#12 - Allemagne & La République En Marche

La situation politique en Allemagne

Introduction

Dimanche 19 novembre, c’est en tant que chancelière chargée des affaires courantes qu’Angela Merkel s’est présentée devant la presse pour confesser son échec à former un gouvernement. Cet échec fait suite au scrutin législatif du 24 septembre dernier qui ne lui avait donné qu’une majorité relative au Bundestag. Les conservateurs de la CDU-CSU en noir, les libéraux du FDP en jaune et les Verts avaient donc entamé le mois dernier des négociations en vue de former une coalition dite « Jamaïque ». En quittant dimanche soir la table des négociations, les libéraux ont déclenché une crise politique inédite depuis la fondation de la république fédérale en 1949. Constatant les désaccords qui l’opposent aux deux autres formations, le libéral Christian Lindner a dit préférer ne pas gouverner plutôt que mal gouverner. Face à cette crise politique, le président de la République fédérale, Frank-Walter Steinmeier, a appelé tous les partis à faire preuve de responsabilité.
En l’absence de majorité claire au Bundestag, les sujets de discorde sont en effet nombreux. L’immigration est devenue l’un des dossiers les plus sensibles depuis que la chancelière a fait le choix d’ouvrir ses frontières aux réfugiés en 2015. Mme Merkel reproche ainsi aux Libéraux d’avoir surenchéri sur le sujet du regroupement familial pour faire échec aux discussions. Les questions de climat, d’énergie et de fiscalité ont constitué autant de points d’achoppement. Pour sortir de cette impasse politique, Angela Merkel ne pouvait pas compter sur le soutien des socialistes du SPD qui ont d’abord refusé de renouveler la « Grande Coalition » sortante.
Mme Merkel ayant refusé de former un gouvernement minoritaire, le président Steinmeier peut prononcer la dissolution du Bundestag et la tenue de nouvelles élections, ou confier à une autre personnalité politique la mission de former un gouvernement de coalition. Vendredi matin, toutefois, les socialistes sont revenus sur leur refus de relancer la grande coalition et se sont dits prêts à discuter.
L’incertitude plane donc sur l’avenir politique du pays à court terme. Cette situation est lourde de conséquences pour ses partenaires européens, et notamment la France. Dans son discours prononcé en Sorbonne au mois de septembre dernier, Emmanuel Macron disait compter sur un partenariat franco-allemand stable et solide pour relancer la construction européenne. L’attente risque de se prolonger jusqu’au printemps prochain.

All the president’s men

Introduction

Samedi 18 novembre, le parti La République en Marche a tenu à Lyon son premier conseil national depuis ses victoires électorales du printemps. Après l’adoption des statuts du parti au mois d’août, cet événement a permis de désigner Christophe Castaner au poste de délégué général du parti, pour un mandat de trois ans. L’ancien député socialiste et ex-porte-parole du gouvernement devrait cumuler ses fonctions de chef de parti avec son portefeuille de secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Il aura pour missions d’animer et de structurer la vie intellectuelle et idéologique du parti, tout en définissant une stratégie pour les prochaines échéances électorales.
Cette élection intervient dans un climat de remise en cause du fonctionnement de LREM. Le 17 novembre, à la veille du congrès de Lyon, une centaine de marcheurs a démissionné du mouvement en fustigeant « le choix d’un fonctionnement vertical et d’une gouvernance d’élite ». Aussi le parti semble-t-il pris dans ses contradictions. Entre son ambition initiale de renouveler les formes de l’engagement politique et son rôle de parti du président, LREM peine à trouver sa place. À ceci s’ajoute les défis propres à tous les partis qui, à l’instar de La France insoumise, entendent se démarquer des partis traditionnels. La gratuité de l’adhésion permet ainsi à La République en Marche de se revendiquer première force politique du pays, forte de quelques 380.000 adhérents. Mais ce brouillage entre militants actifs et simples sympathisants interroge quant à la capacité du parti à structurer son action dans le temps. L’invocation constante de méthodes participatives place enfin les dirigeants LREM en porte-à-faux avec leurs militants les plus actifs, qui réclament d’être davantage que des colleurs d’affiches.
Ce débat sur le rôle que peut jouer le parti présidentiel recoupe les nombreuses interrogations sur le style de la présidence d’Emmanuel Macron. Après plus de six mois au pouvoir, l’expression de « présidence jupitérienne » s’est peu à peu imposée dans le débat public, soit pour louer l’autorité du chef de l’État, soit pour blâmer ses prétentions hégémoniques. Avec un Premier ministre coupé de son propre parti, des ministres issus de la société civile et une majorité parlementaire disciplinée, le Président exerce une gouvernance très concentrée.

Les brèves

Le Débat, La sociologie au risque d'un dévoiement

Philippe Meyer

"A titre de brève je voudrais signaler la parution du numéro de novembre/décembre de la revue Le Débat, dans laquelle un ensemble d’articles est consacré à la sociologie et au risque d’un dévoiement. Gérarld de Bronner et Etienne Géhin, Olivier Galland, Nathalie Heinich, Dominique Schnapper et Pierre-Michel Menger s’interrogent sur la manière dont s’est cléricalisée la sociologie et sur la manière dont elle a essayé, elle est en train, elle s’occupe pour une partie d’entre elle, sous un certain nombre de slogans assez faciles - notamment celui qui dit que la sociologie est un sport de combat - de prendre la place du journalisme, non pas pour nous renseigner sur la société comme elle est, mais pour être, pour devenir ce qui dise ce qui est juste et bon sans avoir à prendre la moindre responsabilité, ni le moindre risque. C’est évidemment plus détaillé, plus fin que ce que je viens de résumer brièvement, mais je trouve que c’est un excellent ensemble d’excellents articles, qui mérite d’être signalé."

De l'ardeur, Histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne

Marc-Olivier Padis

"Parmi les livres de la rentrée de cet automne j’ai lu le livre de Justine Augier, paru chez Actes Sud, qui s’appelle De l’ardeur, qui est une enquête sur une militante syrienne des droits de l’homme, avocate, Razan Zaitouneh. C’est une histoire assez triste puisqu’elle a fait partie des premières à se mobiliser dans les grandes manifestations contre le pouvoir syrien, et elle a été arrêtée, torturée, exécutée. Cette enquête en même temps donne un visage à cette opposition démocratique syrienne qu’on aurait bien aimé voir prendre plus de force. L’ensemble de ce récit n’est que plus amer aujourd’hui quand on voit le débouché de cette guerre."

L'invention tragique du Moyen-Orient

Béatrice Giblin

"Moi c’est un ouvrage qui est publié chez Autrement, qui s’appelle L’invention tragique du Moyen-Orient par Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud qui sont deux politologues (Pierre Blanc ayant cette caractéristique qu’avant d’être politologue, d’avoir été un ingénieur agronome qui a énormément travaillé sur les problèmes de la terre et sur les problèmes fonciers au Moyen-Orient). C’est dans une collection qui s’appelle Angles et Reliefs, c’est-à-dire que on fait des choix : c’est un angle. Le titre le dit déjà d’ailleurs. L’invention tragique du Moyen-Orient, c’est bien évidemment donner une grande place dans la responsabilité de la situation actuelle aux partages Sykes-Picot, aux années 20 et à la création des différents états sans l’accord des peuples à ce moment là. C’est un ouvrage très clair, très facile, avec des cartes un peu trop simples à mon goût, mais ce qui est très intéressant ce sont les schémas d’acteur, avec le rôle qu’ont pu jouer différents responsables à un moment de l’Histoire. Cela je pense que c’est très bien pour comprendre comment on a pu se retrouver totalement isolé, avec les oppositions y compris de ceux qu’on aurait pu penser être des alliés"

Souvenirs dormants

François Bujon de L’Estang

"Toute petite incursion dans la littérature pour faire écho à une recommandation qui a été faite il y a quelques semaines par l’un d’entre nous ou l’une d’entre nous, mais je sais que c’est autorisé par la direction. Je veux dire le bonheur de la lecture du dernier livre de Patrick Modiano, Souvenirs dormants, publié chez Gallimard dans la collection Blanche. C’est un tout petit livre, particulièrement mince même pour Modiano, mais c’est un bonheur de lecture parce que cette atmosphère qui est toujours la même, ces brumes qui errent dans les rues de Paris autour de visages estompés, cette évocation de personnages oubliés dont on ne sait rien ni n’apprendra rien, mais cette légèreté d’écriture et l’originalité profonde de cette voie qui est celle de Patrick Modiano méritent particulièrement d’être soulignées car c’est un phénomène très unique dans notre littérature."