"Je ne connaissais pas Jon Fosse, et l’ai découvert en apprenant qu’il avait eu le prix Nobel. Cet écrivain est surtout un dramaturge, mais le livre que j’ai lu est l’un de ses rares romans, et il est absolument formidable. Sur le fond, le premier chapitre raconte la naissance du fils d’un pauvre pêcheur norvégien. On y assiste par le monologue intérieur du père, qui est dans la salle à côté de celle où sa femme accouche. Il se dit tout ce qu’il va pouvoir faire avec ce fils, l’écriture est très prenante, on a l’impression d’être soi-même le narrateur. Dans le reste du roman (les quatre derniers chapitre), c’est ce petit garçon, Johannes, désormais un homme de 74 ans, dont on va vivre le dernier jour. Lui aussi pauvre pêcheur, ne sait pas que ce matin où il se lève sera son dernier, mais sent qu’il y a quelque chose de bizarre. Il pense à sa femme morte, à ses neuf enfants, à ses amis … C’est une réflexion sur le passage très doux vers la mort. Cette description de la mort comme phénomène amical et non hostile est magnifique. Sur la forme, le style est formidable. On critique souvent le fait que Fosse écrit sans ponctuation, mais il ne s’agit pas de cela : il écrit des monologues intérieurs, donc des phrases très répétitives, qui ne se terminent pas forcément, des sauts d’une idée à une autre, bref il nous plonge véritablement dans le mouvement d’une pensée."