Les brèves

Post-populisme

Nicolas Baverez, créée le 28-04-2024

"Je vous recommande ce livre de Thibault Muzergues. Il pointe qu’il y a désormais deux extrême-droites : la première est populiste, c’est celle de Marine Le Pen en France ou de l’AfD en Allemagne, qui ne se porte pas très bien. Et comme souvent, l’Italie est un laboratoire politique. Giorgia Meloni a été sous-estimée : elle a réussi à créer un post-populisme. Très conservatrice sur les questions sociétales, très dure sur l’immigration, libérale sur l’économie, atlantiste et opposée aux empires autoritaires. C’est assez proche de ce que défend quelqu’un comme Jordan Bardella."



Philosophie magazine Hors-série : Kant

Nicolas Baverez, créée le 28-04-2024

"Deuxième recommandation, plus positive : c’est le tricentenaire de la naissance d’Immanuel Kant. Pensons à cet homme de la liberté, de la raison pratique, de la paix perpétuelle. On comprend que son image soit absolument absente de sa ville natale, Königsberg (devenue Kaliningrad), ou que sa tombe ait été saccagée par les autorités russes. Mais le message demeure, et il mérite plus que jamais d’être entendu. Il y a un très bon numéro spécial de Philosophie magazine consacré au grand penseur."


Diên Biên Phu : les leçons d’une défaite

François Bujon de L’Estang, créée le 28-04-2024

"Nous sommes dans une époque friande de commémorations en tous genres. Le 7 mai prochain, ce sera celle de la chute de Diên Biên Phu, et j’observe un regain d’intérêt pour la guerre d’Indochine, et beaucoup de publications. Parmi elles, j’aimerais vous recommander l’ouvrage de Pierre Servent, historien reconnu. Il signe ici un livre qui se lit très agréablement. Servent nous raconte la bataille, mais surtout il explique les erreurs stratégiques qui ont été commises, qui rétrospectivement apparaissent flagrantes, mais qui ne l’étaient pas à l’époque. Il est évident que poursuivre la guerre d’Indochine pendant huit ans, si loin de la France métropolitaine, alors que le pays était épuisé par la seconde guerre mondiale, était un non-sens complet. Absurdité totale aussi dans le choix du site de la bataille : une cuvette extraordinairement vulnérable, très difficile à ravitailler … Un retour en arrière très utile pour éclairer les fronts d’aujourd’hui. "


Dom Juan

Nicole Gnesotto, créée le 28-04-2024

"Je vous recommande le Dom Juan de Molière qu’a mis en scène Macha Makeïeff et qui se joue au théâtre de l’Odéon jusqu’au 19 mai. Ce ne sera pas facile, car le spectacle affiche complet, mais il sera repris à l’automne à Aix, et puis en tournée et sans doute à Paris. J’ai trouvé la mise en scène esthétiquement très belle : les couleurs, les lumières, la musique … et aussi très déroutante. Macha Makeïeff place cette histoire au XVIIIème siècle, et dans ce décor de velours, un Dom Juan, sale, mal fagoté, dépenaillé … C’est tout l’intérêt de cette mise en scène : le séducteur irrésistible est un minable, un pauvre type. Une version très moderne, féministe et très intelligente de ce texte éternel. On a l’habitude d’un Dom Juan séducteur mais engagé dans le libertinage, philosophe, rebelle … Ici, le personnage est sans conviction, presque victime de lui-même et c’est très intéressant."


L’Europe enfla si bien qu’elle creva

Richard Werly, créée le 28-04-2024

"Sylvie Goulard vient de publier ce livre, au titre provocateur. Sa thèse, expliquée avec force dans cet ouvrage, est que l’élargissement dans les conditions actuelles conduirait ni plus ni moins à la mort de l’UE telle que nous la connaissons. Ce n’est pas la première fois que Sylvie Goulard se prononce contre un élargissement irraisonné, elle l’avait déjà fait à propos de la Turquie. Le faire à propos de l’Ukraine est plus courageux, mais elle ne va pas toujours au bout de ses arguments. Par exemple, elle évite soigneusement de mettre en cause un certain nombre de dirigeants européens, notamment Ursula von der Leyen. Mais sur le plan de l’analyse des forces et des faiblesses de l’Union, c’est remarquable."


La france sous haute tension : colères, anxiétés et ressentis

Richard Werly, créée le 21-04-2024

"Je vous recommande ce petit livre, dont notre amie Lucile Schmid est l’une des coauteurs. Je le trouve très intéressant sur un point essentiel : l’importance du ressenti. Nous évoquions aujourd’hui la possible ferveur à propos des J. O. Et elle dépend entièrement du ressenti. Si celui-ci bascule dans le positif, pas seulement à cause des performances des athlètes, mais parce qu’on a le sentiment que la France et Paris ont quelque chose à y gagner, alors ces jeux seront une réussite. Dans le cas contraire, il y a de quoi s’inquiéter, car la France et les Jeux sont effectivement sous haute tension."


Soutenez-nous !

Philippe Meyer, créée le 21-04-2024

"J’ai récemment lancé un appel au financement de notre émission, en soulignant à quel point il était vital, et à quel point son absence posait un risque existentiel pour nos conversations. Les réponses ont été à la hauteur de mon inquiétude, et je remercie celles et ceux qui n’ont pas tardé à réagir, mais nous ne sommes pas encore tirés d’affaire. Il faudrait que vos contributions (et notamment les contributions mensuelles, qui nous aident à à avoir une visibilité sur nos finances) soient encore plus nombreuses et substantielles pour que je puisse vous annoncer que le Nouvel esprit public est prêt à continuer. "


L’avenir se joue à Kyiv : leçons ukrainiennes

Marc-Olivier Padis, créée le 21-04-2024

"J’attendais depuis longtemps la parution en français de ce livre de l’historien allemand Karl Schlögel, spécialisé dans l’espace russe et post-soviétique. En 2014, après l’annexion de la Crimée et le développement de mouvements irrédentistes dans le Donbass, l’historien américain Timothy Snyder, auteur du grand livre de référence Terres de sang sur cette région, avait organisé une rencontre à Kyiv. J’y étais, et j’y avais rencontré Karl Schlögel, qui avait pris la parole de façon marquante. Il avait expliqué comment, même en étant historien spécialiste de l’espace russe, il avait passé une trentaine d’années à ne pas voir l’Ukraine, comme si le pays était transparent. Dans cet essai d’égo-histoire, il revient sur son parcours, et analyse ce qu’il appelle « le russo-centrisme du regard allemand ». L’intérêt allemand pour la Russie, ainsi que toute l’Ostpolitik qui en a découlé, existe au détriment de l’Ukraine. Karl Schlögel a donc décidé de travailler sur l’Ukraine, réalisant son importance dans la culture russophone. L’autre particularité de son travail est que Schlögel s’intéresse beaucoup aux villes, il trouve qu’elles constituent la bonne mesure entre micro-histoire et macro-histoire, une ville est en quelque sorte du « temps condensé »."



Étienne Dinet, passions algériennes

Nicole Gnesotto, créée le 21-04-2024

"Ma deuxième brève est le contraire d’une recommandation, il s’agit plutôt d’une dissuasion. Gagnez du temps, et épargnez-vous cette exposition de l’Institut du monde arabe. La plupart des journaux nous l’ont présentée comme quelque chose de très important et de formidable, alors que cela n’a qu’un intérêt tout à fait anecdotique. D’abord, l’exposition est toute petite (une quarantaine d’œuvres en tout et pour tout), et même si le personnage de Dinet est intéressant (un peintre français tout ce qu’il y a de plus classique de la fin du XIXème siècle, qui tombe amoureux de l’Algérie, se convertit à l’islam, traduit et illustre une vie de Mahomet), son œuvre n’a pas un intérêt fou … "


Frantz Fanon : une vie en révolutions

Akram Belkaïd, créée le 21-04-2024

"Pour ma part, je vous recommande cette biographie du journaliste et universitaire Adam Shatz. Frantz Fanon était un penseur décolonial radical, qui avait rejoint le FLN pendant la guerre d’Algérie. Il connaît aujourd’hui un réel succès, il est relu par les jeunes générations un peu partout dans le monde, y compris en France et aux Etats-Unis. La biographie d’Adam Shatz est assez stimulante, parce qu’il y montre ce que fut Fanon : un homme engagé, mais aussi un psychiatre qui a beaucoup réfléchi aux questions de l’aliénation et de l’enfermement. Parmi les chapitres qui ont retenu mon attention, il y a celui qui concerne Les damnés de la terre, dont la fameuse préface de Sartre a éclipsé l’ouvrage lui-même. Pour Shatz, Sartre a fait une lecture très sommaire de l’œuvre de Fanon, en glorifiant exagérément la violence. Cette biographie a le mérite de remettre la pensée de Fanon au premier plan, et d’offrir des repères et des éléments de réflexion, des clefs pour permettre à cette pensée d’éclairer les débats d’aujourd’hui, sur toutes ces questions post-coloniales ou de mémoire."