DÉFINITION DÉFINITIVE DU VRAI RÉPUBLICAIN

Rubrique proposée par Philippe Meyer.

DÉFINITION DÉFINITIVE DU VRAI RÉPUBLICAIN

Philippe Meyer

"Un Algonquin ou un Huron qui débarquerait devant nos postes de télévision serait à coup sûr frappé par le nombre de fois où il entendrait ce mot de « républicain », mais il aurait du mal à saisir quelle définition en donne chacun de ceux qui le prononcent. Si je m’essayais à éclairer cet Algonquin ou ce Huron, je lui dirais qu’un républicain semble être quelqu’un qui affiche sa désapprobation et son dégoût pour un parti, le Rassemblement national, dont l’audience est dûe aux fautes ou aux erreurs que le républicain en question n’a cessé de commettre, autrement dit quelqu’un qui vitupère les effets dont il continue à entretenir les causes.
Devant ce festival de proclamations républicaines, il m’est revenu en mémoire une définition incontestable du « vrai républicain ». Elle a été donnée, je devrais dire administrée, à feu Hippolyte Ducos, qui fut député radical de la Haute Garonne de 1919 à 1940, puis de 1950 à 1970 et qui présida l’Assemblée nationale ès qualités de doyen d’âge en 1967. Du temps d’Hippolyte Ducos, les élections se réussissaient sous les préaux d’école, devant des parterres où les contradicteurs ne se privaient pas d’intervenir. Lors de l’une de ces réunions du côté de Barbazan, Hippolyte Ducos se trouve fréquemment interrompu par un assistant qui, d’une voix de stentor et aussi de rogomme, s’exclame à intervalles réguliers « Tais toi ! Tu n’es pas un vrai républicain » ! Ducos feint aussi longtemps que possible d’ignorer cette apostrophe, puis, devant les rires toujours plus nombreux de l’assistance, interrompt son propos pour rappeler qu’il est, au contraire, un républicain irréprochable, fils de paysan pauvre devenu agrégé de lettres grâce aux bourses de la République, militant de toujours de la laïcité la plus rigoureuse, adversaire de l’école libre, promoteur de l’enseignement professionnel, défenseur des droits des anciens combattants, vice-président du parti radical, j’en passe et des plus éclatantes.
Quand cette litanie est terminée, la voix, nullement impressionnée reprend de plus belle « Tais toi ! Tu n’es pas un vrai républicain » ! Alors Ducos, pourtant rompu aux joutes parlementaires, municipales ou départementales, à bout d’arguments apostrophe son interrupteur « Mais alors dis-moi, toi ce qu’il faut faire pour être un vrai républicain ». Et la voix de rogomme de claironner, majestueuse « Pour être un vrai républicain, il faut avoir été enterré civilement ! »
Le ciel vous tienne en joie.
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