#24 - Vers une autre police ? & Allemagne : la coalition au pied du mur

Vers une autre police ?

Introduction

Le jeudi 8 février, le Ministre de l’intérieur Gérard Collomb a exposé pendant près de deux heures les grandes lignes de sa politique de sécurité, les différentes mesures annoncées faisant à l’envoi d’un questionnaire aux 250 000 policiers et gendarmes, dont 70 000 ont répondu. Après avoir mis l’accent sur “la sécurité, première des libertés”, le ministre a décliné cinq grands axes des réformes pour une police “aux ambitions retrouvées”, “sur-mesure”, “connectée”, “respectée” et “partenariale”. Gérard Collomb a annoncé “la fin de la politique du chiffre” et une refonte de la formation initiale des policiers afin qu’ils "appréhendent davantage les problématiques sociétales, le management et la relation avec la population". Il s’agit de “replacer le service du citoyen” au cœur du dispositif de sécurité. Pour ce faire, le ministre a notamment annoncé la création d’une Police de sécurité et du quotidien ou PSQ. 1.800 fonctionnaires supplémentaires y seront affectés d’ici à la fin du quinquennat, recrutés “sur profil” par les chefs de service locaux pour une “plus grande présence sur le terrain” des policiers et des gendarmes. Dès septembre 2018 et d’ici à janvier 2019, une trentaine de quartiers dits de “reconquête républicaine” et une vingtaine de départements en zone gendarmerie expérimenteront cette police, notamment dans des zones “où la délinquance et les trafics ont augmenté de manière forte et où les habitants ont parfois peur de sortir de chez eux ou de prendre le bus”. Le ministre a également annoncéla commande de 10 000 caméras piétons et de 110 000 tablettes pour équiper une majorité d’agents d’ici 2020 et la création de 10 000 postes pour la fin du quinquennat ainsi que d’un fonds prévu pour la rénovation de nombreux commissariats. Face ces différentes promesses les syndicats policiers sont restés sceptiques. Frédéric Lagache du syndicat Alliance déclarant notamment “Gare aux faux espoirs (...) on a une police qui s’asphyxie et à qui il faut donner de l’oxygène” et Philippe Capon secrétaire général de l’UNSA-Police jugeant “On est déçu sur la méthode, il y a eu des bribes d’information mais pas de concertation”. Du côté des municipalités, le maire de Dijon, François Rebsamen a constaté un “certain agacement des élus”.

Allemagne : la coalition au pied du mur

Introduction

Les élections législatives allemandes du 24 septembre 2017 ont été marquées par les mauvais résultats des partis traditionnels et par l’entrée au Bundestag de l’extrême droite. Les chrétiens-démocrates de la CDU-CSU de la chancelière Angela Merkel ont enregistré leur plus mauvais score depuis 1949 avec seulement 33% des voix et les sociaux-démocrates du SPD de Martin Schulz ont connu les pires résultats de leur histoire avec 20,5% des voix. Angela Merkel avait en novembre entamé des négociations avec les libéraux du FDP et les verts du parti Grünen en vue d’une coalition dite “jamaïcaine”. De trop nombreux désaccords notamment sur la question de l’immigration et de l’environnement ont conduit la chancelière à se tourner vers le parti social-démocrate SPD. Après quatre mois d’intenses discussions, les deux formations sont arrivées à un accord vendredi dernier. 46 milliards d’euros seront consacrés à des dépenses sociales et éducatives et un fonds spécifique sera consacré à la stabilisation économique et à la convergence sociale de la zone euro en lien étroit avec la France. Quant à l’épineuse question de l’immigration, symbolisée ces deux dernières années par la politique d’ouverture de la chancelière, le nombre d’arrivants sera désormais plafonné à 1.000 par mois dans le cadre du regroupement familial. Ces accords devront être soumis le 4 mars au vote des 450 000 militants du SPD. Pour les libéraux-démocrates du FDP, il ne s’agit que d’“une resucée de la ‘grande coalition’ sortante, au pouvoir depuis 2013. Les Verts de Grünen ont, dénoncé “l’inhumanité” des mesures annoncées en matière d’immigration et l’absence d’”ambition” en matière d’environnement. Enfin, la gauche radicale, portée par Die Linke, n’a pas manqué de dénoncer le caractère profondément “injuste” de la politique sociale esquissée dans l’accord conclu. Kevin Kühnert, le leader des Jeunes socialistes du SPD a contesté les nombreuses concessions faites aux conservateurs se disant “abasourdi” face à l’abandon de la réforme de l’assurance sociale, au retrait de l’imposition des plus fortunés ou à la drastique limitation de l’asile. Angela Merkel a admis avoir fait des concessions “douloureuses” lors d’un entretien accordé à la chaîne télévisée ZDF. Quant à Martin Schulz, il a quitté mardi soir la présidence du SPD déclarant J'ai connu” ces derniers mois “des hauts et des bas à ce poste comme rarement”. 71% des Allemands ont déclaré “ne pas comprendre pourquoi la formation d’un gouvernement prenait autant de temps...

Les brèves

L'insulte

Philippe Meyer

"Je recommande « L’insulte » un film du réalisateur libanais Ziad Doueiri. A Beyrouth, un conflit d’abord tout ce qu’il y a de plus limité, entre un Libanais chrétien et un Palestinien musulman gonfle jusqu’à prendre des proportions nationales. Ziad Doueiri effectue avec une grande maitrise une sorte d’aller-retour permanent entre un conflit privé et un conflit politique. Cet aller-retour est mené de manière extrêmement habile, je dirais presque policière, avec un sens du suspense qui ne l’éloigne jamais de l’importance de son contenu jusqu’à un moment d’explosion extrêmement impressionnant. J’ajoute qu’il y a sans doute aussi dans ce film un portrait de l’homme, du mâle, en tant que réservoir inépuisable de testostérone."

A la droite de Dieu

Béatrice Giblin

"C’est un livre qui s’intitule A la droite de Dieu qu’a sorti Jérôme Fourquet, qui est le directeur des études politiques à l’Ipsos. J’ai trouvé ce livre intéressant parce qu’on est toujours dans le discours du retour du religieux, le réveil des catholiques et il analyse les grands moments : la Manif’ pour tous, le développement de Sens Commun etc. Et il y a un chapitre très intéressant qui est Les catholiques face à l’Islam et il dépasse les catholiques, pas seulement pratiquants, ni ceux qui se disent véritablement catholiques, et il intègre toute cette culture que nous avons d’être des catholiques non pratiquants mais quand même attachés à ce qui est notre culture judéo-chrétienne et comment on voit la dynamique de l’Islam aujourd’hui qui réclame des mosquées, qui construit et qui attire, qui a des convertis et cette menace qui dit, au fond, on va devenir des dhimmis chez nous, qui est une autre version du ‘Grand Remplacement’ bien évidemment. C’est intéressant de voir comment cette représentation, que je considère comme fausse, est quand même active dans certains milieux"

Armes de déstabilisation massive

Marc-Olivier Padis

"Je voudrais recommander un livre, en tant que lecteur de la presse on a tous admiré le travail des journalistes sur le traitement des fuites massives de données, ce qu’on appelle les Leaks. Il y a deux grands consortiums de journalistes au niveau international qui exploitent et qui fouillent ces données qui fuitent. Mais on se demande peu d’où viennent ces fuites, par où ça passe etc. et donc deux journalistes qui sont spécialisés sur les questions de renseignement ont fait un livre qui fait le point donc Pierre Gastineau et Philippe Vasset dans un livre qui s’appelle Armes de déstabilisation massive publié chez Fayard, retrace de façon tout à fait passionnante ce grand marché et ce grand champ de bataille qu’est aujourd’hui la fuite des données, l’exploitation des données, les coups dans lesquels interviennent à la fois les services secrets, les grandes entreprises, les armées et donc c’est tout à fait passionnant, c’est une enquête qui se lit très très bien."

Les clés retrouvées

Lucile Schmid

"Je voulais recommander un livre qui n’est pas sorti ces derniers mois mais en 2015 qui s’appelle Les clés retrouvées de Benjamin Stora. Et qui est sans doute son livre le plus personnel parce qu’il raconte qu’en 2000 il a retrouvé les clés de la maison de Constantine où il vivait avec ses parents et à partir de là il trace une sorte de généalogie familiale et c’est très intéressant par rapport à la question de l’Islam et de la judéité. Parce qu’au fond ce qu’il raconte c’est l’histoire de ses deux familles les Stora et les Zaoui, les Stora étaient des juifs attirés par la France et les Zaoui étaient proche des arabes. En fait il montre bien à partir de là cette question algérienne qui m’est chère et qui travaille énormément la société française aujourd’hui. Il montre bien comment, d’une certaine façon, être juif pour lui c’est à la fois être juif, arabe et surtout être resté attaché à ce qu’était la vie en Algérie. C’est à dire, bon d’abord, une vie quotidienne mais aussi un espace, une beauté, une esthétique et une vision de la France à travers une diversité culturelle. Un livre très émouvant par rapport à ce qu’on vit aujourd’hui."

L'Histoire de la France

Nicolas Baverez

"Je souhaitais signaler la publication par Jean-Christian Petitfils de L’histoire de la France. Alors on a eu récemment la vision communautariste avec Patrick Boucheron et Les indigènes de l’Histoire, on a de l’autre côté la « commémonation » avec les anges et les démons et finalement entre les deux peu d’historiens qui sachent à la fois construire un récit et avoir un peu d’émotions. Le livre de Jean-Christian Petitfils fait cela. Marc Bloch qui écrivait « y’a deux catégories de français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refuse de vibrer au souvenir du Sacre de Reims et ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la fédération ». Pour tout ceux qui vibrent au souvenir du sacre de Reims et tout ceux qui lisent avec émotion la fête de la Fédération et bien il faut lire Jean-Christian Petitfils."