"Puisqu’on est dans les cérémonies religieuses et les obsèques, je voudrais dire que je suis très ému : je suis allé à Rennes jeudi pour les obsèques de mon ami, François Régis Hutin, qui était le patron, le directeur de Ouest-France. J’ai été profondément impressionné par la cérémonie, parce que c’était vraiment là toute la Bretagne républicaine et démocratique qui était rassemblée. L’Eglise qui rendait hommage avec beaucoup de sobriété et de style à un homme qui était à la fois son défenseur, son protecteur et son serviteur. C’était un homme de conviction et de presse assez exceptionnel. Alors c’est une France qui disparaît peut-être, la France démocrate chrétienne, les Desgrées du Loû etc. tout ce qui s’est fait à la fin du XIXème et qui a dominé la Bretagne tout au long du XXème siècle, je ne crois pas qu’ils disparaissent mais c’est quelque chose d’essentiel. Et cet homme a représenté à la tête de son journal, la volonté d’un engagement éthique qui ne serait pas partisan : engagement chrétien très tourné pour l’abolition de a peine de mort, vers l’accueil des réfugiés, vers l’ouverture sur l’Europe, donc le contraire d’une vision un peu étriquée, un peu étroite qui je crois est celle de Sens Commun aujourd’hui. Et je crois qu’à la tête de son journal il incarnait cela, je terminerai par cela, je me rappelle au moment de Maastricht il avait réunit sa direction pour poser la question à sa rédaction, et non pas imposer la ligne du patron, de savoir s’il fallait s’engager pour ce traité européen. Peut-être avait-il tort, je pense qu’il avait raison, et la rédaction dans son ensemble avait accueilli cette idée et avait porté dans le plus grand journal français – quand on voit l’exiguïté de la victoire du oui sur le non cela a sans doute été assez décisif – mais ce qui est intéressant c’est que ce n’est pas par les voies de l’autorité hiérarchique mais par la voie de la mobilisation d’un corps social, qui était le cœur des rédacteurs de Ouest-France, que cette affaire a été faite, et je crois qu’il fallait rendre hommage à ce très grand patron de presse et à ce très grand humaniste. Son dernier article était « Paix pour Jérusalem », sa femme m’a dit qu’il est mort juste après."