L’impossible sérieux budgétaire / Élections en Slovaquie et extrême-droite européenne / n°318 / 8 octobre 2023.

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L’IMPOSSIBLE SÉRIEUX BUDGÉTAIRE

Introduction

ISSN 2608-984X

Philippe Meyer :
Le 27 septembre, le gouvernement a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi de finances pour 2024, dont l’adoption permettra à la France de toucher les subsides du plan de relance européen lancé juste après le pic de la pandémie à l'été 2020. Le déficit devrait être réduit de 4,9 à 4,4 %, et la dette dégonfler de 111,8 à 109,7 %... si une croissance de 1,4 % est bien au rendez-vous. Une trajectoire « peu ambitieuse », basée sur des hypothèses de croissance « optimistes », « alors que le consensus des économistes l'estime à 0,8 % et la Banque de France à 0,9 % » a estimé le président du Haut conseil des finances publiques, Pierre Moscovici.
Avant le marathon budgétaire de l'automne, l'exécutif a promis de fermer le robinet des aides. Le budget 2024 devait être celui du retour au sérieux budgétaire. Avec des économies de 16 milliards d'euros, le gouvernement annonce une diminution des dépenses de l'État de 5 milliards. Plutôt que des coupes dans les dépenses, la majorité des économies du budget 2024 (14,4 milliards sur 16) proviendra de la non-reconduction des dispositifs de crise : bouclier tarifaire sur le gaz, supprimé au mois de juin, réduction du bouclier sur l’électricité, fin des dispositifs d’aides aux entreprises énergivores. Le reste est obtenu grâce à une diminution de 800 millions des politiques de l’emploi (coûts des contrats des apprentis, emplois aidés…) et à la réforme de l’assurance-chômage, (700 millions).
Malgré les promesses de sobriété budgétaire, les dépenses publiques hors mesures exceptionnelles de soutien vont augmenter de 2,2 % l'an prochain. Le retour au sérieux budgétaire maintes fois promis, a été maintes fois reporté. La persistance de l’inflation et la remontée des prix du carburant sont venues percuter les ambitions de Bercy. L’annonce du président de la République de mettre en place une aide de 100 euros pour les automobilistes complique l'équation budgétaire de l'exécutif. Les 25 milliards consacrés à l'indexation des prestations sociales sur la hausse des prix sont désormais mises en avant par le ministre de l’Economie et des Finances. Pour redresser les services publics, Bercy a concédé une hausse de plus de 8.000 fonctionnaires, après une augmentation de 10.790 en 2023. Le budget prévoit également de nombreuses hausses de crédits pour servir les priorités d'Emmanuel Macron : 7 milliards pour la transition climatique, 3,1 milliards pour l'Éducation nationale, et 5 milliards aux ministères régaliens (Justice, Défense, Intérieur). Il faut également amortir le choc de la hausse des taux d'intérêt, avec une charge de la dette grimpant de 10 milliards à 48 milliards. C’est désormais à partir de 2025 que l’exécutif compte s’attaquer aux dépenses « pérennes ».
Bruno Le Maire présentera mi-octobre devant l’Assemblée nationale le 49ème budget en déficit du pays.

Kontildondit ?

Marc-Olivier Padis :
C’est en effet le retour de l’inflation et la remontée des taux d’intérêts qui posent la question du sérieux budgétaire. Quand ils étaient faibles et même négatifs (ce qui s’est produit plusieurs années), on pouvait s’endetter sans aggraver la dette. On a donc bien fait de s’endetter à cette période, à condition d’utiliser cet argent pour des investissements, et non des dépenses courantes.
Le débat politique est très clivé sur ce sujet. La gauche crie à l’austérité, la droite à la gabegie, il peut donc être difficile de s’y retrouver. On peut déjà rappeler qu’en soi, l’endettement n’est pas un mal : c’est une bonne chose de soutenir l’économie quand il y a un trou d’air, puisque cela permet de maintenir l’appareil de production et les capacités de rebond de l’économie. Un centre de recherches économiques, le CEPREMAP, a calculé que si on n’avait pas soutenu les entreprises pendant la crise du Covid, la dette française serait aujourd’hui supérieure de 10 points de PIB. On a donc bien fait. En même temps, il faut savoir où est la limite, on ne peut pas pousser vers toujours plus de dette, il y a un moment où cela devient intenable. C’est ce qui est arrivé à Mme Liz Truss, l’éphémère Première ministre britannique, qui a déclenché un début de panique sur les marchés lorsqu’elle a dévoilé un programme de baisse massive des impôts, jugé complètement irréaliste.
Quelles sont donc les limites « réalistes » de l’endettement ? Maintenir la confiance dans la solvabilité de l‘Etat français est crucial de ce point de vue. Par exemple aujourd’hui, la France s’endette à 3,1% sur 10 ans, l’Italie à 4,3% sur 10 ans. Si la France devait payer les mêmes taux que l’Italie, cela lui coûterait une trentaine de milliards d’euros supplémentaires par an. Le sérieux budgétaire est donc capital.
Est-ce le bon moment pour l’appliquer ? Oui, car nous ne sommes plus dans la crise sanitaire, ou dans le choc massif de l’énergie, les marchés de l’énergie devraient retrouver un équilibre courant 2024. Comment s’y prendre ? Pierre Moscovici qualifie les mesures de « peu ambitieuses », mais c’est précisément ce qu’il faut. Nous ne sommes pas dans une situation où la France a besoin d’une thérapie de choc, qui risquerait de freiner les investissements, alors que la transition énergétique par exemple suppose d’investir massivement. De ce point de vue, le fait que 7 milliards aient été sanctuarisés dans le budget pour la transition verte de l‘Etat est une bonne chose : c’est cohérent avec la trajectoire globale que doit suivre la France.
Le sérieux budgétaire est nécessairement un exercice de réglage en finesse, d’ajustement progressif. Il est difficile pour un pays ayant une forte culture d’intervention de l‘Etat, de trouver où sont les priorités.

Nicole Gnesotto :
Peut-on être sérieux en matière budgétaire, alors qu’il faut répondre à trois contraintes parfaitement contradictoires ? Premièrement, la contrainte environnementale, puisque nous nous sommes engagés, auprès de l‘Europe et de l’ONU, à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Deuxièmement, la contrainte européenne. Même si les règles sont suspendues jusqu’en décembre, le déficit public est censé être inférieur à 3% du PIB, et la dette à 60% du PIB. Enfin, la contrainte politique : M. Macron et Mme Borne ont promis de ne pas augmenter les impôts.
Il y a donc une vraie contradiction à augmenter les dépenses sans augmenter les recettes, d’autant que nous sommes dans une période très volatile. Il y a deux problèmes totalement imprévisibles, et pouvant coûter très cher au budget. D’abord une reprise éventuelle de la pandémie, et puis une escalade de la guerre en Ukraine. Sans parler d’une guerre en Arménie ou de conflits sur le continent africain. Ce contexte aussi volatile qu’imprévisible rendra peut-être nécessaires des dépenses imprévues. D’autre part, l’inflation oblige le gouvernement à multiplier les chèques sociaux. Enfin, nous sommes dans un état de morosité sociale préoccupant : les enquêtes de l’INSEE montrent que nous sommes quinze points au-dessous de la moyenne normale du moral des ménages.
Pierre Moscovici qualifiait les réductions de ce budget « d’homéopathiques », personnellement je me demande si ce n‘est pas à cause de toutes ces injonctions contradictoires. D’autant qu’il y a un contexte électoral l’année prochaine, dangereux pour le gouvernement. C’est pourquoi je ne crois pas à ce « sérieux budgétaire », je pense que le gouvernement n’a pas la capacité d’y revenir.
Si l’on regarde les autres pays européens, on s’aperçoit que la France n’est pas le pire élève en matière de sérieux budgétaire. Certes, les chiffres suivants datent de 2021, mais jugez plutôt : la France est le premier pays pour les dépenses publiques par rapport au PIB (62%, contre 51% pour l’Allemagne). Parmi les dépenses publiques, ce sont les dépenses sociales qui arrivent en tête dans toute l’UE. En France, elles représentent 24%. Ce qui nous distingue de nos partenaires européens, c’est que nous sommes également premiers pour ce qui est des prélèvements obligatoires : 45,4% du PIB. Il y a donc indubitablement un problème spécifiquement français : nous avons le plus d’impôts, le plus de dépenses sociales, et le plus de mécontents, qu’ils soient à droite ou à gauche.

Richard Werly :
D’abord, je pense que que le budget qui vient d’être présenté n’aurait pas été possible sans la réforme des retraites, adoptée dans les conditions que l’on sait. Nous en avons désormais la preuve : cette réforme était avant tout destinée à rassurer les marchés, précisément pour pouvoir construire par la suite un budget tel que celui-ci. Cela mérite d’être rappelé, car cela montre la cohérence globale de l’action d’Emmanuel Macron.
Selon moi, il y a trois défauts à ce budget. Je me demande s’il est possible de les qualifier de « français », en tous cas ils commencent à peser. Le premier est la logique de l’aide. Quoiqu’en disent MM. Macron et Le Maire, dès qu’un problème se présente, on fait un chèque, et on espère que ça va le régler tout en sachant que cela ne le règlera pas. Cette logique-là n’est pas tenable. Le deuxième est la forme de rente attribuée à un public, celui des retraités, dont on sait qu’il est plutôt un « bon client » électoral du président de la République. On propose de revaloriser leurs pensions de 5%. Il y a donc indéniablement une forme d’électoralisme. Enfin, la « passion de l‘administration » : on embauche toujours plus de fonctionnaires, alors que la promesse initiale était d’en diminuer le nombre. La question que pose ce recrutement de fonctionnaires est : l’Etat s’en trouve-t-il plus efficace ? On ne peut malheureusement pas répondre un grand « oui ».
C’est un budget qui ne fonctionne que grâce à une réforme qui a rassuré les marchés, qui ne remédie pas aux problèmes structurels de la France, il est donc attentiste et électoraliste. Enfin, il ne pose pas la vraie question : l’efficacité ne devrait-elle pas devenir le critère d’allocation des ressources ? Pour le moment, on est dans l’accompagnement thérapeutique, mais pas dans la résolution de problème. On ne cherche pas à guérir le patient, mais à soulager la douleur.

Jean-Louis Bourlanges :
Je crois que la réforme des retraites a été une grande réforme, l’élément positif saillant de ce second quinquennat, celui dont on se souviendra. Et cela doit faire réfléchir, quand on voit le torrent d’indignations et de mises en causes qu’elle a provoquée. Personnellement, je regrette qu’on n’ait pas maintenu le cap initial de 65 ans, étant donné que 81% des Français étaient hostiles à la retraite à 65 ans, et 79% à celle à 64 ans. Dans ces conditions, avoir baissé l’âge était regrettable politiquement : cela plombait la réforme et ne contentait quasiment aucun protestataire. Mais cette réforme était significative : l’instrument fondamental pour mobiliser la puissance économique du pays. C’est cette mobilisation qui est la vraie clef de l’équilibre budgétaire. Contrairement au sentiment qu’elle a, la France n’est pas un pays riche. C’est un pays avec des besoins énormes et des moyens très limités. Il suffit de regarder notre déficit budgétaire et notre déficit commercial : nous dépensons davantage que nous ne produisons. Cela ne peut pas durer éternellement, et il y a des choses qui doivent inévitablement changer. Pour cela, il faut mobiliser le pays, et c’est ce qu’on a tenté de faire avec les retraites, mais mal. Il y a eu une erreur de communication à propos de cette réforme, elle aurait dû servir à faire prendre conscience au pays qu’on ne pouvait pas continuer comme ça.
Nos besoins sont gigantesques. En matière d’écologie ou de défense par exemple. Le budget de la Défense a été fortement augmenté, et malgré cela nous voyons bien que c’est encore très court par rapport aux enjeux auxquels il nous faut répondre. Sur le plan de l’Education nationale, on voit bien que cela ne va pas : les professeurs sont mal payés, mal encadrés, bref ils ne ressentent pas la protection dont ils ont besoin. Mais comme le disait Richard, l’Etat est ankylosé, empâté, il n’a pas la souplesse et la vivacité de réaction nécessaires. C’est la même chose en matière de sécurité. Il suffit par exemple de s’intéresser à la situation de Marseille pour être absolument consterné. C’est la ville que le président a décidé d’aider massivement, or on entend des témoignages absolument stupéfiants : des quartiers contrôlés par les gangs, où les citoyens doivent demander la permission pour sortir de chez eux … Récemment, c’est les président de l’université qui doit fermer boutique, car il y a trop de dealers devant les bâtiments. On est en face de problèmes massifs. Ils sont encore gérables, car la police française n’est pas corrompue, mais si elle le devenait, comme ce fut le cas au Mexique, nous perdrions véritablement prise.
Mais la racine profonde du problème, c’est que nous avons une société qui est dissensuelle. Au niveau budgétaire, c’est le dissensus politique. Les différentes catégories réclament, mais la réponse qu’on leur donne ne relève pas vraiment d’électoralisme. C’est plus la crainte du trouble social qu’une volonté de privilégier certains « clients ».
Il y a une très grande difficulté à mobiliser le pays sur des objectifs clairs, avec des moyens correspondants, pour reprendre en main en profondeur et traiter cette question de fond que Richard a mise en lumière : l’efficacité de la puissance publique.

Nicole Gnesotto :
Quelles stratégies sont possibles ? J’en vois quatre.
Premièrement : le passage par la rigueur bruxelloise. Dans deux mois, de nouvelles règles européennes seront définies. Pour le moment, les Allemands sont figés sur les 3% et 60%, la Commission propose un système plus flexible, dans lequel les Etats seraient jugés tous les quatre ans (et non chaque année), mais Berlin s’y oppose. La France aurait tout intérêt à ce que le cadre bruxellois soit un carcan un peu plus sérieux pour légitimer ses efforts budgétaires, mais sans accord franco-allemand, les choses se présentent difficilement.
Deuxièmement : assumer la fin du « quoi qu’il en coûte ». C’est à dire avoir le courage politique d’affronter des révoltes sociales, supprimer les aides aux entreprises, etc. C’est le choix d’un retour assez autoritaire à la rigueur. Personnellement, j’imagine mal le gouvernement opter pour cette solution.
Troisième stratégie : la fuite en avant populiste, ou « faire payer les riches ». A tout le moins exiger davantage de contributions. On sait que sur certains enjeux culturels ou nationaux, cela fonctionne très bien : Notre-Dame, les Restaus du cœur, etc. On voit qu’il y a une disponibilité des très riches à participer à certaines choses précises. Mais de là à les faire payer comme le demande la gauche ou l’extrême-gauche, il y a un grand pas, et je doute aussi que ce gouvernement le franchisse.
Dernière stratégie, celle qui semble avoir été choisie : continuer l‘endettement, car c’est le gouvernement suivant, celui de 2027, qui devra s’occuper de la question de la dette. Si ce gouvernement est d’extrême-droite, ce sera le « cadeau empoisonné » idéal.

Marc-Olivier Padis :
Je crois pour la part que la stratégie qui a été adoptée est une cinquième possibilité : celle de l’atterrissage en douceur. On n’est pas obligé d’imaginer le pire.
Un mot sur la « fuite en avant populiste ». Je ne vois personnellement aucun obstacle de principe à ce que les plus riches paient davantage, mais malheureusement, ce n’est pas à l’échelle du problème. On pourrait récupérer un ou deux milliards par an grand maximum, mais ce serait très insuffisant.
La question structurelle de la place de l‘Etat, des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires est à mon avis l’élément qui fait consensus en France : on veut que l’Etat s’occupe de tout. C’est ainsi, aucune révolution du passé n’a jamais remis cela en question. Prenons-en acte et essayons d’optimiser les choses à partir de ce constat.
La vraie question est : comment fait-on face à des chocs conjoncturels ? En cela, je ne suis pas d’accord avec Richard à propos de la « logique du chèque ». Je ne trouve ni absurde ni regrettable de protéger les ménages pendant six mois quand le marché de l’énergie s’emballe pendant six mois. Dans les pays où cela n’a pas été fait, les gens ont fait face à des augmentations de 60% ou 70% de leur facture énergétique, et c’est très douloureux. Si on peut amortir des chocs pareils, pourquoi ne pas le faire ? Bien sûr, je parle ici des déficiences de marché, plutôt que des problèmes structurels.

Richard Werly :
Je pense qu’il y a une « équation Bruno Le Maire ». Il n’est peut-être plus l’homme idoine pour être ministre des Finances, on sait qu’il a lui-même des velléités présidentielles, et se place donc dans « l’après Macron ». D’autre part il porte le poids du « quoi qu’il en coûte », car il fut le ministre de l’aide généralisée. Sur l’Education nationale, M. Macron a voulu faire une réinitialisation forte, un « reset », en nommant Gabriel Attal. Peut-être y a-t-il un problème de casting aux Finances ...
Et puis une note optimiste. Quand on regarde la France depuis l’étranger, on est frappé par une chose : son attractivité pour les investisseurs étrangers. Cela restera comme l’un des succès de la présidence Macron. Le problème de l’attractivité, c’est qu’elle paie à long terme, autrement dit trop tard. On est actuellement dans la phase difficile : l’arrivée d’investisseurs, et les retombées économiques qui en découleront ne se feront sentir que dans quelques années. Peut-être que c’est l’économie réelle et non le budget de l’Etat, qui va changer la donne, voire sauver la mise, mais nous ne le saurons qu’après la présidence d’Emmanuel Macron.

Philippe Meyer :
Marc-Olivier a raison de souligner que « faire payer les riches » ne suffirait pas à régler les problèmes financiers et budgétaires du pays, mais n’oublions pas que dans la société du dissensus qu’a décrite Jean-Louis, où nous avons le sentiment que plus rien ne nous rassemble, il me semble qu’un ou deux milliards prélevés dans un but précis, par exemple celui de remettre les transports en commun en état, serait un symbole fort. La SNCF a longtemps été l’un des symboles forts de notre identité. Rien n’était plus sûr, plus fiable et mieux organisé. Aujourd’hui c’est malheureusement le contraire. Il me semble que l’idée d’une taxation « fléchée », vers une utilisation précise, mériterait d’être considérée.
Enfin, un léger mouvement d’humeur. D’abord, je ne suis pas persuadé qu’un Haut Conseil des Finances publiques soit absolument nécessaire alors que nous avons déjà la Cour des Comptes. Redondance d’autant plus flagrante que M. Pierre Moscovici siège dans les deux … Et puis on peut aussi se souvenir que M. Moscovici a lui-même été ministre de l’Economie et des Finances, et on peut se souvenir de ses performances à ce poste. Quand on l’entend expliquer ce que le gouvernement fait mal et ce qu’il devrait faire à la place, on se dit que la seule personne qui ne puisse pas se souvenir de tout cela, c’est M. Moscovici lui-même.

Jean-Louis Bourlanges :
Même si c’est très paradoxal, en politique, c’est ce qu’on fait de plus impopulaire qui marche le mieux, et inversement. Les deux choses qui ont été faites positivement par le gouvernement ces dernières années, c’est d’abord la suppression de l’ISF et la baisse de l’impôt sur les sociétés au début du premier quinquennat. C’est cela qui provoque le dynamisme économique et l’attractivité dont parlait Richard. Et puis la réforme des retraites, derrière laquelle il y a un effort pour mettre en adéquation les gens en recherche d’emploi et les emplois non pourvus. Il y a des efforts à faire en formation, puisqu’en général on perd du temps entre la fin des études et l’entrée sur le marché du travail. Le vrai chantier, c’est de parvenir à mobiliser la société, à lui faire comprendre qu’on ne peut pas distribuer plus que ce qu’on produit. Il faut absolument que les Français produisent plus. Nous avons de grandes qualités, de grands talents, nous faisons des choses formidables mais dans des secteurs trop limités. C’est ce grand dessein économique que le gouvernement à du mal à faire passer.
A propos de Bruno Le Maire, j’ai été frappé en l’écoutant ces derniers jours, par le fait qu’il ignorait manifestement le célèbre adage de droit romain : « nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans » (Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude). Car il était très convaincant quand il expliquait que nous sommes les plus mal placés en Europe s’agissant des déficits et de l’endettement … oubliant qu’il était en charge depuis plusieurs années. Cette dramatisation de son propre échec ne manquait pas de sel …

ÉLECTIONS EN SLOVAQUIE ET EXTRÊME-DROITE EUROPÉENNE

Introduction

Philippe Meyer :
En Slovaquie, l'ancien communiste Robert Fico est arrivé en tête des législatives du 30 septembre. Son parti, le Smer a réuni 23,3 % des suffrages sur une ligne prorusse et eurocritique. Pour former une majorité, il va devoir obtenir le soutien des 27 élus du parti social-démocrate HLAS, arrivé troisième avec 14,7 % des voix, et des dix du parti d'extrême droite prorusse SNS, qui a obtenu 5,6 %. Ces législatives ponctuent un cycle de crises gouvernementales depuis 2020 où trois gouvernements se sont succédé. Ce pays d'Europe centrale de 5,5 millions d'habitants, devenu indépendant en 1993, à la suite d'une séparation pacifique avec la République tchèque, est rongé par les affaires politiques et judiciaires, la corruption, d'importantes inégalités sociales, des services publics exsangues, le chômage, l'inflation ou encore l'exode des jeunes. Déjà deux fois premier ministre (en 2006-2010 puis en 2012-2018) Robert Fico a profité du chaos politique pour revenir sur le devant de la scène au terme d'une campagne fortement influencée par la désinformation en ligne. National-populiste venu de la gauche, Robert Fico, 59 ans, mêle rhétorique anti-Otan, anti-migrants et anti-LGBTQ.
La victoire de Fico pourrait signifier la fin de la politique pro-occidentale d'un pays membre de la zone euro et frontalier d'une Ukraine avec laquelle Bratislava s'est toujours montrée très solidaire depuis le début de la guerre. La Slovaquie fait partie des pays qui ont le plus aidé l'Ukraine. Robert Fico a déclaré vouloir arrêter cette aide et s’opposer aux sanctions contre Moscou. Jacques Rupnik, professeur émérite au Ceri-Sciences Po observe qu’« au début du conflit, il y a dix-neuf mois, les pays de l'Est étaient, à l'exception de la Hongrie, les plus mobilisés face au danger russe alors que ceux de l'Ouest semblaient un peu hésitants […] La situation s'est désormais renversée : l'Ouest tient bon, mais des failles apparaissent à l'Est dans chacun des pays, même si les raisons d'un pays à l'autre sont différentes ». Tandis qu’en Hongrie, Viktor Orbán, qui a salué « la victoire incontestable » d'un « patriote avec lequel il est toujours bon de travailler », affiche toujours plus ouvertement ses sympathies pro-Poutine, en Bulgarie, une grande partie de l'opinion continue à pencher du côté du grand frère russe, alors qu’en Pologne, une certaine lassitude face à la guerre d'Ukraine monte aussi. Partout dans cette partie de l’Europe, les leaders populistes au pouvoir et ceux qui cherchent à le conquérir usent d'un même narratif expliquant qu'il faut au plus vite arrêter la guerre et que livrer des armes à Kyiv ne ferait que prolonger inutilement le bain de sang. « La guerre pour la Slovaquie est toujours venue de l'Ouest et la paix de l'Est » a déclaré Robert Fico durant sa campagne. Ce narratif plaît aux Slovaques qui, en majorité, estiment que la responsabilité de la guerre revient à l'Occident ou à l'Ukraine. Ils sont à peine 40% à accuser la Russie. Le soutien à l'Otan, en outre, s'érode, passant en un an de 72 % à 58 %. A peine 31 % des Slovaques gardent une opinion favorable à Zelensky.

Kontildondit ?

Richard Werly :
Trois questions se posent après ces élections slovaques : qui est Robert Fico ? Que peut-il faire ? Ce qui se passe en Slovaquie est-il important ?
Robert Fico est bien connu de l’Union européenne. Il a été trois fois Premier ministre, a dû quitter le gouvernement en 2018, suite à l’assassinat d’un journaliste d’investigation, Jan Kuciak, qui avait mis au jour l’existence d’un réseau mafieux, avec lequel Robert Fico était très fortement soupçonné de complicité. Comme par hasard, Fico gagne les élections juste après que la justice slovaque a relaxé le présumé commanditaire du meurtre de Jan Kuciak, un oligarque proche de Robert Fico.
Pour moi, le principal problème de cette élection, avant l’Ukraine ou l’UE, concerne la Slovaquie elle-même. Il y a un vrai risque pour l’Etat de droit, sur la prise de contrôle de ce petit pays par des groupes criminels. Personnellement, je ne suis pas allé à Bratislava depuis deux ans, mais je me souviens de deux choses frappantes là-bas : le nombre de salons de massage, et le nombre d’officines pour cryptomonnaies. Il y a une vraie inquiétude de voir la Slovaquie devenir une espèce de petit trou noir au cœur de l’Union européenne.
Que peut-il faire ? Le régime slovaque est parlementaire, Fico a donc besoin d’alliés. Pour le moment, on ne sait pas s’il va pouvoir composer un gouvernement. N’oublions pas que la présidente de la Slovaquie, Zuzana Čaputová, représente l’opposition à Fico (elle avait d’ailleurs été élue suite au meurtre du journaliste Jan Kuciak). Elle a dit qu’elle confierait au parti vainqueur le soin de former un gouvernement, mais gageons qu’elle fera ce qu’elle peut pour influer sur la situation.
Qu’elles conséquences pour l’Europe ? Je vais sans doute m’avancer, mais je ne crois pas qu’elles seront si importantes. La Slovaquie est un petit pays, dont il ne faut pas oublier qu’il est en totale symbiose économique avec la République tchèque. Chaque jour, des dizaines de milliers de Slovaques vont y travailler. Le pouvoir de nuisance de Fico est donc limité, et si l’on regarde le modèle qu’il est tenté d’imiter, à savoir Viktor Orbán, on s’aperçoit que le leader hongrois pérore beaucoup, mais influe finalement peu sur le débat européen depuis le début de la guerre en Ukraine. Toutes les sanctions contre la Russie ont été adoptées, et la Hongrie s’est retrouvée marginalisée. La chose la plus inquiétante pour l’Europe est le signal que donne cette élection slovaque aux opinions : fatigue de la guerre en Ukraine, et vent en poupe pour le souverainisme.

Nicole Gnesotto :
Je commencerai par un désaccord avec Richard : la Slovaquie n’influe par sur les sanctions russes, décidées à la majorité, en revanche elle aura un vrai pouvoir de nuisance sur toutes les décisions européennes prises à l’unanimité. Par exemple celle du prochain Conseil de décembre prochain à propos de l’ouverture éventuelle de négociations avec l’Ukraine. Là dessus, la Hongrie et la Slovaquie ont un droit de véto.
Ce qui se passe en Slovaquie est à la fois l’histoire d’un homme d’Etat (si corrompu soit-il) et celle d’un mouvement général des pays d’Europe centrale et orientale. La Slovaquie suit à peu près le même chemin que la Pologne et la Hongrie depuis sa libération du joug soviétique : d’abord une phase de très forte démocratisation (c’est le seul pays à avoir réussi un « divorce de velours » pendant qu’au même moment l’ex-Yougoslavie entrait en guerre civile). Et trente ans plus tard, ces pays semblent céder aux sirènes du populisme. Rappelons qu’aux élections européennes de 2014, l’extrême-droite slovaque n’avait recueilli que 5,3% des voix, contre 16,6% en 2019. Quant à Robert Fico lui-même, il a été jusqu’en 2000 le représentant de son pays à la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Quand il était Premier ministre, il a été l’homme de l’intégration dans l’UE. Aujourd’hui, c’est l’un de ses plus farouches adversaires avec Viktor Orbán.
Il y a un autre phénomène exacerbé en Europe de l’Est : la montée en puissance de la corruption et du clanisme politique. Fico a été accusé de collusion avec un réseau mafieux, et il y a des cas comparables en Hongrie et en Pologne. Il y a cependant une différence dans le cas de la Slovaquie, car l’opinion publique y est très versatile. Il y a quatre ans, les Slovaques ont élu comme présidente une femme écologiste, anti-corruption et pro-européenne, alors qu’aujourd’hui, ils votent pour son opposé en tous points. Tandis qu’en Hongrie par exemple, Orbán est aux affaires depuis déjà plus d’une décennie.

Marc-Olivier Padis :
Je crois moi aussi que ces élections slovaques sont un signal à ne pas négliger, notamment pour les prochaines élections européennes du 9 juin. Il vient d’y avoir d’importantes élections en Espagne (où il n’y a toujours pas de gouvernement), en Slovaquie Fico recueille 23%, mais il n’est pas certain qu’il arrive à former une coalition. Le 15 octobre prochain, il y aura des élections en Pologne, où le parti au pouvoir, le PiS, est davantage anti-Bruxelles qu’anti-Europe. Enfin, il y aura des élections aux Pays-Bas, où l’opinion est très volatile également, et où un nouveau parti populiste et anti-écologiste est en train de croître très rapidement.
Les élections slovaques s’inscrivent dans cette série, qui nous alerte sur la configuration européenne post 9 juin 2024. Les groupes parlementaires vont changer. Par exemple le parti de Fico, qui est social-démocrate de nom, faisait partie du groupe social-démocrate au Parlement européen. Ce groupe vient d’annoncer qu’il allait exclure Fico. Les députés slovaques sont 14 au Parlement européen, pas de quoi bouleverser les équilibres, mais c’est tout de même une érosion, un changement des périmètres qui peut s’avérer important à plus long terme. Il y a en outre la possibilité pour les gouvernements de nommer un commissaire européen. Si Fico est en position de le faire, on imagine qu’il pourrait nommer un anti-européen …
Il y a enfin un signal sur la désinformation, dont on sait qu’elle a été massive avant ces élections. On a vu pour la première fois des vidéos générées par intelligence artificielle, complètement fausses, où l’on voyait le dirigeant progressiste promettre une augmentation des prix de la bière … Cela peut faire sourire, mais ça a beaucoup influé. Et le ministère des Affaires étrangères slovaques a convoqué l’ambassadeur de Russie à Bratislava pour obtenir des explications à propos d’une déclaration du chef des services de renseignement russes, qui avait parlé d’un « complot américain » en faveur du parti progressiste. La Russie a donc été active dans ces élections, indirectement par de la désinformation sur les réseaux sociaux, mais aussi très directement par l’action des renseignements extérieurs, pour favoriser Fico.

Jean-Louis Bourlanges :
Je suis partagé quant à la la signification qu’il faut accorder à ce vote. Il est vrai que Robert Fico est bien connu, il a vraiment fait tout et son contraire : il vient du Parti communiste, est un nationaliste d’extrême-droite, reste fidèle aux thèses populistes communistes, et est désormais favorable à la Russie poutinienne. Mais certains éléments doivent nous faire relativiser sa victoire. D’abord, bien qu’étant la personnalité la plus connue de Slovaquie, et malgré un effet de notoriété très important en sa faveur, il n’a fait « que » 23%. Je ne pense pas que cela l’empêchera de bâtir une majorité, mais tout de même, ce n’est pas un score si écrasant. Le parti des progressistes, arrivé deuxième, a fait 18%. Le problème est le troisième parti, qui est une dissidence de celui de M. Fico, et va donc probablement s’allier à lui pour constituer une majorité. Enfin, il y a un parti nationaliste, qui a recueilli très peu de voix, mais est ouvertement pro-Poutine. La coalition qui se dessine représentera donc à peu près la moitié de la Slovaquie, elle suivra un leader assez connu, mais ce n’est pas un « raz-de-marée » qui remet toutes les orientations slovaques en question.
Il y a pourtant de quoi être inquiet. L’analyse de Jacques Rupnik à propos de l’Ukraine me paraît malheureusement juste : il y a un affaissement du soutien à l’Est de l’Europe. D’une façon générale, pour tous ceux (dont je fais partie) qui se sont impliqués dans le rapprochement entre l’Europe de l’Est et l’UE, il y a de quoi être inquiet. Je me souviens qu’au moment de l’intégration de la Pologne, le sentiment était extraordinaire. Nous étions portés par des équipes fantastiques, des anciens de Solidarnosć. Quand on a cela en tête, l’importance du reflux actuel interroge. En Hongrie, j’ai connu Orbán du temps où il appartenait au PPE, il nous avait accueillis somptueusement à Budapest. C’était un jeune libéral qui comptait transformer son pays. Il a ensuite perdu le pouvoir, et quand il y est revenu, il a pris soin de fermer la porte derrière lui. Quant aux Polonais, ils sont déconcertants. Quand on les interroge, ils sont pro-européens, mais ils votent pour le PiS. Ils réussissent à être anti-Russes tout en étant anti-Allemands, bref les élections à venir sont très incertaines. Dans les Balkans, on a une Serbie pro-russe, une Bosnie-Herzégovine complètement divisée mais pro-russe, on voit que le soutien à l’Ukraine de la Roumanie faiblit, bref, on a partout un même mouvement de resurgissement du passé, et d’abandon de ce que Pierre Hassner appelait « le principe d’hypocrisie ». Il est possible de traiter avec des hypocrites, car ils respectent certains principes, et quand ils font du mal, ils le savent et au fond e regrettent. Tout cela est fini, l’heure est désormais à un cynisme roboratif.
Et ce n’est pas qu’en Europe de l’Est, si l’on regarde notre pays, nous avons tout de même Mme Le Pen, M. Zemmour, M. Mélenchon, bref environ la moitié du pays qui est sur des lignes totalement différentes de celles de la majorité et des partis traditionnels.
Cette division au sein de l‘Europe est très grave, car les institutions européennes ont été conçues pour surmonter des divergences secondaires sur un fond de consensus, pas pour gérer un dissensus. Les élections polonaises sont le prochain grand rendez-vous à surveiller de près. Si le PiS l’emporte, les dirigeants polonais s’estimeront en droit de mettre un coup fatal à la démocratie en Pologne, et aux institutions européennes. Attachez vos ceintures, il va y avoir des turbulences ...

Les brèves

Mémorial face à l’oppression russe

Philippe Meyer

"Je voudrais signaler la parution aux éditions plein jour d'un livre d’Étienne Bouche « Mémorial face à l'oppression russe » qui rassemble le fruit d'entretiens avec des personnalités de l'organisation non-gouvernementale Mémorial qui a reçu le prix Nobel 2022, a été empêchée d'agir par un tribunal aux ordres de Vladimir Poutine, et une réflexion sur le rapport de la société russe avec son passé. Etienne Bouche met en lumière la maladie de la mémoire qui affecte la société russe en même temps qu'il analyse l'échec de Mémorial à traiter et plus encore à guérir cette maladie. Nicolas Werth, l'historien de l'Union soviétique et président de Mémorial France parle « d'un livre foisonnant où le lecteur fait la connaissance des principaux acteurs ayant marqué depuis 30 ans Mémorial tout en obtenant de nombreuses clés d'explication sur cette maladie de la mémoire qui caractérise la société russe d'aujourd'hui. »"

Ne réveille pas les enfants

Marc-Olivier Padis

"Pour une personne née après 1962, il est toujours surprenant de voir à quel point la guerre d’Algérie reste dans notre histoire comme un récit souterrain qui ne cesse de resurgir là où on ne l’attend pas. C’est ce qui m’a intéressé dans ce livre d’Ariane Chemin, qui commence comme une enquête journalistique sur un fait divers qui s’est déroulé à Montreux, en Suisse, en 2022 mais qui laisse émerger, dans l’exploration d’une histoire familiale tourmentée, des souvenirs enfouis de cette guerre d’Algérie. En 1955, la résistante française et anthropologue des sociétés méditerranéennes Germaine Tillion fonde en Algérie les Centres sociaux, des lieux destinés notamment à l’éducation des jeunes filles algériennes. Parmi les dirigeants de ces centres sociaux, l’écrivain kabyle Mouloud Feraoun, dont le premier roman, le Fils du pauvre a été publié par les éditions du Seuil en 1950. Il est assassiné par l’OAS le 15 mars 1962. C’est un homme qui aura manqué à la construction de l’Algérie indépendante. Comme le dit un personnage interrogé par la journaliste : « j’avais espéré avoir oublié cette histoire ». « Ne réveille pas les enfants », dit le titre : ne réveille pas les souvenirs. Et pourtant, ils sont là, ils font partie de notre histoire. C’est ce que raconte, à travers un fait divers, cette enquête de la journaliste du Monde."

Prophète en son pays

Richard Werly

"Je vous recommande deux livres, cette semaine, qui sont très différents mais ont en commun le règlement de comptes, en passe de devenir un genre éditorial en soi. Le premier est signé de Gilles Kepel. Il parle de la menace islamiste, l’auteur raconte comment il a été marginalisé par l’université française, et comment son expertise lui a valu l’opprobre de ceux qui ont préféré surfer sur des schémas idéologiques « occidento-tiermondistes » (pour reprendre le terme qu’il emploie). Il profite de ce livre pour régler ses comptes, ce qui a au moins le mérite d’accrocher le lecteur."

Journal janvier-juin 2020

Richard Werly

"De l’autre, le journal d’Agnès Buzyn, qui vient de paraître. Elle y règle aussi des comptes, mais très prudemment : ni avec Edouard Philippe, ni avec Emmanuel Macron. Avec tous les autres en revanche, elle ne se prive pas. Personnellement, ces règlements de comptes littéraires me posent des questions. Encore une fois, le lecteur peut y trouver du plaisir, voire de l’intérêt, mais on a tout de même envie de demander à ces deux auteurs : « et après ? »"

Ramses 2024 Un monde à refaire

Nicole Gnesotto

"Comme tous les automnes, je parle d’un marronnier d’excellence, à savoir le rapport de l’IFRI, qui vient de paraître. C’est un très bon cru, il y a trois focus importants. D’abord, les leçons de la guerre en Ukraine, ensuite l’Inde, pays peu connu en France, et enfin une série de prospectives à plusieurs voix sur le monde à venir. Je trouve que l’édition de cette année est assez différente des autres, en ce qu’il y a de vraies analyses. D’abord sur la militarisation de l’interdépendance, c’est à dire la politique des sanctions en tant qu’arme de politique étrangère. On y trouve aussi un article très éclairant sur les fractures géopolitiques entre l’internet de l’Ouest et l’internet chinois. Et puis, la somme sur l’Inde, qui nous détrompe sur énormément de choses."