Comme l’écrit son éditeur, Horacio Castellanos Moya a écrit plus d’une dizaine de romans qui lui ont valu de nombreux prix, des menaces de mort et une reconnaissance internationale. Le héros de « L’Homme apprivoisé » a connu plusieurs exils et le dernier en date le conduit en Suède. Il vit à peine, il se traîne, secouru par une infirmière qui finira par ne plus supporter son état d’ataraxie, mélange d’incapacité à entreprendre quoi que ce soit là où il n’a ni racines, ni familiarité culturelle, ni même connaissance de la langue et qu’aggrave la dépendance aux neuroleptiques. Il survit donc dans un indémêlable désordre intellectuel, psychologique, sentimental, sexuel. Avoir échappé aux menaces ne guérit pas de la peur. Cela pousse plutôt à une méfiance bien proche de la paranoïa. On croit sauvés ceux qui ont pu fuir les dictateurs et les gangs et Horacio Castellanos Moya montre que pour certains, l’exil est un autre mal, mais un mal d’autant plus difficile à supporter qu’il est enkysté au plus profond de l’esprit et qu’il plombe l’existence de l’émigré. Erasmo Aragón, le héros de l’Homme apprivoisé n’aura finalement pas d’autre choix que de retourner dans le pays qu’il a dû fuir."