Les brèves

Un simple accident

Nicole Gnesotto, créée le 14-09-2025

"Durant mes pérégrinations estivales, j'ai eu la chance d'assister en avant-première à la projection du film qui a eu la palme d'or cette année, réalisé par Jafar Panahi, cinéaste iranien. Il sortira le 1er octobre, et c’est un film absolument exceptionnel pour deux raisons. D’abord son style, c'est très rare d'avoir du cinéma qui innove. Or ce film se déroule à la fois comme une tragédie filmée à l'intérieur d'une camionnette, mais c’est aussi un film fellinien avec des scènes d'un burlesque extraordinaire. C'est un mélange virtuose de styles cinématographiques. Ensuite, il y a bien sûr sur le contenu, parce qu'on a vu beaucoup de films sur l'atrocité du régime iranien, c'est la première fois que je vois la corruption comme un sujet central. Par exemple tous les policiers ont un terminal de carte bleue dans la poche, ce qui facilite la vie de tout le monde … C'est un film d'une complexité et d'une facture tout à fait intéressante ; il vous marque longtemps."


Hommage à Rick Davies

Richard Werly, créée le 14-09-2025

"Pour ma part, à l’occasion e la disparition de Rick Davies, ce sera un hommage à notre jeunesse, l'hommage à Supertramp ; une musique, un style musical, mais aussi un certain sens de la fête … Mais c'était aussi une image des Etats-Unis. Des Etats-Unis qui faisaient rêver, vous vous rappelez la pochette de l’album Breakfast in America. Je me demande aujourd'hui qui a encore envie de prendre son petit déjeuner en Amérique ou d'avoir un petit déjeuner américain. On a écouté beaucoup Supertramp ces jours-ci et ça faisait du bien dans ce marasme français et dans cette inquiétude américaine."


Jusqu'au bout de la nuit : les vies de Jacques Benoist-Méchin : 1901-1983

Matthias Fekl, créée le 14-09-2025

"Et pour l'histoire je recommande la lecture de la remarquable biographie d'Éric Roussel consacrée à Jacques Benoist-Méchin. Grand intellectuel des années 1920 et 1930, fasciné par le fascisme et par l'Allemagne nazie, il s’agit d’une réflexion sur comment on peut être brillant, cultivé et pourtant se fourvoyer totalement. Le livre traite aussi de la fascination pour la force, malgré l'abjection de ces régimes, on comprend qu'il y a un gros problème, au moment où, écrit Éric Roussel, Laval considère que Benoist-Méchin est trop proche de l'Allemagne … Et puis par contraste, cela montre aussi que malgré toutes ces imperfections, dans les périodes troubles l'attachement à la démocratie doit demeurer indéfectible."


La peau dure

Marc-Olivier Padis, créée le 14-09-2025

"Dans la rentrée littéraire, énormément de livres parlent de relations familiales et j'ai choisi de lire celui que Vanessa Schneider consacre à son père Michel Schneider, haut fonctionnaire, essayiste, psychanalyste et musicien. Il avait été directeur de la musique au ministère de la Culture et avait écrit un essai, une critique radicale de la période Jack Lang, très polémique, mais très vigoureux, très documenté, et assez courageux. Mais aussi un livre sur Glenn Gould, vraiment magnifique, un chef d'œuvre d'initiation, en tout cas pour quelqu'un comme moi qui connaît mal la musique classique. Vanessa Schneider choisit un angle un peu générationnel en comparant sa génération à celle de son père, cette génération d'après-guerre qui a fait mai 68, qui s'est fourvoyée dans le gauchisme (le maoïsme dans le cas de son père) et qui s'est rattrapée après le tournant de 1981. Et comme le dit Michel Schneider à sa fille « nous sommes la première génération à avoir tué à la fois le père et le fils ». C'est cette citation qui fournit le fil rouge de cette remémoration filiale et familiale."



Assassinat de Charlie Kirk

Philippe Meyer, créée le 14-09-2025

"L’assassinat de Charlie Kirk m’a conduit à lire et visionner ce qui était disponible sur cet influenceur américain, notamment les vidéos de différentes manifestations dont il était l’animateur. D’abord, on voit qu’il était davantage un MAGA qu’un trumpiste, du moins qu’il avait commencé à prendre ses distances avec Donald Trump à cause de l’affaire Epstein. Ensuite on s’aperçoit à quel point cette affaire illustre parfaitement la thèse du livre de Mathieu Gallard Les États-Unis au bord de la guerre civile ?, qui était sous-titré « pourquoi les Américains se détestent ». Le livre est une analyse de la polarisation de la vie politique aux USA, commencée après la guerre (qui avait soudé la nation), et qui n’a cessé de croître depuis. D’après Mathieu Gallard, jusque dans les années 1990, il existait encore un sentiment d’appartenance à une collectivité nationale. On pouvait encore s’entendre sur certains grands enjeux structurants. Ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui, où l’on observe une polarisation affective : non seulement on est en désaccord idéologique profond avec les électeurs du parti adverse, mais ne plus, on ne les aime pas : on les juge malhonnêtes, malveillants. réer, ce ne sont plus seulement des adversaires, mais bien des ennemis. "


Abundance

Antoine Foucher, créée le 07-09-2025

"Je voudrais recommander ce livre, présenté aux États-Unis comme le nouvel évangile de la gauche américaine ou des Démocrates, d’Ezra Klein et Derek Thompson. Il n’a pas encore été traduit en français, mais l’avantage des sciences humaines en anglais, c’est que ça se lit beaucoup plus facilement que de la littérature. Et c’est intéressant pour trois raisons. La première, c’est qu’il vient de la gauche ; la deuxième, c’est la vivacité et la lucidité de la critique de la gauche sur la gauche, en donnant des chiffres assez cruels, c’est une critique très violente et documentée. La deuxième raison, c’est que la solution ne consiste pas à distribuer de l’argent. Parce que l’argent ne sert à rien quand il n’y a pas assez de biens. Ça ne sert à rien de donner de l’argent aux gens pour acheter des logements si on ne construit pas assez de logements. Et la troisième raison, c’est que l’auteur s’en sort par un espèce de technomessianisme en disant que si les États-Unis investissent sur la technique, elle nous sauvera. Donc, le monde qu’il trace n’est pas enviable. Mais quand même, la lucidité sur la critique et l’idée qu’il faut produire plus et arrêter de donner plus d’argent et moins de biens, est quand même intéressante."


Jean-Louis Bourlanges officier de la Légion d’honneur

Philippe Meyer, créée le 07-09-2025

"Vendredi 5 septembre aux environs de 20h, dans la salle de l’horloge du ministère des Affaires étrangères, au Quai d’Orsay, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères M. Jean-Noël Barrot a épinglé les insignes d’officier dans l’ordre de la Légion d’honneur sur le sein de Jean-Louis Bourlanges. Le ministre a, comme c’est l’usage, prononcé un discours, dont vous trouverez les extraits les plus substantiels, et notamment tous ceux qui montrent l’écho que le Nouvel Esprit Public rencontre après ces huit ans de podcast. Jean-Louis Bourlanges a répondu par un discours, qui revient sur l’ensemble de son engagement politique et de son analyse notamment en matière de situation internationale. Et pour la première fois depuis que je le connais, il a tenu son engagement traditionnel en ce qui concerne la brièveté. C’est-à-dire qu’il a commencé en disant « Je ne serai pas bref ». Et il a tenu parole … Et je ne m’en suis pas plaint ..."


Cléo de 5 à 7

Lucile Schmid, créée le 07-09-2025

"J'étais cet été voir une exposition sur le Paris d'Agnès Varda, à savoir le quatorzième arrondissement, et je vous conseille de voir ou revoir ce film magnifique, Cléo de 5 à 7, qui date de 1962, et qui raconte cette promenade dans Paris d'une jeune chanteuse qui attend ses résultats médicaux et qui s'inquiète sur la possibilité d'avoir une maladie grave. Elle se promène donc dans ce quatorzième arrondissement, où elle va faire un certain nombre de rencontres … C'est un film à la fois intime, politique et parisien. Et au parc Montsouris, un inconnu, joué par Antoine Bourseiller, va la réconforter alors même qu'elle a réalisé toute la futilité de son existence à travers cette promenade dans Paris, où aucun de ses amis n'était en mesure, de lui parler profondément de ce qui lui arrivait. Et cette rencontre inopinée est émouvante et unique (car le jeune homme part en Algérie). Elle introduit aussi l’idée que cette façon dont on fait de la politique peut être parfois plus intéressante que le jeu parlementaire."


L’œuvre de Daniel Halévy

Jean-Louis Bourlanges, créée le 07-09-2025

"J’ai beaucoup travaillé cet été sur le XIXème siècle. Et j’ai relu les livres de Daniel Halévy sur les débuts de la Troisième République. Je vous invite vraiment à relire ces ouvrages. D’abord parce que c’est magnifiquement écrit. Une prose à la fois rigoureuse, poétique, enveloppante, d’une grande qualité. D’autre part, c’est animé d’une très grande générosité à l’égard des responsables politiques, ce qui par les temps qui courent est une rareté bienvenue. Il y a une compréhension et une intelligence profonde, même dans la critique, il n’y a aucune flagornerie, aucune complaisance. Et puis il y a ce personnel politique qui a suivi la guerre franco-prussienne, la défaite, l’inimaginable défaite, et la capacité de ces gens à défendre l’intérêt national, à penser ensemble ce qui les unissait."


Maniac

David Djaïz, créée le 07-09-2025

"Je voudrais vous recommander la lecture d’un livre qui m’a beaucoup impressionné, Maniac, écrit par Benjamin Labatut, un auteur chilien. Il avait déjà publié « Lumières aveugles » il y a quelques années. Le livre ne raconte rien de moins que la naissance de la bombe nucléaire dans le sillage du projet Manhattan, à travers la vie de John von Neumann, qui était un des plus grands esprits du XXème siècle, physicien, mathématicien, l’un des pères de l’informatique moderne et de l’Intelligence Artificielle, avec le supercalculateur Maniac. La partie la plus impressionnante est la troisième partie du livre, dans laquelle il décrit à la manière d’une épopée, l’affrontement entre l’homme et la machine, et plus exactement entre le Coréen Lee Sedol, qui était le plus grand champion de Go de tous les temps, et le système AlphaGo, construit par les équipes de Google DeepMind, qui a infligé à l’homme et à l’humanité une défaite cinglante. Cet événement, pour moi, est le plus grand événement du XXIème siècle, même s’il a reçu un intérêt désinvolte en Europe. Il faut s’y intéresser, il faut lire ce livre, c’est de la grande littérature et c’est extrêmement intéressant."