"Les évènements du Maghreb et du Maschrek affectent d’abord les pays du Maghreb et du Maschrek en termes de déplacements de population et ne nous concernent qu’à la marge. Notre souci devrait donc être de trouver de nouveaux moyens de les aider, et d’abord la Tunisie, puisque c’est vers elle que reviennent ceux de ses ressortissants qui avaient immigré en Libye et ceux des Libyens qui fuient la guerre dans leur pays et le désordre qui suivra immanquablement l’issue de cette guerre, quelque forme qu’elle prenne.
Dans une tribune libre publiée par Le Monde, Sylvain Kahn, producteur à France culture qui enseigne l’histoire de l’intégration européenne à Sciences-Po, proposait un moyen « audacieux, généreux, durable et responsable de conforter ce pays et de s’engager à ses côtés ». Ce moyen, c’est celui d’ouvrir l’Union Européenne à une adhésion de la Tunisie. Sylvain Kahn fait observer que c’est le moyen qui fut utilisé par l’Europe lorsque l’Espagne, le Portugal et la Grèce se sont libérés de leurs dictatures et du modèle archaïque de développement dans lequel les tenaient ces dictatures. Il ajoute que l'élargissement est, comme l'expérience le démontre, « la voie la plus efficace pour coproduire un intérêt général commun aux postulants et aux États déjà membres. Il permet de mutualiser la mobilité géographique et les circulations migratoires, des idées et des richesses. » Et il conclue « les négociations d'adhésion, bien plus que les politiques de coopération et d'assistance, sont un levier puissant pour la transition démocratique, la construction de l'état de droit et le développement. »
Les critères, dits « de Copenhague » qui établissent les conditions d’adhésion à l’Union se lisent ainsi : « L’adhésion requiert de la part du pays candidat qu'il ait des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection, l'existence d'une économie de marché viable ainsi que la capacité à faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union. L'adhésion présuppose la capacité du pays candidat à en assumer les obligations et notamment à souscrire aux objectifs de l'Union politique, économique et monétaire. Autrement dit, et pour reprendre l’analyse de Sylvain Kahn, il s’agirait de soutenir un pays avec qui nous avons « une continuité démographique, territoriale, économique, sociale, universitaire, entrepreneuriale, commerciale, touristique, immobilière et linguistique et de l’aider à conforter l'État de droit naissant, le dynamisme de sa population et une économie sociale de marché libérée du népotisme, de la corruption et des monopoles prédateurs. » Évidemment on peut préférer fermer nos frontières à ses ressortissants et encourager la Tunisie à n’être que le pays de nos bronzettes, de nos vieillesses au soleil et de la chirurgie esthétique à bas coût."