UNE PRÉSIDENTIELLE PAS COMME LES AUTRES
Introduction
Philippe Meyer :
En janvier Omicron parasitait la campagne présidentielle, en février, l’offensive russe la dynamitait. La crise préempte l'espace politique et médiatique au détriment du débat électoral ordinaire : déplacements annulés, interventions télévisées repoussées ...
Le 3 mars, c’est par une « lettre aux Français » diffusée en ligne et le lendemain dans la presse quotidienne régionale, qu’Emmanuel Macron a officialisé sa candidature à l’élection présidentielle. Alors que 65 % des Français n’hésitent pas à dire que la guerre contre l’Ukraine influencera leur choix, les intentions de vote en faveur du président sortant ont progressé de deux ou trois points pour atteindre, selon les sondages, entre 26 % et 28 %. Ces taux le placent loin devant ses principaux concurrents. Le président de la Fondation Jean-Jaurès, le politologue Gilles Finchelstein explique que la population se « resserre autour du drapeau ». Le président-candidat n’en distille pas moins des éléments de programme et annonce un texte plus complet pour la semaine prochaine. Selon une enquête Ipsos-Sopra Steria pour Le Monde, publiée le 5 mars, les électeurs d’Emmanuel Macron sont 55 % à mettre en avant la dimension personnelle du candidat, contre 31 % seulement ses idées. A l'inverse, un vote idéologique prédomine chez les partisans de Yannick Jadot (83 %) et de Jean-Luc Mélenchon (70 %).
Les adversaires d'Emmanuel Macron agitent le spectre d'une élection aux airs de reconduction administrative et estiment qu’en refusant de débattre avec eux avant le premier tour, il « se dérobe ». Avant lui, cependant, aucun président sortant ne s'était risqué à cet exercice du débat avant le premier tour. Mais des parlementaires LR se disent convaincus que, sans cette confrontation, la légitimité des réformes à venir sera rapidement contestée si Emmanuel Macron devait être réélu. Le 15 mars, dans un entretien au Figaro, le président Les Républicains du Sénat, Gérard Larcher avertissait : « Être en tête dans les sondages n'est pas une raison suffisante pour enjamber l'élection et considérer que ce scrutin n'est qu'une formalité, ne serait-ce que par respect de la démocratie. […] S’il n’y a pas de campagne, la question de la légitimité du gagnant se posera ».
Si des campagnes présidentielles ont déjà été perturbées par des événement tragiques, il s’agissait d’évènements nationaux comme l’assaut par l'armée de la grotte d'Ouvéa en 1988, la tuerie perpétrée lors d'un conseil municipal à Nanterre en 2002, le massacre commis par le djihadiste Mohammed Merah à Montauban et devant l'école Ozar Hatorah à Toulouse en 2012, l’attaque terroriste sur les Champs-Elysées tuant un policier en 2017.
Kontildondit ?
Richard Werly :
Je fais partie de ceux qui regrettent qu’Emmanuel Macron se soit déclaré si tard, et qu’il ne débatte pas avant le premier tour. Vu de l’étranger, cela apparaît comme une faute démocratique. Évidemment, le président français invoque le fait que ses prédécesseurs en ont fait autant, mais j’avoue ne pas comprendre pourquoi il le refuse. Cela l’aurait sans doute grandi.
Lors de la conférence de presse de jeudi, qui avait toutes allures de l’un des débats du « grand débat national » de l’époque des Gilets Jaunes, il était évident que le Macron candidat sera le Macron président. Le discours peut se résumer à « j’ai été président, je connais la machine, je sais diriger le pays, faites-moi confiance et reconduisez-moi ». Quelques réformes sont évoquées, mais on n’est plus du tout dans la posture initiale de 2017, celle d’une transformation du pays. On l’est d’autant moins que le chef de l’Etat est entre temps devenu le dépensier en chef. Même s’il y a des raisons à cela, et notamment la pandémie, la politique du carnet de chèques fonctionne à plein, et l’addition commence à être sacrément lourde.
Il était naturel que cette posture de candidat-président tue l’autre candidate qui joue la compétence : Valérie Pécresse. La candidate LR a choisi de se positionner comme technocrate, ancienne ministre, capable de diriger la France, etc. Elle a d’autre part prôné très nettement la politique d’une réduction des dépenses publiques, et voilà que M. Macron la fusille sur les deux terrains. D’abord, il dit « je suis président, pourquoi confier les rênes à quelqu’un qui me ressemble beaucoup ? », et ensuite sa politique du « quoi qu’il en coûte » est plus séduisante qu’une réduction des dépenses.
On remarque aussi que parler du peuple, et s’afficher comme un candidat de l’union populaire, est une tactique qui fonctionne. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen en sont la preuve. Ils distancent à présent Eric Zemmour, qui avait fait le pari inverse : rallier les droites, et rien que les droites. Son message semble passer de moins en moins, tandis que Mélenchon et Le Pen montent. C’est sans doute la partie la plus intéressante de ce sprint final : l’affrontement entre Mélenchon et Le Pen.
Enfin, il y a une énigme : Yannick Jadot, qui stagne à environ 6% dans les sondages. On lui prédisait un boulevard ; pourquoi n’a-t-il pas pu en profiter ? Peut-être parce que son parti est encore pris pour une formation contestataire, à qui l’on n’a pas envie de confier les rênes d’un gouvernement. Côté personnel, je trouve qu’il fait une bonne campagne et se montre assez solide, mais cela ne prend pas.
Akram Belkaïd :
Souvenons-nous qu’en 2017, le débat d’avant le premier tour avait été assez difficile pour Emmanuel Macron, il avait été mis en difficulté, saisi par un moment d’émotion, il y avait des gros plans inconfortables … Il se peut que ce souvenir ait joué dans sa décision. En revanche, il sait qu’il ne pourra pas couper à un débat de second tour, et espère qu’il lui sera aussi favorable que le précédent.
Le plus frappant dans cette campagne, c’est la normalisation progressive, qui a désormais quasiment atteint le stade de la résignation, du score élevé de l’extrême-droite. Personellement cela m’interpelle beaucoup, et je sais que c’est le cas pour bon nombre de mes confrères journalistes du sud, qui se demandent comment on en est arrivés en France à un score potentiel minimum de 30%, sans qu’il y ait l’expression d’une vraie inquiétude, d’une vraie mobilisation, d’un vrai discours sur les valeurs républicaines … Comme si la chose avait été adoubée, acceptée, et qu’on avait pris acte que désormais, l’extrême-droite est l’une des principales forces politiques de la France. Bien entendu, il y a tout le narratif autour de l’abstention, sur qui sera au second tour, Mélenchon ou Le Pen, mais en réalité tout cela nous cache des difficultés à venir, notamment sur ce que seront la répartition des sièges du Parlement, ainsi que sur ce poison permanent qui se diffuse dans les idées et la société. L’extrême-droite a réussi à imposer ses idées dans le débat national.
Isabelle de Gaulmyn :
Je suis également inquiétée par la petite musique qui commence à se faire entendre : celle d’un discours du soupçon d’illégitimité (comme celui de Gérard Larcher dont vous parliez plus haut) : « s’il n’y a pas de vrai débat, l’élu sera-t-il légitime ? » Je trouve qu’un tel discours est dangereux. On sait bien qu’une démocratie est toujours une élection par défaut. Certes, le défaut peut être plus ou moins grand, mais au fond on élit toujours les moins pire des candidats. Attention à ne pas instiller l’idée d’une élection qui n’a pas vraiment eu lieu, car elle prépare des lendemains difficiles, surtout dans un contexte où l’extrême-droite est aussi forte …
Je suis agacée par un autre point, qu’on entend beaucoup - y compris ici - : l’agression russe en Ukraine aurait « dynamité » la campagne. Je ne sais pas si elle est dynamitée, il me semble qu’elle a au contraire remis dans la campagne des vrais sujets. Il n’est plus question d’une identité fantasmée, ou d’intersectionnalité, mais de questions réellement cruciales : notre lien à l’Europe, quelle Europe nous voulons, jusqu’où nous sommes prêts à aller pour l’obtenir et si elle doit être plus politique, la souveraineté, la transition énergétique, le nucléaire, s’il faut consommer moins d’énergie ou au contraire aider ceux qui en consomment beaucoup pour qu’ils puissent continuer à le faire … Il y a des vrais choix à faire, que cette crise nous met sous les yeux. C’est le cas avec la question des migrants. On s’aperçoit qu’ils peuvent aussi venir de l‘Europe, et pas seulement du sud. Faut-il une politique européenne à ce sujet, et si oui, quelle sera-t-elle ? On voit bien qu’il y a des options radicalement différentes sur toutes ces questions.
Je trouve qu’une question ressort de tout cela : celle de la démocratie. En attaquant l’Ukraine, Poutine s’en prend également à un certain modèle européen, celui-là même qu’un certain nombre de candidats à la présidentielle française n’ont cessé de critiquer. Est-ce que nous voulons oui ou non la démocratie telle que nous l’avons ? Ce sont toutes ces questions que la guerre ukrainienne remet au centre du débat à la présidentielle. Nos valeurs démocratiques ne sont pas parfaites, mais la crise actuelle nous permet de voir qu’elles ont tout de même des avantages sur le modèle autocratique russe.
Pour ma part, je dirai volontiers que s’il n’y a pas de campagne, c’est tout simplement parce que les candidats en face d’Emmanuel Macron ne sont pas très bons. Anne Hidalgo est par exemple la candidate socialiste. Ne croyez-vous pas que le PS aurait pu travailler sur un programme ces cinq dernières années ? Il y avait pourtant un réel espace, sur l’Education nationale par exemple, car on sait que c’est son électorat. La seule chose qu’elle a recommandé est de doubler le salaire des professeurs. Mais cela ne fait pas un programme. Ce « pas de campagne » que nous déplorons ne s’expliquerait-il pas tout simplement par des candidats mal préparés ?
Jean-Louis Bourlanges :
A propos du procès en illégitimité de cette élection, il y a plusieurs éléments. D’abord, le débat de premier tour, auquel se soustrait M. Macron. Je comprends que cela ne plaise pas, mais quelle est la signification d’un débat de premier tour aujourd’hui ? Depuis quelques années, les conditions de la dramaturgie présidentielle ont été très profondément modifiées. Par le passé, il y a toujours eu deux candidats plus « gros » que les autres, sur lesquels se cristallisait l’élection, avec parfois un troisième homme. L’élection était bipolarisée.
Aujourd’hui, ce qui caractérise le débat, c’est l’émiettement de l’opposition. Ce sont les conséquences du « en même temps », mais pas seulement. C’est aussi parce que le débat se structure sur d’autres bases. Ici, Macron est confronté à des offres contestataires qui sont radicalement hétérogènes : Jadot, Mélenchon, Pécresse, les deux extrême-droites. D’un point de vue tactique, s’il se prête à un débat, il reconstitue immédiatement une sorte de bipolarisation : « tous contre Macron ». Peut-être pourrait-il l’emporter, mais pourquoi agréger le camp du refus contre lui ? Tactiquement, il a plutôt intérêt à diviser.
Deuxième élément du procès en illégitimité : « l’escamotage » ukrainien. On constate que depuis vendredi dernier, la sidération semble déjà faiblir. Malgré tout, pour les candidats, il reste très difficile de parler d’autre chose que d’Ukraine, et quand on en parle, il reste très difficile de dire autre chose que Macron. Gérard Larcher a peut-être eu tort d’en faire une espèce de procès en illégitimité, mais l’élection présidentielle est problématique de ce point de vue : le portage sera un peu artificiel.
En réalité, nous sommes dans une situation où les vrais clivages ne sont pas ceux que portent les gens de l’opposition. C’est par exemple très clair pour Yannick Jadot. Il est écartelé entre une position écologique, puisqu’il est lui-même assez proche de Daniel Cohn-Bendit (donc pas si éloigné de Macron) et un parti qui met en avant d’autres considérations, à commencer par la remise en cause du système capitaliste. Or si l’on attend que le capitalisme ne soit plus pour lutter contre le réchauffement climatique, on risque d’être bien cuits … Fondamentalement, le « en même temps », c’est à dire l’alliance de la droite modérée, du centre et de la gauche modérée est révélatrice d’une unité profonde, qui n’est pas une espèce de ruse politique inventée par Macron. C’est l’alliance du social-libéralisme et de la social-démocratie ; cela forme un corpus politique, fondé sur le libéralisme économique, la solidarité sociale, le multilatéralisme internationale et l’Europe. Alors que les autres sont soit dans l’opposition cohérente à cette démarche, c’est le cas de Mélenchon et de l’extrême-droite, soit sont complètement écartelés entre la logique macronienne et une contestation de type extrémiste. C’est la principale erreur de Valérie Pécresse, au-delà de ses maladresses de communication. Elle aurait dû immédiatement clarifier son hostilité à Zemmour.
Il est significatif que lors de la dernière élection européenne, les clivages européens aient correspondu aux clivages français. Auparavant, la gauche et la droite se divisaient sur l’Europe. Là, il y avait un parti européen qui disait que les solutions aux problèmes, quels qu’ils soient, passeraient par davantage de cohésion européenne. Et cela s’est traduit par une remontée sensible de la participation au scrutin, ne l’oublions pas.
C’est ce clivage que porte Emmanuel Macron, et il est vrai que cela désarçonne son opposition. Il est évident que Valérie Pécresse ne sait pas sur quel pied danser, et qu’Anne Hidalgo ne sait pas danser du tout.
Richard Werly :
Il y a une autre danse qui me frappe : celle des médias français, surtout audiovisuels. Avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, j’avais la nette impression qu’ils voulaient Eric Zemmour au second tour, parce que celui-ci allait « assurer le spectacle ». On voyait bien qu’on lui tendait systématiquement les projecteurs et les micros d’une façon disproportionnée. A présent, tout se passe comme si on avait débranché la prise. Et on a vu ses scores dans les sondages baisser parallèlement à l’intensité médiatique autour de lui. Même si cela ne signifie pas mécaniquement qu’il baissera dans les urnes.
Et il y a l’énigme des Verts. Aura-t-on une surprise, comparable à celle des municipales ? Est-ce que le vote des jeunes profitera in extremis à Yannick Jadot ? Ou bien a-t-il réellement été « flingué » par son parti et ses divisions, incapable d’apparaître désormais, malgré ses qualités personnelles, comme le porteur d’un mouvement et d’une réelle alternative ?
Akram Belkaïd :
A propos du débat de premier tour, je pense qu’il y a également un ras-le-bol, ou du moins une grande frustration par rapport à une présidence où le locataire de l’Elysée n’a quasiment jamais eu à répondre à des questions embarrassantes, dans une configuration de conférence de presse avec auditoire ouvert. Tout est organisé, même le « show télévisé » de jeudi dernier était bien encadré, les images étaient fournies par sa propre équipe, etc. La France est tout de même un pays à part sur ces questions : le président de la République peut y décider de s’affranchir, pendant tout son mandat, d’une rencontre directe, souvent malaisée mais nécessaire pour la vie démocratique, avec les médias.
Dans le jeu médiatique, on a effectivement l’impression que Zemmour a presque disparu, alors qu’on nous l’a servi ad nauseam pendant des semaines. Par un phénomène comparable, il est aussi intéressant d’observer le soudain intérêt des médias pour le Parti Communiste Français. Pendant des années, on a tapé très dur sur ce pari, constamment qualifié d’archaïque ou « d’œil de Moscou ». Et voilà qu’aujourd’hui, on se découvre une certaine sympathie pour lui, tout en sachant très bien que les voix qu’engrange cette formation auraient très probablement été à Mélenchon, et l’empêcheront ainsi d’aller au second tour. Je reconnais que je me livre à l’anticipation, mais un débat présidentiel de second tour entre M. Macron et Mme Le Pen n’aurait absolument rien à voir avec un débat Macron-Mélenchon.
Isabelle de Gaulmyn :
Je suis étonnée que la droite n’ait pas tiré de leçons des dernières élections européennes, et du mauvais score de François-Xavier Bellamy. Au Journal La Croix cela nous avait beaucoup surpris. Nos lecteurs penchent plutôt du côté de la droite classique et du centre, or ils n’ont pas voté pour Bellamy, qui est pourtant un catholique affirmé et sincère. Et s’ils ne l’ont pas fait, c’est parce qu’ils sont Européens. De ce point de vue aussi, il me semble que Valérie Pécresse aurait eu intérêt à clarifier les choses, et à proposer une véritable alternative européenne à droite.
Je pense que nous devrions regarder davantage les législatives à venir. Elles seront à mon avis très intéressantes. Assisterons-nous à un tournant institutionnel, ou au retour de la République de 1958 ? Nous risquons d’élire un président parce qu’il est crédible en tant que chef d’Etat dans une période compliquée, mais au moment des élections législatives, le parti présidentiel risque de faire un mauvais score, ce qui forcera à des coalitions et à des compromis. Les partis ne me semblent pas préparés à cette éventualité. On risque d’avoir une différence entre les intentions déclarées en ce moment par Macron, et les réalités gouvernementales beaucoup plus complexes d’une situation parlementaire qui ne lui sera pas favorable.
Jean-Louis Bourlanges :
Le cas de Bellamy est très intéressant. Voilà un homme politique incontestablement brillant, catholique, très classique, un peu « sens commun », qui déclare clairement qu’entre Macron et Zemmour, il ne votera pas Macron. Pour Valérie Pécresse, il s’agit d’un choix redoutable. Je crois que l’un des problèmes majeurs des Républicains, c’est une méconnaissance profonde de ce clivage structurant de la vie politique française depuis plus d’un siècle : il y a d’un côté une droite républicaine, dont Poincaré (bien qu’anticlérical) pourrait être le modèle. C’est sur ce modèle que la droite française s’est construite après guerre, se réclamant de Raymond Aron, de l’Etat de droit, de la pluralité des intérêts légitimes. De l’autre côté, il y a une autre droite, contre-révolutionnaire. Ce qu’il y a derrière Eric Zemmour, c’est l’idée que cette frontière n’existe plus. Or elle existe encore. La droite contre-révolutionnaire a enchaîné les déconvenues tout au long du XIXème siècle, elle est réapparue avec le maréchal Pétain ; ce n’est pas pour rien que Zemmour a toujours invoqué cette figure. Mais politiquement, c’est une erreur profonde de la part de LR que de ne pas avoir décelé cette complicité diabolique.
Pour faire un écho personnel à ce que disait Richard à propos de l’image de Zemmour, je me suis associé à la démarche de François Bayrou consistant à dire « nous donnerons notre signature à des candidats significatifs qui ne parviendraient pas à obtenir leurs 500 signatures ». Nous pensions alors surtout à Le Pen, Zemmour et Mélenchon. Nous estimions que si ces trois là ne pouvaient pas concourir, ce serait un déni de démocratie. Je puis vous dire qu’à la fin, voyant que Zemmour serait probablement celui qui n’aurait pas ses signatures, j’étais très embêté. Je ne renie rien de la démarche, mais à partir de l’invasion de l’Ukraine, soutenir quelqu’un qui était plus ou moins d’intelligence avec l’ennemi était extrêmement gênant … J’ai donc été très soulagé d’apprendre qu’il avait obtenu ses signatures sans avoir besoin de la mienne, j’ai lâchement poussé un « ouf ! » de soulagement, et j’ai soutenu Macron.
APRÈS VERSAILLES, LES LIMITES DU RÉVEIL EUROPÉEN
Introduction
Philippe Meyer :
L’invasion russe de l’Ukraine a conduit les dirigeants européens réunis à Versailles à chercher pour limiter l'impact du conflit sur leurs économies, des parades qu’ils puissent adopter à l’unanimité. Ainsi, les 27 n'ont pas décidé d'embargo sur le gaz et le pétrole russe, dont ils dépendent à hauteur de 40 %. L'Allemagne n'est pas en position d'affronter un tel choc énergétique, tout comme l'Italie et l'Autriche, tandis que la Hongrie a dit clairement qu'elle ne voterait pas de telles sanctions. Fin mai, l'Union présentera une proposition visant à mettre fin à sa dépendance au pétrole, charbon et gaz russes d'ici… 2027. Pour assurer l'approvisionnement des Européens en gaz, l'Union continuera de verser chaque jour au régime russe quelque 700 millions de dollars (640 millions d'euros).
Les dirigeants européens n'ont pas non plus décidé d'admettre en urgence l'Ukraine dans le giron de l'Union européenne, comme l’avait demandé le président ukrainien le 28 février. La Pologne, la Slovaquie, la Bulgarie, l'Estonie, la République tchèque ont plaidé, dans une déclaration commune, pour « accorder immédiatement à l'Ukraine le statut de candidat à l'UE et d'entamer le processus de négociation ». Mais les membres fondateurs - France, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Italie - n’ont pas voulu brûler les étapes, provoquant la déception de Volodymyr Zelensky.
Cependant, pour répondre à l'urgence, quelques mesures de court terme ont été décidées : l'aide militaire à l'Ukraine a été doublée, faisant passer de 500 millions à 1 milliard d'euros la contribution de l'Union au financement des armements livrés aux combattants ukrainiens. Un quatrième paquet de sanctions pour affaiblir la Russie a été annoncé. Lundi, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a indiqué que des dizaines de noms de proches de Poutine vont rejoindre la liste noire de l'Union Européenne.
Revenant au menu originel du sommet, qui devait consacrer un « nouveau modèle économique européen » et des investissements massifs pour assurer la « souveraineté stratégique » de l’Europe, les 27 ont réaffirmé leur volonté d'augmenter leur effort de défense commune, revenue au centre des priorités et de se coordonner pour renforcer leur industrie de défense. Le débat sur un éventuel financement européen de ces investissements reste entier. Aucune référence n'y est faite dans les conclusions du sommet même si le sujet a été débattu : en coulisses, les Européens ont discuté d'une éventuelle mutualisation des coûts du conflit dans les domaines militaires ou énergétiques, dont les pays dits « frugaux » ne veulent pas.
Le sommet informel de Versailles n'était pas destiné à trancher. Il a préparé les décisions qui seront prises, au sommet de Bruxelles, les 24 et 25 mars.
Kontildondit ?
Jean-Louis Bourlanges :
Évidemment, dans une épreuve aussi terrible, la pertinence de la voix / voie française sur l’Europe ressort d’autant plus clairement. Elle n’est pas simplement le fait d’Emmanuel Macron, même s’il faut lui reconnaître de l‘avoir assumée avec bien plus de force et de cohérence que ses prédécesseurs. Depuis la signature du traité de Maastricht, l’idée de ce qu’est l’Union Européenne a changé de nature. Elle n’est pas simplement une préfiguration d’une société universelle, une sorte de coopération renforcée de l’ONU, caractérisée par l’exemplarité de son rapport au droit, la pertinence d’un modèle de libre-échange, l’élimination du conflit politique derrière des procédures de coopération. Cette dimension « onusienne » était portée à bien des égards par Jean Monnet.
L’UE est un projet politique correspondant à une culture et à une civilisation particulières, assez marquées par la laïcité héritée du christianisme, à savoir le partage du temporel, du spirituel et de l‘intellectuel. Une conception très historicisée du devenir des sociétés humaines, un respect de l’Etat de droit et de la démocratie. Des éléments dont on a vu depuis le début de ce siècle qu’ils ne faisaient pas l’unanimité, on s’en est aperçu le 11 septembre 2001, ou à travers l’évolution de la Chine, mais aussi des Etats-Unis et de la Russie. Nous avons bien vu que nous n’étions qu’une civilisation parmi d’autres, et que par conséquent nous étions bien obligés de jouer la carte d’une certaine confrontation.
La coopération ne pouvait aller sans la confrontation, l’exigence de droit sans la réciprocité. Le droit commercial et la rigueur budgétaire, certes, mais derrière des arbitrages politiques, qui eux ne sont pas solubles dans le droit. La France porte tout cela depuis Maastricht. Souvent maladroitement, par une gestion budgétaire absolument calamiteuse par exemple, nous ne sommes pas du tout exemplaires vis-à-vis des Allemands. Mais nous avons progressé, Mme Merkel a accepté cette logique en acceptant le plan Next Generation, et cela s’est confirmé dans le discours d’Olaf Scholz, marque d’un basculement très important, une révolution copernicienne après laquelle l’Europe se définit par rapport à l’extérieur, et non simplement par rapport à elle-même, dans un rapport d’influences et de puissances. C’est un grand succès idéologique, qui a évidemment ses limites, très visibles.
Elles sont d’abord institutionnelles. L’unanimité bloque tout, il faut une place plus grande à la majorité qualifiée. Pas pour nous lancer dans une guerre évidemment, mais en temps de paix, il y a beaucoup de décisions stratégiques qui pourraient être prises à la majorité qualifiée.
Il y a une incertitude permanente sur la question de l’énergie. Le modèle énergétique allemand est inconséquent. Désormais c’est « ni charbon, ni nucléaire, ni gaz » … Il y a là un déni de réalité. C’est par exemple très visible dans le communiqué des 27, qui évite soigneusement le mot de « nucléaire », même si des progrès ont été accomplis, avec le compromis sur la taxonomie par exemple.
Autre grand problème : l’OTAN. A ce sujet, il faut bien comprendre le problème philosophique de l’organisation atlantique. Tout le monde est d’accord qu’à partir du moment où les Etats-Unis pivotent leur regard vers l’Asie, il faut que les Européens prennent davantage leurs affaires en main. Il s’agit d’assurer la stabilité du continent en assurant par exemple la sécurité autour de la Méditerranée, ou en luttant contre le terrorisme en Afrique. Cela implique une réforme de l‘OTAN. Or celle-ci n’a jamais fonctionné sur le mode du twin pillar concept (« concept des piliers jumeaux »), expression inventée par Kennedy et McNamara, c’est à dire un pilier européen et un pilier américain. Cela a toujours fonctionné au contraire sur le modèle défini par Richard Holbrooke : « America as a European power » (« l’Amérique en tant que pouvoir européen »). C’est parce que les Etats-Unis étaient dans la défense européenne que les Français ont accepté le réarmement allemand, par exemple. Ou que les Allemands ont accepté une dominance française, ou que les Néerlandais ont accepté les Allemands et les Français.
Quand on dit qu’il faut « rééquilibrer l’alliance atlantique », dans l’esprit de Biden, cela signifie « je continue de m‘occuper de la défense européenne, et puis vous gérez la Méditerranée et l’Afrique. Seulement, cela ne nous convient pas, car on voit bien qu’on ne peut pas vraiment compter sur les Etats-Unis. C’était tout à fait évident avec Trump, ce n’est guère mieux avec Biden. Le grand problème d’articulation de la boussole stratégique européenne sera la réforme de l’OTAN. Prochain épisode à Madrid, début juillet.
Akram Belkaïd :
La tragédie ukrainienne est aussi un révélateur des faiblesses européennes. Je suis frappé de voir à quel point le discours européen peut être inacceptable pour de nombreux pays à la périphérie immédiate de l’Union. Je pense aux pays du Maghreb ou du Proche-Orient. Un certain discours semble couler de source en France, sur les appels à l’aide du peuple ukrainien par exemple. Mais de l’autre côté de la Méditerranée, certains arguments de Vladimir Poutine sont repris et consolidés. Cela signifie que l’UE paye comptant son long désintérêt pour les pays du sud. Dans ces pays-là, les gens n’en peuvent plus du double discours.
Il faut évidemment condamner l’agression russe de l’Ukraine, mais il est très difficile de le faire entendre, car les gens n’ont pas oublié ce qui s’est passé en Libye en 2011, avec une lecture biaisée d’une résolution des Nations-Unies, dont le résultat est un pays menacé de partition. On appelle par exemple à des boycotts de produits russes, mais les gens protestent, arguant qu’il y a un an à peine, des militants étaient menacés de poursuites judiciaires parce qu’ils appelaient au boycott de produits des colonies israéliennes en Palestine. Il y a un problème de cohérence, les gens perçoivent un système à deux vitesses. Le processus de Barcelone n’existe plus, l’Union pour la Méditerranée voulue par Sarkozy n’existe plus … Tout cela s’est clairement traduit par le nombre d’abstentions dans le vote aux Nations-Unies. Qu’un pays comme le Sénégal (pourtant partenaire de la France) s’abstienne est très significatif. On peut en dire autant de la Centrafrique. Le Mali est aujourd’hui dans une confrontation quasiment ouverte avec la France, et on continue à l’ignorer, et à prendre comme acquis ce que vous venez de dire, à savoir qu’il appartient à l’Europe de « faire le ménage » en Méditerranée. Or le message que nous envoient ces pays est clairement : « Non. Ce temps-là est révolu ». Il faut a minima trouver un autre terrain d’entente, car d’autres partenaires possibles frappent à leur porte, à commencer par la Chine et la Russie.
Isabelle de Gaulmyn :
Il est vrai qu’on entend toujours ces pays reprocher à l’UE un double discours. Je trouve que c’est en partie vrai, mais en partie seulement. Ça l’est parce que l’Europe a évidemment commis des erreurs, notamment en Libye, mais aussi parce qu’elle n’a pas de véritable soft power. Il est très impressionnant de constater à quel point les opinions publiques africaines sont prêtes à répéter des fake news et des slogans déversés par la propagande anti-européenne russe ou chinoise. Cela oblige à une cohérence, mais aussi à rappeler ce que nous avons fait pour l’Afrique. Des soldats français sont tout de même morts pour le Mali, on ne peut pas dire aussi vite qu’on n’a rien fait. Cela nous oblige à être plus attentifs aux réseaux sociaux. L’Europe est loin d’être parfaite, mais il ne faut pas pour autant disqualifier aussi vite son modèle. C’est tout de même celui que l’Ukraine voudrait, et à choisir entre le modèle européen et russe, il me semble que le choix est assez vite fait. Mais il est vrai que cette dissonance de la part du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne devrait être prise plus au sérieux.
J’aimerais revenir sur le sommet de Versailles. Vous avez eu raison de rappeler qu’il ne s’agissait que d’un sommet informel, ce que bon nombre de commentateurs s’empressent d’oublier. Il y a toujours un problème avec la France : on nous reproche de promettre beaucoup et de ne pas accomplir grand chose avec l’Europe. C’est ainsi qu’on annonce à grands roulements de tambour un sommet extraordinaire, celui du sursaut, etc. En réalité, il ne s’agissait que du Conseil européen. Ils ont simplement fait une déclaration, et par la suite ce sera à la Commission de travailler sur les orientations données par ce Conseil. On est donc toujours dans le fossé entre ce que la France voudrait que soit l’Europe, et les réalités de l’UE, faites de compromis. On ne va pas demander à des pays comme l’Italie ou l’Allemagne de se passer des hydrocarbures russes du jour au lendemain, sans quoi la rue de ces pays va se lever, et nous aurons plus d’une guerre à gérer. Nous faisons partie d’une union de 27 pays, il est normal que les choses ne se décident pas en un claquement de doigts. Et l’Europe a d’ailleurs déjà accompli quelques pas gigantesques ; même si l’on doit évidemment déplorer qu’il ait fallu une guerre pour les faire.
Quant à l’admission éventuelle de l’Ukraine au sein de l’UE, même si la candidature est à l’étude, il me semble qu’il y a une réflexion à mener sur les frontières de l’Union. Jusqu’où doit-elle s’étendre géographiquement ? C’est une vraie question.
Richard Werly :
J’ai un certain nombre de désaccords avec ce qui a été dit. D’abord, il est évident que les Européens paient le prix de ce qui s’est passé en Libye en 2011, et qu’il y a effectivement le sentiment d’un double discours. Ce sentiment est massif et constitue l’un des arguments majeurs de Vladimir Poutine. Et il faut également reconnaître que c’est une des raisons du virage de la Russie, qui s’est estimée flouée par l’interprétation de la résolution. En revanche, aller prendre appui sur le vote aux Nations Unies du Mali et de la Centrafrique, non. Ces pays sont aujourd’hui clairement achetés par la Russie et la Chine. Accordons au vote de ces pays, qui ont décidé de remettre leur destin entre les mains de la milice Wagner, le poids qu’ils méritent.
Akram Belkaïd :
Il reste tout de même le Sénégal, et le Maroc.
Richard Werly :
C’est vrai.
A propos de l’OTAN, ensuite, pour répondre à Jean-Louis. Il se trouve que j’étais au sommet de Versailles, et juste avant à Varsovie et à Budapest. Et je puis vous assurer que le débat sur l’OTAN est réglé. Aujourd’hui, les Etats-Unis ont gagné : la plupart des pays de l’UE (même si ce n’est pas le cas de la France) ont compris que la sécurité immédiate s’obtiendrait par l’intermédiaire de l’OTAN. Ils achètent d’ailleurs des avions F-35 américains. A commencer par l’Allemagne, après la Belgique, la Finlande, les Pays-Bas et même la Suisse. L’affaire est donc réglée.
Enfin, sur la question des symboles, l’UE va avoir un problème avec l’Ukraine. La nécessité de venir en aide aux Ukrainiens va se heurter à des réalités très difficiles. A mon sens, la construction européenne telle qu’elle va ne résisterait pas à une intégration de l’Ukraine. J’ai cependant trouvé très intéressante une initiative menée par les Premiers ministres tchèque, slovaque et polonais. Ils se sont rendus à Kyiv. Certes, ils ont emmené dans leurs valises M. Kaczyński, le leader du sulfureux parti polonais Droit et Justice, pas franchement le meilleur ami de la construction européenne. Mais il faut reconnaître que c’était courageux et plutôt bien vu.
Puisque les symboles sont si importants, je me demande si le sommet européen n’aurait pas dû se tenir à Kyiv. Ou si Ursula von der Leyen, accompagnée de M. Charles Michel et d’Emmanuel Macron ne devraient pas y aller eux aussi. Cela aurait plus de sens et de panache qu’une déclaration dont les ambiguïtés vont nous mener à d’infernales complications diplomatiques.
Jean-Louis Bourlanges :
Sur l’Afrique, je suis en parfait accord avec Richard, le modèle de la République Centrafricaine ou du Mali de M. Goïta n’existent pas. Le résultat de la combinaison de Goïta et de la milice Wagner, c’est la destruction du Mali. Ce n’est plus qu’un périmètre de sécurité autour de Bamako que garantissent les mercenaires. Au-delà, c’est l’anarchie générale, avec une très grande inquiétude de tous les acteurs. Wagner se conduit de façon ignoble. Quant à la République centrafricaine, c’est la même chose. Il n’existe pas de véritable contre-modèle.
Vous avez raison de souligner l’importance du souvenir libyen. Je me suis entretenu mardi dernier avec Mackey Sall, le président sénégalais. J’ai bien mesuré la profondeur de cette affaire. En revanche, sur les rapports avec la France, c’est plus compliqué que cela. Certes, il y a la Libye, mais au delà de cela, le Sénégal ou le Niger reconnaissent qu’on ne peut pas lutter contre le terrorisme sans la France. Il y a indéniablement des sentiments anti-français dans ces pays, mais il ne faut pas les surestimer. Ce qui est fondamental, c’est l’arrière-plan colonial. Il y a un réflexe de fierté, tout à fait compréhensible, consistant à dire « nous ne sommes pas là pour faire ce que la France nous demande ». C’est cela qui domine, même si le Niger a voté comme nous. Mais quand on discute de la lutte contre le terrorisme, il y a une conscience très aiguë de la nécessité de travailler avec la France, notamment parce que les militaires français font un travail de très grande qualité. Je les ai vus au Niger, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, et les ai trouvés extrêmement responsables, prudents et soucieux de modération politique et d’articulation avec les forces locales. Enfin, il faut bien voir qu’en face, il n’existe pas d’alternative à la lutte contre le terrorisme.
Le cas du Maroc est intéressant. Ils ne manquent pas de toupet pour lâcher tout le monde après ce que les Américains ont fait pour eux au sujet du Sahara Occidental. Ils l’ont fait par crainte de la Russie, car ils ne voulaient pas renforcer la main de l’Algérie. Ce sont des considérations purement tactiques. La situation en Afrique est très délicate, et notre passé colonial nous oblige à la plus extrême délicatesse.
Un mot sur l’adhésion de l’Ukraine, et la proposition de Richard. J’ai personnellement dit à l’Assemblée Nationale que l’Ukraine avait sa place parmi nous. Est-ce que cela doit déboucher sur une adhésion à l’UE ? Il faut bien voir dans quel processus nous sommes. Nous travaillons à ce que l’Ukraine garde sa souveraineté territoriale (ses frontières), qu’elle ait droit à un régime politique libéral et démocratique, ainsi qu’un modèle économique fondé sur une coopération avec nous. Quelles sont les possibilités de négociations ? Il s’agit de savoir si Zelensky accepte une petite amputation de territoire à travers les Républiques séparatistes de l’Est, s’il accepte un statut de neutralité, donc le renoncement à une adhésion à l’OTAN, et enfin, sur le rapport à l’Europe, s’il serait possible de faire de l’Ukraine un « voisinage commun » de l’UE, plutôt qu’une adhésion pleine et entière. Tout cela est sur la table, c’est pourquoi il faut se garder de préempter la discussion, car si l’on parvient à sauver une Ukraine n’ayant perdu que la Crimée et les deux petites Républiques, avec un régime démocratique, ouvert sur l’Occident et des frontières garanties, il me semble qu’il y aurait là un sacré succès pour M. Zelensky, et un sévère camouflet pour M. Poutine.