#11 - Trump en Asie & Défense nationale

Vers l’Orient compliqué il volait avec des idées simples

Introduction

Le président des États-Unis a entrepris, du 4 au 14 novembre, une longue tournée diplomatique dans la région Asie-Pacifique. Donald Trump s’est rendu au Japon, en Corée du Sud, en Chine, au Vietnam et aux Philippines. Il a participé à deux sommets régionaux, en marge desquels il a également rencontré le président russe, Vladimir Poutine.
Dans le contexte de la crise nord-coréenne, ce voyage a été marqué par les exhortations du président américain à durcir les sanctions contre Pyongyang. Il n’a pas hésité à mettre la Chine en garde contre le maintien de son opposition. Au terme de sa visite, M. Trump a cependant salué des avancées significatives sur le dossier nord-coréen. Selon lui, les présidents russe et chinois auraient accepté de renforcer les sanctions, ce qu’aucun des deux intéressés n’a pour l’heure confirmé.
Le président américain a également évoqué la question des tensions en mer de Chine méridionale. Lors d’un discours prononcé vendredi 10 novembre à Hanoï, Donald Trump a pris note de la politique agressive menée par Pékin dans la région et a proposé d’offrir une médiation. Cette proposition a été fraîchement accueillie par les principaux protagonistes. Les dirigeants du Vietnam et des Philippines ont annoncé préférer la poursuite des négociations bilatérales avec Pékin.
Au-delà de ces tensions stratégiques, l’essentiel de la visite asiatique du président américain a porté sur les questions commerciales. Lors de son arrivée à la Maison Blanche il y a un an, Donald Trump avait enterré le projet d’accord de libre-échange transpacifique souhaité par son prédécesseur. Il entend ainsi se démarquer de la politique du « pivot asiatique » de Barack Obama. M. Trump souhaite toutefois défendre les intérêts américains dans la région et limiter l’influence de la Chine. Dans ses discours, il a mis en avant le concept d’espace « indo-Pacifique » pour minimiser le rôle de Pékin par rapport à un axe démocratique incluant notamment l’Inde, le Japon et les États-Unis.
La position américaine a cependant été remise en cause par la décision des 11 États concernés par l’ancien accord de libre-échange transpacifique d’aller de l’avant sans les États-Unis. Le retrait de Washington laisse un vide que la Chine semble vouloir combler. À la tribune de l’APEC, le 10 novembre, le président Xi a formulé un plaidoyer pour des échanges « plus ouverts, plus équilibrés, plus équitables et bénéfiques pour tous ». Ce désaveu apparent n’a pas empêché M. Trump de multiplier les signes de bonne entente avec l’ensemble des leaders régionaux. Sa visite a notamment permis de signer pour près de 250 milliards de dollars d’accords commerciaux entre des entreprises américaines et les autorités chinoises. De retour à Washington, le président Trump s’est félicité du bilan de cette tournée sur les réseaux sociaux en déclarant : « Notre formidable pays est de nouveau respecté en Asie ».

Quel avenir pour la défense française en Europe ?

Introduction

Lundi 13 novembre, 23 États européens réunis à Bruxelles se sont engagés à approfondir leur coopération en matière de défense. Adopté à l’initiative de la France, le texte comporte une vingtaine d’engagements visant à établir une « coopération structurée permanente » dans le domaine militaire. Il s’agit notamment de renforcer les programmes communs d’armement, les capacités d’intervention européennes ou encore la formation des officiers européens. Le projet s’appuie sur un fonds européen de défense doté de 5,5 milliards d’euros.
Cette relance du projet de défense européenne intervient dans un contexte international agité. A l’Est, la Russie occupe militairement une partie de l’Ukraine. Au Moyen-Orient, de nouvelles tensions se font jour entre l’Arabie Saoudite et l’Iran alors que le Yémen, la Syrie et l’Irak sont le théâtre de troubles armés. En Asie, les avancées du programme nucléaire nord-coréen appellent à une vigilance particulière, et les tensions en mer de Chine méridionale restent vives. La revue stratégique de défense, évoquait fin octobre diverses tentatives de déstabilisation de l’ordre multilatéral, ainsi qu’un risque élevé de déconstruction de l’architecture de sécurité en Europe. La France doit aussi faire face au retrait de ses alliés traditionnels, alors les Etats-Unis de M. Trump menacent de se désengager de l’OTAN et que le Royaume-Uni quitte l’Union Européenne.
Cette relance européenne intervient également quelques mois après la démission du général de Villiers, chef d’état-major des armées françaises, le 19 juillet 2017. Ce dernier avait été sanctionné pour avoir publiquement protesté contre les coupes budgétaires qui affectent le ministère des armées. Il a été remplacé par le général Lecointre. Pour boucler le budget 2017, Bercy avait annoncé 850 millions d’euros de coupes supplémentaires des crédits de la défense. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit cependant une hausse du budget des armées à hauteur de 1.8 milliard d’euros. Le président Macron répète par ailleurs son engagement de porter l’effort de défense à 2% du PIB avant la fin du quinquennat. Malgré cela, l’armée française est aujourd’hui sous tension et peine à faire face à la multiplication des théâtres d’opération intérieurs et extérieurs. La France est présente au Levant, au sein de la coalisation internationale contre Daech, ainsi qu’au Sahel, dans le cadre de l’opération Barkhane. L’opération Sentinelle mobilise en outre de nombreux militaires sur le territoire national.
La France plaide donc pour un sursaut européen en matière militaire mais cette idée se heurte à la frilosité allemande sur ce sujet. Dans une tribune largement diffusée outre-Rhin, Jean Pisani-Ferry a critiqué les « obsessions étriquées » de l’Allemagne. De son côté, l’ancien ministre des Affaires étrangères allemand, Joschka Fischer, a déclaré que Berlin « joue avec le feu » en ne soutenant pas l’élan français.

Les brèves

De la démocratie en France, République, nation, laïcité

Nicolas Baverez

"Je souhaite recommander le livre de Dominique Schnapper : De la démocratie en France, République, nation, laïcité. En ces temps de polémiques furieuses sur l’islam, l’islamophobie, ce livre est très intéressant parce qu’il explique et analyse les rapports entre la citoyenneté, la république, et les religions (pas seulement l’islam mais aussi le judaïsme et le catholicisme). Il s’interroge sur l’échec du modèle républicain et sur ce que pourraient être des politiques multiculturelles. Il y a deux choses qui me paraissent importantes : d’abord c’est un livre qui aborde tout cela du point de vue de la connaissance sociologique, et pas seulement du point de vue du choc d’opinions furieuses. Et ensuite c’est un livre qui rappelle l’importance des institutions, et c’est vrai que dans un moment où les démocraties sont très chahutées, les institutions sont imparfaites mais elles sont extrêmement importantes pour la survie de la liberté."

L’art du pastel de Degas à Redon

Nicole Gnesotto

"Moi je voudrais vous recommander d’aller voir l’exposition sur l’art du pastel, au Petit Palais, intitulée : « L’art du pastel de Degas à Redon » et que vous pourrez voir jusqu’au 18 avril 2018. D’abord parce que le Petit Palais je trouve c’est un musée absolument magnifique, trop souvent oublié, parfois désert, qui a des collections permanentes superbes, qui a un joli petit jardin exotique intérieur, absolument superbe. Et là il se trouve que le Petit Palais a sorti de ses collections 150 des 200 pastels qu’il possède et où on découvre que le pastel n’est pas du tout un art mineur, que c’est une technique extraordinaire entre le dessin et la peinture, avec des œuvres sublimes que moi j’ai totalement découvertes, je ne connaissais absolument rien de tous les artistes qui sont présentés, et c’est vraiment une très très belle exposition."

Les Vaincus, Violences et guerres civiles sur les décombres des empires, 1917-1923

François Bujon de L’Estang

"Je vous ramène à de plus dures réalités historiques hélas en vous recommandant la lecture d’un livre qui s’appelle Les Vaincus, qui vient d’être publié en français aux éditions du Seuil et qui est écrit par un professeur à l’University College de Dublin qui s’appelle Robert Gewarth. C’est un livre passionnant dans lequel je suis pour l’instant englouti, sur les années 1918 à 1923 en Europe, c’est-à-dire les suites de la Première Guerre mondiale et les conséquences de l’effondrement des empires, de l’Empire austro-hongrois, de l’Empire allemand. On oublie presque que ces années, entre la guerre d’indépendance polonaise, la guerre gréco-turque, la guerre d’Orient qui se prolongeait aux confins de la Bulgarie, ou les spartakistes à Berlin et Bela Kun en Hongrie, a été une période aussi – et je n’oublie pas l’Irlande – sanglante presque, que la période des quatre années de la Première Guerre mondiale. Le livre est tout à fait passionnant et se lit comme un roman policier."

Fille de révolutionnaires

Jean-Louis Bourlanges

"Je voudrais recommander un livre que je n’ai pas terminé mais je me suis lancé dedans avec un immense plaisir. Le livre de Laurence Debray, la fille de Régis Debray, Fille de révolutionnaires. Je trouve ce livre absolument fantastique, parce que moi j’ai pour Régis Debray une opinion complètement ambivalente. D’un côté je trouve que son engagement politique, qui a été courageux, est quand même un engagement d’adolescent. Il est depuis toujours, c’est une espèce d’éternel adolescent dans son culte de la révolution. Et d’autre part c’est un homme qui a énormément de talent, un bonheur d’écriture extraordinaire, et qui est dans la conversation, sympathique, plein d’humour, plein de distance. C’est un vieux sage quand on parle, et c’est un jeune adolescent éperdu de révolution quand il rêve. Et là Laurence Debray est vraiment à la charnière des deux. On montre ce que c’est qu’une petite fille et une jeune fille mêlées à cette histoire révolutionnaire extravagante, avec elle beaucoup d’humour, beaucoup de bon sens, beaucoup de tendresse. On trouve toute cette ambivalence, c’est vraiment très rafraîchissant, et ça donne le sentiment que Debray est quand même bien meilleur quand il écrit de jolies choses, que quand il s’engage dans des combats absolument impossibles pour la révolution, et que sa fille a pris le meilleur de lui-même."

Continental films

Philippe Meyer

"Je recommande la lecture d’un livre publié par une vaillante petite maison d’édition cinéphile, pas seulement cinéphile mais très cinéphile, ce sont les éditions de La Tour Verte. Le livre est signé de Christine Leteux et il s’intitule Continental films. C’est donc un livre d’histoire sur cette firme allemande installée à Paris dirigée par Alfred Greven et qui a eu un rôle déterminant dans la production cinématographique pendant l’occupation, et qui a entre autres fait travaillée avec des gens comme Jean-Paul Le Chanois, comme Richard Pottier, comme Henri George Clouzot, Maurice Tourneur, et un certain nombre d’autres. Et c’est autour de cette Continental films que Christine Leteux fait une enquête méthodique qui permet de savoir qui a vraiment fait quoi, et comment. A l’intérieur de cette firme allemande, il y a eu d’un côté une volonté hégémonique allemande, mais de l’autre côté énormément de petites initiatives, qui ont fait en sorte que cette endroit soit un endroit où on fasse essentiellement des films, et surtout pas de la propagande. Christine Leteux ne dissimule ni qu’il y avait des salauds, ni qu’il y avait des profiteurs, ni qu’il y avait des imbéciles, ni qu’il n’y avait peu de juifs (quoique, comme Le Chanois, et aussi la manière dont un certains nombre d’entre eux ont été protégés par ceux qui étaient employés par la Continental). Et aussi elle examine un certain nombre de dossiers qui ont été jugés sans qu’il y ait eu une instruction ni à charge ni à décharge, ou plus exactement seulement à charge, notamment l’histoire du fameux voyages des 8 à Berlin : ils étaient 7 comédiens et 1 journaliste et en réalité on s’aperçoit que par exemple, Danielle Darrieux n’y est allée, que parce qu’elle a obtenu en échange de pouvoir voir son fiancé qui était dans un camp d’internement, que tel autre n’y est allé que parce qu’on lui avait dit que s’il n’y allait pas, on allait ressortir le livre antinazis qu’il avait publié avant la guerre et qu’il allait faire autre chose que du cinéma, … bref le seul qui était un collaborateur enthousiaste, c’était le journaliste qui les accompagnait, et tous les autres y sont allés en marche arrière, et c’est très intéressant. Sauf peut-être Susie Delair, qui va avoir 100 ans bientôt, mais on se demande si ce n’est pas parce qu’elle avait quand même Ein Ziegel in seinem Kopf, un pois chiche à l’intérieur du crâne. Quelque soit ces qualités d’actrices que l’on vient de pouvoir admirer de nouveau dans la rediffusion de Quai des Orfèvres, dans la version restaurée par Arte qui était vraiment une splendeur. Voilà donc Christine Leteux, Continental films, aux éditions de La Tour Verte."