L’Église après le rapport Sauvé
Introduction
Philippe Meyer :
Le 5 octobre 2021, la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église catholique (CIASE) remettait à Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, un rapport « accablant ». Selon les recherches menées pendant trois ans par les douze hommes et dix femmes composant la commission avec le concours de l’Inserm, depuis 1950, 216 000 personnes auraient été agressées par un prêtre ou un religieux alors qu’elles étaient mineures. Le chiffre monte à 330 000 si l’on inclut les victimes de laïcs liés à l’Église Catholique. Elle a estimé que le nombre de clercs et religieux ayant commis des violences sexuelles était compris entre 2 900 et 3 200. Lors de leur assemblée plénière à Lourdes début novembre les évêques de France admis que « ces violences ont une dimension systémique au sens où elles ne sont pas seulement le fait d’individus isolés, mais ont été rendues possibles par un contexte global ».
Pour y répondre, ils ont mis en place une Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), animée par des bénévoles aux compétences médicale, et psychologiques en matière de violences sexuelles, mais aussi de juristes et de victimes elles-mêmes.
La commission a formulé 45 propositions afin de prévenir de futures agressions. Elles portent sur la gouvernance de l’Église, la formation des clercs, et la doctrine de l’Église en matière de sexualité. Jean-Marc Sauvé a également affirmé son souhait de mettre fin au secret de la confession pour les cas d’abus sexuels.
Les travaux de la commission ont suscité des critiques, notamment de certains membres de l’Académie catholique de France. Huit d’entre eux, sur une soixantaine, dont le président de l’académie, Hugues Portelli, ont adressé au pape François une lettre dans laquelle ils pointent les « faiblesses méthodologiques » et les « raisonnements hasardeux » de la commission Sauvé. Après la réception de cette lettre, le pape a annulé la venue des membres de la commission, invoquant des problèmes d’agenda. En désaccord avec ce texte, plusieurs membres ont démissionné de l’Académie catholique. Certaines victimes, dont le cofondateur du collectif Prévenir et protéger Arnaud Gallais, en appellent à une réponse plus large impliquant directement l’État. Il a déclaré à l’Obs : « Le rapport Sauvé est une bombe. 330 000 victimes, ce sont 12 enfants par jour victimes de pédocriminalité de la part de l’Église […]. On pouvait s’attendre à un branle-bas de combat, l’ouverture d’une enquête, des missions de contrôle et d’inspection, des fermetures administratives… Au lieu de ça, on assiste au désengagement total de l’État ».
Isabelle de Gaulmyn, sur cette question de l’appel à un engagement de l’Etat, quelle est votre réaction ?
Kontildondit ?
Isabelle de Gaulmyn :
S’il y a eu la commission Sauvé, c’est parce qu’à mon avis, les évêques craignaient un engagement plus fort de l’Etat. Un certain nombre d’intellectuels catholiques avaient appelé à former une commission parlementaire, comprenant des députés et des sénateurs ; la commission Sauvé visait à éviter cela.
L’Église a toujours prétendu régler ce problème seule. C’est précisément là où la commission marque un tournant puisqu’elle fait appel à des gens qui ne sont pas catholiques. Elle a accepté ce regard extérieur pour éviter que l’Etat ne s’en mêle trop.
Marc-Olivier Padis :
Avant de discuter plus en détail du contenu du rapport, j’aimerais d’abord vous interroger sur sa réception. Philippe Meyer mentionnait la réaction de l’Académie catholique, dont on n’avait pas vraiment mesuré jusqu’ici la contribution au débat public, mais dans les paroisses et auprès des fidèles, il semble que le rapport Sauvé a eu un écho assez fort. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
Isabelle de Gaulmyn :
C’est vrai, en tous cas les lecteurs de La Croix (dont 90% sont pratiquants et constituent donc un échantillon fiable) ont été abasourdis par l’ampleur du problème, ainsi que par ce mot de « systémique », le point que critique précisément l’Académie catholique. Ou du moins, ceux qui le critiquent au sein de l’Académie catholique le font au nom de l’Académie, et c’est ce qui crée le problème.
La réception a d’abord été « positive » (même si je reconnais que le terme est impropre). Chez les laïcs, on a été surpris de voir que les gens n’ont pas contesté le rapport Sauvé, et ont dit : « ils ont raison, il faut mettre fin à cela ». Et cette réponse est partagée assez largement chez les catholiques, de gauche comme de droite. Ils en ont assez de l’image de l’Église, du côté totalement irrationnel d’un certain nombre de réponses. Il y a une certaine honte vis-à-vis de l’Église, et elle a été transmise aux évêques. Un mouvement assez important s’est créé sur les réseaux sociaux, disant aux évêques : « c’est votre dernière chance ; il faut que ça change, sinon on ne vous suit plus ». C’est pourquoi j’ai trouvé ce premier temps de réception plutôt positif. Par la suite, certains intellectuels catholiques ont exprimé des réactions plutôt classiques, sans doute instrumentalisées en sous-main par un certain nombre de clercs (là aussi, c’est classique), qui voient dans le rapport Sauvé une remise en cause de leur propre statut.
Michaela Wiegel :
Je reviens un instant sur la genèse de cette commission. Quand l’Allemagne avait créé sa propre commission d’enquête, Jean-Marc Sauvé s’était dit que les évêques allaient immanquablement lui demander de faire quelque chose de semblable. Apparemment il y a eu l’idée que ce qui se passait en Allemagne pouvait servir de modèle : l’initiative venait des évêques et non de l‘Etat. Partant de là, j’ai tout de même l’impression que la commission Sauvé a travaillé très différemment, puisque par principe, elle ne comprenait pas de religieux, mais aussi au niveau méthodologique. Sans aller jusqu’à la critique du président de l’Académie catholique, je crois qu’on peut pourtant réellement s’interroger sur ce sondage non vérifié, envoyé par e-mail.
Pourquoi ne pas avoir vérifié les résultats de ce sondage par des échantillons de conversations téléphoniques par exemple ? N’y a-t-il pas là tout de même un point qui prête le flanc à la critique ? Car ce sont tout de même ces chiffres qui ont créé un tel choc.
Isabelle de Gaulmyn :
Ce qui est effectivement critiquable, c’est d’avoir beaucoup orienté la communication là-dessus, sans explication. En revanche, ce qui est intéressant par rapport à ce qu’a pu faire l’Eglise en Allemagne, ou en Belgique, en Suisse, aux Etats-Unis, c’est d’avoir fait appel aux sciences humaines, à la statistique, à la psychologie, à l’Histoire … Le rapport Sauvé a fait un énorme travail d’archive, qui donnera du grain à moudre à tous les historiens de l’Église pendant des années. La commission a utilisé la méthode de l’Inserm, qui est la même que pour étudier les épidémies.
Je ne suis pas compétente pour vous dire si elle est bonne ou non, je sais en revanche que cela a coûté très cher, que cela a été fait sur un énorme échantillon, comprenant 28 000 personnes. Dans la mesure où les gens de l’Inserm assurent qu’ils ont employé leur méthodologie habituelle, je ne vois pas pourquoi on ne les croirait pas. Même si évidement, les résultats sont à prendre avec des pincettes, car ce n’est pas un nombre de victimes avérées, c’est une projection à partir d’un échantillon qu’on estime représentatif. Moi qui connais bien l’Église catholique puisque j’exerce mon métier de journaliste dans ce milieu depuis bientôt vingt ans, je puis vous dire que tout catholique plongé dans le « bain » catholique depuis longtemps connaît au moins deux ou trois victimes. Que le nombre total soit énorme ne me surprend donc pas outre-mesure. Par exemple, je connais bien l’affaire Preynat puisque j’étais moi-même scoute avec le père Preynat, et je sais qu’au moins 200 enfants ont été violés. Un seul prêtre peut avoir beaucoup de victimes, d’où ces chiffres si élevés. Ce n’est qu’un ordre de grandeur, mais ce qui est intéressant n’est pas tant le chiffre lui-même que la manière dont il est relié aux autres institutions.
Jusqu’ici, l’Église disait toujours « c’est vrai, nous avons quelques brebis galeuses, mais c’est le cas partout ailleurs, et on s’en tire plutôt mieux que les autres ». Et c’est précisément cette affirmation que l’enquête a fait voler en éclats. La sphère la plus problématique pour les violences sexuelles, c’est la famille, mais l’Église vient juste après, et donc avant l’Éducation nationale, avant le sport, avant les associations, avant l’armée, etc. C’est là où les évêques ont compris qu’il était temps de mettre fin à ce déni, car l’Église a fait moins bien que les autres institutions. Dans l’Éducation nationale par exemple, on s’attaque mieux au problème depuis les années 2000.
David Djaïz :
Ces querelles méthodologiques sont très importantes en effet, puisqu’entre le travail de l’EPHE (Ecole Pratique des Hautes Études) qui établit une fourchette oscillant entre 1 500 et 27 000 victimes, et la méthodologie Inserm, qui en projette entre 216 000 et 330 000, les écarts sont de 1 à 10. Il serait donc bon pour le débat public d’avoir des éléments d’éclaircissements méthodologiques, et je dois dire qu’à ce stade, j’ai plutôt un préjugé favorable à l’égard des auteurs du rapport Sauvé. Parce que le courrier de certains membres de l’Académie catholique n’est pas très documenté ; il est signé par des théologiens ou des philosophes, des gens pas spécialement compétents en statistiques ou en sciences sociales.
Mais j’aimerais revenir sur votre comparaison avec les autres institutions. Le rapport Sauvé a fait l’effet d’une déflagration dans toute la société. Vous connaissez le livre de Guillaume Cuchet Comment notre monde a cessé d’être chrétien, il me semble qu’il y aura un avant et un après rapport Sauvé. Soit il sera le coup de grâce d’une déchristianisation qui s’exerce lentement depuis les années 1950, soit il pourra constituer un électrochoc, une prise de conscience. Dans ce dernier cas, il faut aller jusqu’à la radicalité d’interroger le dogme. Je m’avoue assez atterré de constater qu’il y a un sujet auquel personne ne touche : celui du célibat des prêtres. Cette question n’est certainement pas étrangère à l’écart entre le nombre de victimes dans l’institution ecclésiale et les autres institutions.
Isabelle de Gaulmyn :
Il faut faire attention avec cet argument, car ce n’est pas parce qu’on est célibataire qu’on est pédocriminel. Il y a en outre un autre problème à prendre en compte : dans l’Église la majorité des victimes sont des garçons, dans le reste de la société ce sont des filles.
Je ne crois pas que le célibat favorise directement la pédocriminalité ; en revanche il tord la vision que l’on peut avoir de la sexualité. Dans l’Église catholique, quand vous n‘avez pas de relations sexuelles, vous êtes quelque part « saint », meilleur que les autres. C’est une vision tronquée, qui peut prêter à des dérives. Cela crée aussi une espèce de caste d’hommes célibataires entre eux, en circuit fermé, et qui se protègent les uns les autres. Le célibat fait partie du sujet, mais il ne faut pas aller trop vite et le lier directement et causalement à la pédocriminalité.
Dans l’Église catholique, l’ensemble des responsabilités sont tenues par des personnes ordonnées. Quand vous êtes laïque, vous n’en exercez jamais. C’est à mon avis là qu’est le sujet, car cela crée un entre-soi terrifiant, avec que des hommes. J’ai été correspondante quatre ans au Vatican, et n’ai jamais interrogé une seule femme. Il paraît que désormais il y en a trois, mais enfin c’est vous dire …
Tout cela est alarmant, mais ce n’est pas éternel, cela relève du Concile de Trente, et surtout de l’Église du XIXème siècle, qui a beaucoup mis l’accent sur le prêtre, faisant de lui l’élément central de l’Église, à la fois pour les sacrements et pour la responsabilité dans l’institution. Pourquoi pas des prêtres mariés, mais pourquoi pas non plus des femmes et/ou des hommes qui ne sont pas des prêtres ? Une biodiversité dans l’Église me paraît plus appropriée que la remise en cause du célibat des prêtres.
Philippe Meyer :
Je me souviens des vitupérations du cardinal Lustiger à propos de l’Église du XIXème siècle, et je constate que plus on l’examine, plus on a de raisons de vitupérer …
Vous pointiez un peu plus haut que les victimes d’actes de pédocriminalité étaient plutôt des filles dans la société, tandis qu’il s’agit majoritairement de garçons dans l’Église. Quelle a été la réception au livre de Frédéric Martel Sodoma - Enquête au cœur du Vatican, qui montre l’importance de l’homosexualité dans l’institution ?
Isabelle de Gaulmyn :
Il y a là un vrai tabou, en effet. Mais là aussi, il faut se montrer très prudent et veiller à bien distinguer homosexualité et pédocriminalité, car on marche sur des œufs. Frédéric Martel analyse assez bien dans son livre comment l’Église s’est révélée être une carrière possible pour beaucoup d’homosexuels ne souhaitant pas de sexualité avec des femmes. Il y a effectivement de nombreux prêtres à tendances homosexuelles, notamment à Rome, j’ai pu le constater. Rien de mal à cela a priori, ce devrait être une affaire privée après tout. A ceci près qu’ils professent une doctrine contraire. Souvent ils sont homosexuels « pratiquants », tout en étant à la fois homophobes. Cette espèce de schizophrénie peut donner à certains les moyens de faire du chantage (c’est la thèse de Sodoma), mais surtout elle crée un malaise dans l’institution cléricale, un non-dit et un déni permanent ; il se peut que cela ait participé à cette crise systémique de l’Église, qui se ment sur des choses importantes. De même pour la contraception : l’Église continue à être contre la pilule, sauf que 90% des femmes dans l’Église la prennent. L’Église a pris l’habitude de dire des choses et d’en faire d’autres.
Marc-Olivier Padis :
Le rapport Sauvé pointe la question de l’organisation de l’autorité dans l’Église, j’aimerais y revenir. En complément à la question de David, notons que l’écart entre les 216 000 et les 330 000 estimés s’explique si l’on inclut les laïcs en mission d’Église, qui commettent des actes pédocriminels (notamment dans les écoles catholiques) alors qu’ils peuvent parfaitement être mariés. La question du célibat n’est donc pas déterminante.
Le rapport Sauvé s’appuie sur les auditions des victimes, qui insistaient toutes sur la position d’autorité où se trouvaient les clercs par rapport aux enfants, et qui rendait plus difficile le refus, et par la suite l’élaboration psychologique de ce qui leur était arrivé. Dans la lettre de mission de Jean-Marc Sauvé, il y avait la demande clairement stipulée de formuler des recommandations, contrairement à ce que disent les protestataires de l’Académie catholique. Le rapport Sauvé dit bien qu’il ne souhaite pas outrepasser ses compétences, mais qu’il est obligé de pointer cette situation d’autorité. Pouvez-vous nous expliquer en quoi l’organisation de l’Église semble aussi centrale dans cette affaire ?
Isabelle de Gaulmyn :
Encore une fois, c’est parce qu’on a confondu responsabilités et ordination.
Le prêtre est in persona Christi, c’est à dire qu’au moment de la consécration, pendant l’eucharistie, il agit non seulement à la place mais en tant que Jésus-Christ. Et cette autorité sacramentelle, au lieu de rester circonscrite à un moment très précis de l’office, s’est étendue à tout ce qu’il fait. Pour le chrétien moyen, le prêtre est l’intermédiaire entre Dieu et lui. Cela confère à son autorité un caractère sacré, par conséquent très difficile à remettre en cause. En outre, tout converge vers lui. C’est vrai dans une paroisse , ou le conseil paroissial a très peu de pouvoir par rapport au prêtre, et c’est encore plus vrai au niveau du diocèse (l’équivalent du département), dirigé par un évêque nommé par Rome, et qui depuis le concile de Vatican II a tous les pouvoirs. C’est très problématique, c’est probablement une dérive de Vatican II.
L’évêque est donc le « RH » du diocèse, il ordonne les prêtres et a donc le pouvoir de discerner si un homme peut être prêtre ou non ; il est aussi le juge et c’est à lui de dire s’il faut ou non un procès sur une affaire que lui-même a mal estimée. Vous imaginez les problèmes que cela peut poser. Il est également responsable de l’enseignement, contrôle le budget, bref il concentre absolument tous les pouvoirs. Bien sûr, il a un supérieur en la personne du pape, mais ce dernier ne peut surveiller les 5 000 évêques du monde.
Il n’y a pas de contre-pouvoir dans un diocèse. Quand l’évêque est bien, tout va bien. Dans le cas contraire, il n’y a aucune possibilité pour changer les choses. C’est ce qui s’est passé à Lyon par exemple.
Michaela Wiegel :
L’un des objectifs affichés de la commission Sauvé est la question des dédommagements. Elle est aussi au cœur de la relation entre l’Église et l’État à mon avis. En Allemagne, il y a un impôt sur l’Église, pas en France. Du coup, à part les biens fonciers, elle est relativement pauvre. J’ai l’impression que ce qui a été exprimé par les victimes lors des auditions, c’était le refus que les croyants paient pour les défaillances de l’Église, alors même qu’ils en souffrent. Le fonds de dédommagement doit donc être alimenté soit par des ventes de biens, soit par des dons. Mais que fait l’Etat ? Ne doit-il pas lui aussi aider à dédommager des victimes dont la plupart ne peut plus intenter de poursuites judiciaires ? Comment évaluez-vous cette tâche, échue à une femme ?
Isabelle de Gaulmyn :
Une femme pour l’Église diocésaine en effet, et un homme pour les religieux. C’est aussi une grande question car dans les ordres, il y a également eu beaucoup d’abus.
L’indemnisation pose de nombreux problèmes, en effet. Les évêques disaient « nous allons donner une espèce de somme forfaitaire ». Mais le rapport Sauvé a demandé un jugement au cas par cas, et cela a fait peur car l’Église est en effet relativement pauvre. Toutes proportions gardées bien sûr, car je pense qu’il y a de quoi payer tout cela, mais il est vrai que certains diocèses sont réellement au bord de la faillite. Il faudra donc mettre en place une solidarité entre les diocèses riches et les pauvres, mais à l’heure actuelle le droit ne le permet pas. Là, l’Etat peut aider à arranger les structures juridiques pour débrouiller tout cela.
Est-ce aux fidèles de payer ? Il est vrai que cela se discute. Dans le cas de Lyon que je connais bien, il y a des niveaux de responsabilités très différents. Le premier responsable, c’est le prêtre. Et certains ont un peu d’argent. Ensuite, il y a la hiérarchie. Mais il y a tout de même la communauté. Dans le cas du père Preynat, il y avait tout une communauté qui disait « lui, il tripote les garçons » ; moi, j’entendais cela étant enfant. L’époque était différente, certes, et l’on avait pas la même conscience des dégâts de ces actes, mais enfin s’il a pu faire cela, c’est aussi que d’une certaine façon la communauté a laissé faire. Et non seulement laissé faire, mais certaines paroissiennes étaient en admiration ; il y a même eu une femme qui avait dit « je viens participer au camp scout, car il y a mon fils et j’ai quand même un peu peur ». Les fidèles ne peuvent donc pas dire « ce n’est que les évêques » aussi facilement.
J’ai cependant été très surprise de voir le vent de fronde des laïcs qui ont dit « on ne paiera pas », alors qu’il n’y a pas plus gentil et même un peu moutonnier que les laïcs catholiques. Cela s’explique sans doute par le fait que non seulement les évêques ont laissé faire, mais qu’ils ont en outre mis 20 ans à prendre des décisions … Quand on voit l’attitude du cardinal Barbarin, qui est allé dans tous les sens sauf dans le bon, c’est sans doute cela qui est sanctionné : cette parole qui pendant très longtemps n’a pas été à la hauteur du problème.
Mais il est vrai que cela va poser problème. L’Église a un certain nombre de biens immobiliers. Alors à Paris par exemple, ça va. Mais j’étais il y a quelques jours dans les Landes, à côté de l’endroit où est né Saint-Vincent-de-Paul, vous avez en pleine campagne des bâtiments entiers qui étaient autrefois occupés par des religieux, et qui ne valent absolument rien. Ils sont au contraire plutôt lourds à entretenir. Les immeubles de l’Église ne sont pas tous de rapport.
Marc-Olivier Padis :
Si les fidèles versent le denier du culte, ils bénéficient dans leur déclaration de revenus d’un avantage fiscal. Cela signifie que l’Etat contribue au financement de l’indemnisation via cet avantage fiscal. Politiquement, cela pose un problème non négligeable.
Isabelle de Gaulmyn :
Vous avez raison, je n’y avais pas pensé.
David Djaïz :
Ce travail de la CIASE est l’un des plus performants et approfondis du monde chrétien. Y a-t-il une spécificité française, ou peut-on raisonnablement supposer que le niveau de crime atteint la même ampleur dans les autres pays ?
Vous avez écrit les biographies de deux souverains pontifes, j’aimerais donc vous interroger sur la réaction du pape François, que je ne comprends pas. Il a d’abord fait montre de beaucoup d’ouverture d’esprit, de compréhension et de compassion. Puis il y a eu cette lettre des membres de l’Académie catholique, suivie du report (ou peut-être de l’annulation, nous verrons) de l’audience de Jean-Marc Sauvé à Rome. On a un peu l’impression que c’est le « bazar à la curie ». Quel est l’état d’esprit du pape et quelles sont les influences qui s’exercent sur lui ?
Isabelle de Gaulmyn :
A propos de votre première question, on a longtemps été persuadé (moi la première) que c’était pire ailleurs, notamment en Irlande ou aux Etats-Unis, où le système des pensionnats a beaucoup fait débat. On disait que c’était un peu comme Tchernobyl, ce qui se produisait en Irlande n’atteindrait pas la France, car en France l’Etat est très laïc et nous avions toutes les sécurités. Je pense qu’en réalité ce n’est ni pire ni mieux. L’Italie, l’Espagne et le Portugal n’ont pas commencé ce travail, mais je suis sûre que ce sera dramatique quand ils le feront. La lutte contre la pédocriminalité est moins avancée dans les pays du Sud, où il semble que les sociétés soient moins « prêtes ». L’étude historique est intéressante, car on voit que jusqu’en 1970, l’Église de France s’occupait (en interne et très discrètement) des prêtres pédophiles, il y avait même des cliniques où on recevait ces gens ainsi que les alcooliques. Dans les années 1970-2000, il n’y a plus cela et le problème explose. Ce n’est que vers les années 2000 qu’on s’attaque au problème.
Pourquoi ? Sans doute parce que l’Église de France s’est rétrécie, et qu’on a peur de dénoncer une institution déjà très fragilisée. Les quelques catholiques pratiquants qui restent en France (ils sont très peu, cela représente moins de 5% de la population) se sont resserrés, on sait bien que toute minorité se protège, et ils ont sans doute manqué de clairvoyance.
Sur le « bazar à la curie », vous avez raison, mais le bazar a toujours été là. C’est une administration qui ne compte que 4 000 personnes, et pourtant il semble que ce soit ingérable. Quant au pape, je le crois de bonne composition, mais c’est un homme de sa génération, peu sensibilisé à ces questions. Et surtout c’est quelqu’un qui fait confiance à un certain nombre d’évêques, et on sait que parmi eux il y a de nombreux clans, des réseaux, des conspirations, etc. Rome est un univers très clanique. Par exemple, le pape s’est récemment rendu au Chili, voit un évêque qui est accusé de faits pédocriminels très graves, demande leur avis aux autres évêques chiliens, qui lui assurent qu’il n’y a pas de souci. Là dessus, il engueule les journalistes, leur reprochant de n’avoir aucune preuve. Les victimes sont atterrées. Quand il revient à Rome, le pape voit Hans Zollner (le père jésuite qui le conseille sur ces questions) qui lui dit qu’il a fait une bêtise, à la suite de quoi il fait son mea culpa. J’ai l’impression que c’est un peu la même chose qui est en train de se produire avec la France : il est influencé par des gens de la curie, sans doute effrayés de voir l’Église vaciller. Le Vatican est une société de cour, avec toutes les luttes d’influence que cela suppose, les rumeurs, etc. Le problème d’un pape, c’est son entourage, on l’a vu aussi avec Benoît XVI.
Marc-Olivier Padis :
Nous avons beaucoup parlé de la CIASE, qui a deux commanditaires : la Conférence des évêques de France et la Conférence des Religieuses et Religieux en France (COREFF), présidées par une femme, Véronique Margron, elle-même religieuse. Elle a accueilli ce rapport avec une intelligence et une compréhension très larges. Jusqu’à présent, nous avons parlé du clergé des paroisses, mais que sait-on des congrégations, dont certaines vivent presque en huis clos ?
Isabelle de Gaulmyn :
Les problèmes dans les congrégations se présentent sous trois formes différentes : abus de pouvoir, abus sexuels et abus sur mineurs. Les abus sexuels et les abus sur mineurs concernent surtout les congrégations enseignantes, à l’époque où les structures accueillaient les enfants très tôt pour en faire de futurs religieux. Les victimes vivent encore, mais les affaires remontent aux années 1950, et elles sont absolument massives, cela concerne des dortoirs entiers … Mais il y a également des abus sexuels sur personnes majeures, notamment sur les religieuses. Il peut s’agir de congrégations plutôt mixtes ou proches, mais aussi d’évêques ou de prêtres qui visitent des congrégations de religieuses et en profitent … Évidemment, c’est fait de manière habile, ils deviennent un « père spirituel », des choses de ce genre.
Et puis il y a le champ de ce qu’on appelle les « nouvelles communautés », par exemple la congrégation de Saint-Jean (qu’on appelle « les Petits Gris » dans l’Église) qui ont été les fers de lance de la renaissance catholique voulue par Jean-Paul II. Il s’agit de communautés très évangélisatrices, très sûres d’elles, où l’on découvre aujourd’hui beaucoup d’abus, parce qu’elles comptaient des personnalités très charismatiques, et qu’il n’y avait pas les mêmes garde-fous que dans les congrégations plus anciennes comme les Jésuites ou les Dominicains (même si eux non plus ne sont pas complètement passés au travers de ces problèmes). Il s’est produit des phénomènes sectaires où, justifiés par la théologie, ces leaders charismatiques ont commis les pires abus, qu’ils soient sexuels ou de pouvoir.
Les religieux n’ont pas fini ce travail, notamment sur les abus sexuels sur adultes. Sans compter de nombreux pays (en Afrique par exemple) où l’on est encore loin d’avoir fait le compte de tout cela.
Philippe Meyer :
Vous nous disiez qu’en Italie, au Portugal ou en Espagne rien n’était encore apparu. Comment expliquez-vous cette continuation du silence ? D’autre part, un journal comme La Croix a des homologues dans ces pays, quels contacts avez-vous avec eux ? Portent-ils sur ces questions de pédocriminalité ?
Isabelle de Gaulmyn :
C’est une bonne question, mais je reconnais que non, nous n’avons pas partagé là-dessus. Je précise cependant que La Croix fait figure d’exception dans le paysage de la presse européenne. C’est un quotidien catholique paraissant dans un pays très laïque. En Italie, il y a l’Avvenire mais c’est un quotidien payé par l’épiscopat, donc leur marge de liberté est restreinte. Je ne doute pas qu’ils sont tout aussi horrifiés que nous le sommes, mais j’ai peur que dans la pratique, cela donne quelque chose comme « c’est là-bas, ici ce n’est pas la même chose ». Sur les raisons de la continuation du silence, j’impute cela (peut-être un peu bêtement ?) à une différence entre culture latine et culture anglo-saxonne. Et bien sûr, l’Italie est un pays où l’Église catholique a encore un poids énorme et est très respectée : quand le président des évêques fait une déclaration en Italie, cela fait la une de tous les journaux, par exemple. Il est peut-être plus difficile d’avancer dans ces conditions.
Michaela Wiegel :
En Allemagne, la voix de l’Église catholique est encore très écoutée, tout comme celle de l’Église protestante luthérienne. Sauf qu’on constate à présent une sorte d’enlisement dans les deux. Nous avons eu nous aussi une commission se proposant de faire le même travail que la CIASE, mais aujourd’hui on bute sur la question du dédommagement. Et pourtant l’Église catholique allemande est beaucoup plus riche, car financée par le contribuable. Après la phase de choc, craignez-vous un enlisement similaire en France, avec des négociations interminables, etc. ?
Isabelle de Gaulmyn :
Je vous en prie, ne me découragez pas, car nous sommes un certain nombre de catholiques en France à regarder de près ce qui se passe Allemagne et à nous dire : « ils vont y aller ! » L’Église catholique allemande a entrepris un grand travail sur elle-même, et réfléchit à des réformes, sur le célibat des prêtres (qui je le rappelle n’est pas un dogme, et est par conséquent susceptible de changer), sur la place de la femme, etc. Tout cela est ralenti par la Covid, mais il me semble une quelque chose est en cours, j’espère donc que cela ne s’enlisera pas !
En France, j’ai été très étonnée, non par ce qu’ont écrit ces huit membres de l’Académie catholique, mais parce que ce courrier a permis de découvrir qu’il y avait une grosse base de gens souhaitant que surtout rien ne change. Comme la société, l’Église catholique française est très divisée, et ceux qui ne veulent rien changer sont loin d’être minoritaires, surtout dans les milieux les plus pratiquants. C’est aussi le cas des jeunes prêtres, qui sont à mon avis très loin de partager les conclusions du rapport Sauvé. L’évolution de tout ceci dépendra donc largement de la capacité des laïcs à faire bouger les choses. Les évêques ont créé des groupes de travail à propos de certains points du rapport Sauvé, espérons que cela va avancer. Mais il est vrai que dans l’Église, tout est toujours très lent, même si Dominique Schnapper (présidente du conseil des sages de la laïcité) a récemment déclaré que l’Église catholique était en train de vivre ce que l’Église protestante avait vécu au moment de la Réforme, en termes d’ouverture à la société. Peut-être est-ce un peu exagéré, mais il est certain que nous sommes à un moment important de l’Histoire des Églises catholiques occidentales.
David Djaïz :
Beaucoup de signalements apparaissent au moment de la confession, et il y a eu cette polémique quant au secret de la confession. Quand le ministre de l’Intérieur dit que les lois de la République sont au-dessus des prescriptions religieuses il est dans son rôle, mais en réalité c’est inaudible pour un croyant, quel qu’il soit. Où en sont les prêtres et l’épiscopat par rapport à ce débat ? Il est vrai que lorsqu’on entend parler d’un crime, on est normalement tenu d’en référer à la justice.
Isabelle de Gaulmyn :
C’est quand on écoute les victimes que l’on s’aperçoit à quel point le secret de la confession a joué un rôle, car beaucoup d’entre elles ont précisément été abusées au moment de la confession. L’acte de confesser lui-même est donc problématique.
Par rapport à cette histoire de « loi divine », Véronique Margron répond très justement que la loi divine, c’est l’amour de l’autre. Il ne s’agit donc pas d’une loi au sens d’un impératif fixé une fois pour toutes, un « tu ne trahiras pas le secret de la confession » prononcé par Dieu lui-même. C’est quelque chose que l’on fait en conscience, c’est à dire en fonction de ce que l’on croit être juste.
Mais il est certain que les évêques y tiennent beaucoup, car ils ont l’impression qu’ils s’agit d’un marqueur fort quant à leur indépendance vis-à-vis de l’État. Ainsi la réaction de Mgr Eric de Moulins-Beaufort (président de la Conférence des évêques de France) était sans doute très maladroite, mais elle est tout à fait typique : il voyait là la fin de l’autonomie des Églises. Il est vrai que le contexte de la laïcité est tendu, une loi vient d’être votée qui demande à l’ensemble des religions de France de rendre des comptes de façon plus ouverte qu’autrefois. C’est cela qui leur fait peur : de perdre une forme de gouvernance autonome, de devoir rendre des comptes à l’État à propos de tout. Ce que Mgr de Moulins-Beaufort aurait mieux fait de dire, c’est que la loi « tu ne tueras pas » est évidemment plus importante que le secret de la confession.
Certains soutiennent qu’il est important de maintenir des lieux de secret, sans quoi les abuseurs ne viendront plus se confesser. Cela me laisse un peu perplexe, car je connais beaucoup de prêtres, mais pas un seul n’a reçu la confession d’un abuseur, c’est quelque chose de rarissime. En revanche, je connais un prêtre d’une paroisse parisienne, qui confessait des enfants, et c’est une petite fille qui a parlé de son frère abusé par un prêtre d’une école catholique dépendant de la paroisse. Le curé recevant cette confession a fait un signalement, et il s’est fait réprimander pour avoir brisé le secret de la confession. C’était il y a une dizaine d’années, donc récemment. On pourrait aussi citer l’histoire de Patrick Goujon, ce jésuite qui a été abusé quand il était enfant. Il explique qu’à un moment, l’évêque (du diocèse ou résidait encore le prêtre qui a abusé de lui) lui a dit : « je vais vous dire ce qu’est devenu ce prêtre, mais je vous le dis sous le sceau du secret ». Alors qu’on parle tout de même de quelqu’un qui devrait être devant la justice. Au-delà du problème du secret de la confession, il y a dans l’Église une espèce de culte du secret prégnant. C’est encore le moyen le plus simple de préserver l’Église du scandale, qui est craint par-dessus tout.
Marc-Olivier Padis :
J’aimerais justement m’appuyer sur le très beau livre de Patrick Goujon (Prière de ne pas abuser). Ce prêtre jésuite et spécialiste de la spiritualité française, en particulier de l’âge classique. Il raconte donc comment il a lui-même été abusé, et comment la prise de conscience a été extrêmement longue. Cela permet aussi de comprendre pourquoi la période de prescription (qui est de vingt ans) est en réalité assez courte, contrairement à ce qu’on pourrait penser quand on n’est pas directement concerné par le sujet.
Patrick Goujon a été invité à Lourdes par la COREFF, et il y a déclaré que l’Église se présentait comme une « experte d’humanité ». On sent bien toute l’ironie que contient cette expression dans un tel contexte. Beaucoup de catholiques considèrent, depuis longtemps maintenant, que l’Église intervient trop sur les questions de sexualité : la contraception, l’avortement, le mariage homosexuel, etc. De l’Église, on pourrait a priori attendre d’autres messages, comme ce que dit le pape sur les réfugiés par exemple, ou sur la pauvreté, ou sur le salut. Mais non, l’Église de France semble obsédée par les questions de sexualité, et on a par conséquent l’impression qu’elle subit un retour de bâton particulièrement violent. Comment voyez-vous cette espèce de mono-thématisation des interventions publiques de l’Église autour de la sexualité ?
Isabelle de Gaulmyn :
Cette obsession vient largement de Rome, et date de Paul VI et de Jean-Paul II. L’Église n’est plus en mesure de s’auto-proclamer « experte d’humanité » aujourd’hui. On pourrait lui rétorquer qu’elle n’a pas de leçons à donner à propos des migrants quand on voit comment elle a traité tous ces enfants abusés … C’est le problème de ces affaires pédocriminelles : elles délégitimisent tout ce que dit l’Église. En Allemagne, c’est cela qui a provoqué l’envie de s’atteler à des réformes : les sondages montraient que l’Église catholique n’était plus du tout jugée comme une institution crédible, ce qu’elle avait toujours été auparavant.
Quant à l’obsession autour de la sexualité, elle est en effet indéniable, même si à mon avis elle reflète aussi celle de la société tout entière. Le sujet n’est d’ailleurs pas forcément illégitime, tout dépend comment on en parle. Le problème, c’est justement qu’on en parle comme d’un interdit. J’ai le sentiment que l’Église catholique a dérivé vers une religion du permis et de l’interdit. J’ai ainsi vu à Rome de vieux évêques rédiger une espèce de manuel pour la famille, en testant le niveau des préservatifs. On en arrive à un degré de juridification de la vie quotidienne de moins en moins tenable. Je trouve intéressant que l’Église parle de sexualité, car à mon avis il y a beaucoup à dire, mais c’est la manière d’en parler qui ne convient pas : « ça oui, mais ça, non », sans aucune zone grise intermédiaire. Elle ferait mieux de donner aux gens les moyens de s’y retrouver dans ces zones grises.
David Djaïz :
La bifurcation de Paul VI et de Jean-Paul II sur la sexualité peut se lire en termes foucaldiens : comme l’Église a perdu beaucoup de pouvoir à partir des années 1960 en tant qu’organisation sociale, elle s’est reportée sur les conduites individuelles.
Quel pourrait être le message l’Église pour le XXIème siècle qui ne serait ni cette obsession de contrôler les conduites, ni d’être le fer de lance d’un combat identitaire et civilisationnel (idée que l’on retrouve derrière le courrier des huit membres de l’Académie catholique), ni des invocations humanitaires (que d’autres acteurs de la société sont mieux placés pour faire) ?
Isabelle de Gaulmyn :
Je ne suis évidemment pas capable de vous dire quel sera le message de l’Église au XXIème siècle, mais je me demande qui le serait, car l’Église est plurielle, les messages peuvent donc être différents. Et puis il faut accepter d’entrer dans la société avec une éthique du débat (même si c’est une idée à la Ricœur, plus protestante), et pour le moment, elle a du mal à admettre qu’elle n’est pas forcément détentrice de la vérité. Qu’est-ce que la vérité, déjà ? C’était la question de Jésus à Pilate. Et ensuite, puis-je prétendre seule avoir la vérité ?
De mon côté, je suis convaincue que ce que l’Église aurait de mieux à faire, c’est d’être en dialogue avec la société, avec tout ce que la Bible peut offrir à ce dialogue. Mais je sais que de nombreux catholiques ne sont pas d’accord. Continuer à dire « nous détenons la vérité » sera de moins en moins tenable, je crois. C’est d’ailleurs ce qu’on voit avec le rapport Sauvé, qui a été rédigé par des gens extérieurs à l’Église : la vérité peut être en dehors (dans la société, dans les sciences, dans les autres spiritualités), et elle peut même nous aider. Sur l’avenir, je pencherais plutôt pour une question d’attitude que de message.