#22 - Le Bac selon saint Blanquer et Davos, quoi de neuf ?

Le Bac selon saint Blanquer

Introduction

Le programme de la République En Marche avait laissé entendre qu’une grande part de la politique du gouvernement serait basée sur une refonte en profondeur du système éducatif français. La France consacre 7% de son PIB au budget de l’éducation nationale mais les performances des élèves et désormais celles des professeurs sont sans cesse pointées du doigt par différents rapports nationaux et internationaux depuis une dizaine d’année. Selon le dernier rapport PISA commandé par l’OCDE en 2016, la France se situe légèrement au-dessus de la moyenne des pays étudiés. Une performance jugée stable depuis 2006. Mais ces chiffres masquent une autre réalité puisqu’en 2009, 20% des élèves entrant en sixième ne maîtrisaient pas les savoirs fondamentaux. De plus, la France reste le pays de l’OCDE où les résultats scolaires sont le plus fortement corrélés à l’origine sociale. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale, a laissé entrevoir un bouleversement du lycée dans sa forme actuelle. Suivant les recommandations du rapport Mathiot, le lycée perdrait ses filières (L, ES, S etc.) au profit d’un tronc commun par semestre agrémenté de deux matières “majeures” et de deux matières “mineures”. Le baccalauréat se trouverait remodelé avec l’arrivée du contrôle continu et de grands oraux chargés d’évaluer le niveau des élèves dans les matières dites “fondamentales”. Ce projet de réforme, attendu pour le 14 février, ferait écho à la mise en place de Parcoursup, site ayant remplacé le décrié APB dans l’orientation post-bac des élèves et intégrant une part sensible de sélection dans l’entrée à l’université. Ce projet de nouveau baccalauréat intervient alors même que les missions confiées à Cédric Villani et Charles Torossian sur l'enseignement en France n’ont pas encore rendu leurs conclusions. Certains sociologues dénoncent l’introduction de l’oral jugé profondément inégalitaire car lié à des “compétences sociolinguistiques, à des « savoir dire » et « savoir être » en rapport direct avec l’origine sociale”. Prenant la tête de la première manifestation d’opposition au projet de réforme ce jeudi 1er février, le syndicat majoritaire SNES dénonce quant à lui un rapport faisant “du lycée une petite université” le tout “faisant fi de la maturité des lycéens, mais aussi de l’organisation pratique des établissements”...

Davos, quoi de neuf ?

Introduction

Le 48ème Forum Economique Mondial s’est tenu en Suisse, à Davos, fin janvier. Fondé en 1971 par un professeur d’économie allemand, Klaus Schwab, comme un lieu d’échanges entre hommes d’affaires américains et européens, ce forum accueille désormais grands patrons de multinationales et responsables politiques du monde entier. Dans ce “temple du libre-échange », les discours du Premier ministre indien Modi et du canadien Trudeau ont dénoncé sans les citer les politiques protectionnistes du président Trump dont l’allocution s’est voulu apaisante après les déclarations tonitruantes du secrétaire américain au trésor vantant les mérites d’un dollar faible. « L’Amérique d'abord ce n'est pas l'Amérique seule », a déclaré le premier président américain à faire le déplacement depuis 2000, "Je suis là pour représenter les intérêts du peuple américain et pour affirmer l'amitié et la coopération des Etats-Unis pour construire un monde meilleur" Dans un discours d’une heure en français et en anglais, le président Emmanuel Macron a réclamé “un nouveau contrat mondial”, où les multinationales renonceraient, par exemple, à “l’optimisation fiscale à tout crin”. Il a célébré une France conquérante “ de retour” sur la scène internationale et une future “Europe puissance” qui lui a valu une standing ovation ainsi que le titre de “leader du monde libre” dans le New-York Times. Cette dernière édition avait pour thème "Un avenir commun dans un monde fracturé". Si la croissance mondiale semble bénéficier d’une embellie générale avec une augmentation prévue de 3,9% en 2018 et une croissance effective de 3,7% en 2017, les inquiétudes politiques restent nombreuses. Pour la onzième année consécutive, les pays où la démocratie recule sont plus nombreux que ceux où elle progresse et les disparités économiques ont bondi. Selon l’association Oxfam, 82% des richesses créées l’an dernier dans le monde ont bénéficié à seulement 1% de la population mondiale. Enfin, les géants d’internet, notamment Facebook et Google, ont essuyé de nombreuses critiques de la part des différents intervenants et notamment du milliardaire Georges Soros qui voit dans cet accroissement des inégalités, dans ce recul de la démocratie et dans cette émergence d’entreprises multinationales toutes- puissantes l’apparition “d’un réseau totalitaire comme Aldous Huxley ou George Orwell eux-mêmes n'auraient pu l'imaginer”...

Les brèves

Solitude volontaire

Marc-Olivier Padis

"J’ai lu cette semaine un essai de philosophie extrêmement bien écrit de Olivier Remaud, ça s’appelle Solitude volontaire chez Albin Michel. L’originalité de cet essai c’est que ce n’est pas un essai conceptuel ou spéculatif sur la solitude et le rapport à la société mais c’est une réflexion sur des exemples de personne qui ont choisi la solitude. Des exemples aussi variés que les explorateurs des pôles mais aussi Glenn Gould, le pianiste qui était un reclus. Et donc en passant d’un exemple à l’autre, il développe toute sa réflexion et il montre que la solitude est une manière de faire société avec les autres."

Les origines de la France contemporaine

Jean-Louis Bourlanges

"On m’a offert pour Noël et je me suis replongé avec délice dans : Les origines de la France contemporaine de Taine. Et je dois dire que Taine fait partie de ces auteurs sur la Révolution Française dont le grand historien Georges Lefebvre, grand historien de gauche de la Révolution et de l’Empire, disait avec cette hypocrisie fondamentale qui caractérise l’historiographie révolutionnaire. Il le disait d’Augustin Cochin, mais il aurait pu le dire de Taine : « Il faut le lire mais il ne faut pas le dire » et effectivement c’est formidable.
Raymond Aron a été en fait à l’origine de la résurrection dans l’opinion publique après la seconde guerre mondiale de Tocqueville, il a imposé Tocqueville. Furet aurait pu faire sur Taine, il s’est manifestement beaucoup inspiré de Taine mais Taine n’a pas encore acquis, retrouvé l’audience malgré le fait qu’il soit édité en bouquin. Moi j’ai eu une édition très ancienne et très sympathique mais c’est formidable, il faut rendre hommage à tous ces grands érudits du XIXe siècle qui ont fait un travail de rigueur d’intelligence absolument incroyable et dont nous devons utiliser beaucoup plus les fruits qu’on ne le fait, savourer les fruits."

Le Grand Jeu

François Bujon de L’Estang

"On parle beaucoup d’Asie Centrale et nous venons à propos de Davos de parler de la Route de la soie, par exemple, où l’Afghanistan est au centre des préoccupations internationales. Moi je voudrais vous recommander de lire un livre qui est tout à fait passionnant qui s’appelle Le Grand Jeu qui est écrit par un britannique qui s’appelle Peter Hopkirk, un ancien journaliste du Time qui a du travailler aussi pour d’autres employeurs, j’imagine et qui s’est énormément promené en Asie Centrale. Son livre The Great Game en anglais a finalement été traduit en français, ça a mis très longtemps. Ca a été publié par un petit éditeur belge qui s’appelle Nevicata. C’est un gros livre que vous dévorez vraiment en vous couchant très très tard le soir parce qu’on ne peut pas le terminer, il est passionnant, il raconte la rivalité des russes et des anglais pour contrôler, justement, l’Afghanistan et les abords de l’Empire des Indes tout au long du XIXe siècle. Il s’arrête en 1905 avec la guerre russo-japonaise et ses conséquences géopolitiques. Mais le livre est formidable et vous pouvez parfaitement rapporter tout ce que vous y apprenez et que vous lisez comme du Kipling à l’actualité aujourd’hui en Afghanistan, au Pakistan et en Inde et aux pourtours de ce qui étaient jadis l’Empire des Indes sur lequel le soleil ne se couchait jamais comme chacun sait."

Questions Internationales

Nicole Gnesotto

"Moi je vais à l’autre extrême, je vais parler, non pas d’ouvrage savant, mais d’une revue de vulgarisation mais d’excellente vulgarisation sur les questions internationales qui s’appelle justement Questions internationales qui est publié depuis 10 ans par la Documentation française avec comme rédacteur en chef à la fois un diplomate et un professeur d’université Gilles Andréani et Serge Sur. Et c’est une revue formidable je trouve parce que tous les mois elle réunit des articles avec un certain sérieux académique et le plaisir de l’écriture. Le dernier numéro qui vient de sortir c’est sur l’Arabie Saoudite, transformation ou illusion. Il y avait le mois dernier un numéro sur l’avenir de l’Europe, sur Cuba, le numéro sur le désordre mondial du mois d’août. Donc c’est une excellente revue qu’on trouve dans les kiosques et dans les librairies."

Zone de Mort

Philippe Meyer

"J’ouvrirai cette séquence des brèves en recommandant un ouvrage de feu Paul Yonnet, le regretté Paul Yonnet. Livre qui s’intitule Zone de mort et qui est préfacé par Jean-Pierre Le Goff. Cela fait 7 ans maintenant que Paul Yonnet, spécialiste des pratiques populaires, du jeu par exemple et du sport, est mort. Un sociologue tout à fait atypique très original, non pas par goût de l’originalité mais par capacité à penser par lui-même. Il y a donc 7 ans que Paul Yonnet est mort et c’est sur la période dans laquelle il a su qu’il allait devoir affronter la mort pour la seconde fois de sa vie mais cette fois-ci la bonne ou la mauvaise comme on voudra que comme l’écrit Jean-Pierre Le Goff : « Paul Yonnet l’expérience limite d’un individu avec sa propre histoire et son rapport au monde ». Mais par delà ce parcours unique et tragique, il dévoile une vérité abrupte qui s’adresse à tous, celle de l’individu confronté à la souffrance et à la mort et d’une société qui fait tout pour les mettre à distance. Ce texte, l’écrit Jean-Pierre Le Goff, est un coup de poing contre ce monde aseptisé, l’envers du décor de l’optimise enjoué des bien-pensants de la postmodernité et des partisans doucereux du suicide assisté. Et c’est édité aux éditions Stock dans la collection Les Essais."