"C’est le propre de l’homme que de n’entendre sonner midi qu’à sa pendule. Ainsi nous réjouissons-nous d’apprendre que les véhicules autonomes mis au point par une dizaine de constructeurs apporteront dans les années qui viennent une sécurité inespérée. En supprimant l’erreur humaine, disent les spécialistes, de pareilles voitures diviseraient par dix le nombre d’accidents. Vies sauvées (1,2 million de morts chaque année sur les routes du monde) ; drames épargnés (50 millions de blessés) ; économies pour la puissance publique (12,5 milliards d’euros dépensés en France au titre de la sécurité routière plus 11 milliards de dépenses de santé) ; gain de pouvoir d’achat pour les ménages (de combien diminueraient les 20 milliards d’euros que dépensent les Français pour assurer leur voiture ?). Oui mais… Oui mais, observe l’Université de l’État d’Arizona, les 32.000 morts annuels sur les routes étatsuniennes sont les plus gros pourvoyeurs d’organes pour les transplantations. Si 94% des accidents sont dus aux conducteurs, supprimer cette cause, poursuit l’étude, c’est condamner à mort des dizaines de milliers de personnes. Déjà, en France, l’an passé, ce sont 200 malades et, aux Etats-Unis, 7.000 qui ont attendu en vain le cœur, le foie, les reins d’un donneur. Si les auteurs de cette alerte reconnaissent poser un problème dont ils ne voient pas la solution, telle n’est pas la position de certains commentateurs du compte-rendu de cette étude publié par Slate.us. L’un en déduit que le maintien de la peine de mort s’impose ; l’autre qu’elle devrait être bien plus souvent appliquée et même étendue à de nouvelles infractions ; un troisième suggère que l’on achète leurs reins aux pauvres du tiers-monde ; un quatrième lui répond que c’est déjà fait, mais qu’il faudrait les payer davantage ; un dernier rappelle qu’après les accidentés de la route, ce sont les morts d’overdose qui fournissent le plus grand nombre d’organes et il ajoute que ceux-là ne diminuent pas. Il est des consolations qui affligent."