" Les élections à venir – européennes et municipales, notamment- libèrent de nombreux appétits. Venons-leur en aide en leur suggérant la lecture du « Bréviaire des politiciens » du regretté cardinal Mazarin, paru naguère chez Arléa. Chacun y prendra ce qui lui semble le concerner : comme dit Molière dans « L’Avare », « Qui se sent morveux, qu’il se mouche ». « Si tu es forcé d’admettre que tu as commis une action odieuse, écrit le cardinal, n’encourage pas la haine qu’elle provoque en donnant l’impression que tu n’éprouves aucun regret ou, pis encore, en te gaussant de tes victimes, que tu es fier de ce que tu as fait. Quand tu auras triomphé d’un adversaire, ne cède pas à la tentation de l’insulter par-dessus le marché. Ne te gausse pas de tes rivaux, retiens-toi de les provoquer et, chaque fois que tu seras vainqueur, contente-toi du plaisir de la victoire sans t’en glorifier en paroles ou en actes. Entraine-toi à simuler les sentiments qu’il peut t’être utile de manifester jusqu’à en être comme imprégné. Ne dévoile à personne tes sentiments réels, farde ton cœur comme on farde un visage. Que les mots que tu prononces, les inflexions même de ta voix participent du même déguisement. N’oublie jamais que la plupart des émotions se lisent sur le visage. Si donc tu ressens de la crainte, réprime-là en te répétant que tu es le seul à en être conscient. Fais-en autant pour tous les autres sentiments. Si quelqu’un s’en prend à toi bruyamment, - sans forcément te nommer mais en usant d’allusions transparentes à propos de telle ou telle action blâmable dont il insinue que tu pourrais être l’auteur -, prends-le au mot et, en faisant mine de n’avoir pas compris que tu étais visé, exprime ton indignation devant cette vilénie et ton dégoût pour des gens capables de telle infamies. Si tu dois répondre de plusieurs chefs d’accusation, ne va pas perdre toute crédibilité en niant tout en bloc. Reconnais-toi coupable de quelques fautes mineures, même si ce n’est pas vrai, afin de donner une preuve évidente de ton honnêteté et de ton bon vouloir et de ne pas avoir l’air de te considérer comme irréprochable. Ne va pas t’imaginer que ce sont tes qualités personnelles et ton talent qui te feront octroyer une charge, Si tu penses qu’elle te reviendra pour la seule raison que tu es le plus compétent, tu n’es qu’un benêt. Dis-toi qu’on préfère toujours confier une fonction à un incapable, plutôt qu’à un homme qui la mérite. » Et le cardinal de conclure sur ces cinq maximes : « Simule, dissimule, ne te fie à personne, dis du bien de tout le monde, prévois avant d’agir. "