" Depuis la mi-novembre, la chasse à l’énarque bat son plein. A l’énarque et aux fonctionnaires. Conformistes, ignorants des réalités, courtisans, irresponsables sont les épithètes les plus fréquentes. Les exemples de ces fâcheuses dispositions sont répétés à l’envi et parfois avec une satisfaction mauvaise. On ne saurait les nier, mais on peut préférer répandre des récits dont les protagonistes n’ont pas abdiqué leurs capacités de jugement en devenant serviteur de l’Etat. Bref, on peut préférer parler de Maurice Grimaud que de Maurice Papon. Le Paris du 17ème siècle commençant doit à son lieutenant civil, c’est à dire à l’équivalent de son préfet, François Miron, de remarquables travaux d’aménagement, à commencer par ceux qui permirent à la ville d’être convenablement approvisionnée en eau. Miron administrait la ville d’une main de fer dans un gant de crin et tout ce qui touchait à la salubrité de la capitale excitait son esprit d’entreprise, fort apprécié d’Henri IV, lui-même si soucieux de ces questions d’urbanisme qu’on le surnommait le «premier maçon du royaume». Lorsque le roi décida d'aménager la place Dauphine il entendit en réserver les habitations à des bourgeois et à des commerçants, et en bannir les artisans et leurs ouvriers à qui il réservait les faubourgs. « Cher Sire, lui écrivit François Miron, permettez que je me retire ; en jurant fidélité au Roi, j'ai promis de soutenir la royauté ; or Votre Majesté me commande un acte pernicieux à la royauté... Je refuse. Je le répète à mon cher maître et Souverain bien-aimé: c'est une malheureuse idée de bâtir des quartiers à l'usage exclusif d'artisans et d'ouvriers. Dans une capitale ou se trouve le Souverain, il ne faut pas que les petits soient d'un côté et les gros et dodus de l'autre, c'est beaucoup et plus sûrement mélangés; vos quartiers pauvres deviendraient des citadelles qui bloqueraient vos quartiers riches. Or comme le Louvre est la partie belle, il pourrait se faire que les balles vinssent ricocher sur votre couronne... Je ne veux pas sire être le complice de cette mesure. » Et, ce qui n’est pas moins beau et digne d’imitation, Henri IV répondit à son lieutenant civil : « Compère, Vous êtes vif comme un hanneton, mais, à la fin du compte, un brave et loyal sujet. Soyez content, on fera vos volontés et le roi de France ira longtemps à votre belle école de sagesse et de prudhommie. Je vous attends à dîner et vous embrasse ». J’ajoute à ce récit que j’espère édifiant, celui que je tire de l’« Essai sur les Guerres Civiles en France », de Voltaire. Le gouverneur d’Auvergne, Gaspard de Montmorin Saint Hérem, ayant reçu consigne, lors de la saint Barthélémy de passer tous les protestants au fil de l’épée, répondit à Charles IX : « Sire, je reçois sous le sceau de votre Majesté l’ordre de faire périr tous les Réformés de mon gouvernement. Je respecte trop votre Majesté pour ne pas croire ce sceau contrefait. Si le malheur voulait qu’il ne le fût pas, je dois encore trop de respect à mon roi pour exécuter un tel ordre »."