Macron et les somnambules - Les illibéraux à l’assaut de l’Europe (#33)

Macron et les somnambules

Introduction

Emmanuel Macron a prononcé mardi 17 avril devant le Parlement Européen à Strasbourg son quatrième discours sur l’Europe en six mois. Qualifiant le lieu de “siège de la légitimité européenne”, le président de la République a défendu un projet europhile incluant davantage de protections en faveur des citoyens de l’Union, se faisant ainsi le leader de la relance du processus d’intégration. Le chef de l’exécutif français a donc promis une forme “institutionnelle et démocratique” nouvelle construite autour d’une feuille de route claire et établie en amont des décisions. Parmi les propositions plus les plus marquantes : majorité qualifiée des Etats membres au sein du Conseil Européen pour éviter les blocages induits par la règle de l’unanimité, parachèvement de l’Union bancaire d’ici à mai 2019, promesse d’une augmentation de la contribution financière française au budget européen et création d’un “programme européen” pour financer les collectivités locales accueillant des réfugiés. Depuis le début de son quinquennat, de nombreuses initiatives du chef de l’Etat français avaient déjà été adoptées à l’échelle de l’Union, telles que la relance de l’Europe de la défense ou l’organisation, partout sur le territoire européen, de “consultations citoyennes”. Consultations lancées par ailleurs à Epinal le jour suivant et avec pour but de “libérer la parole sur l’Europe, redonner confiance aux citoyens et éclairer le débat” sur des problèmes aussi divers que l’harmonisation sociale et fiscale, la protection des données sur internet et la lutte contre les paradis fiscaux. Mais le président français était attendu également sur un plan plus politique après les déroutes des partis pro-européens lors des récentes élections nationales en Autriche, en Italie, en Hongrie etc. Confronté à l’émergence de ces forces europhobes et populistes, le président a dénoncé une “forme de guerre civile” faisant d’une “souveraineté européenne” une des priorités de son quinquennat dans l’optique des prochaines élections de 2019.

Les illibéraux à l’assaut de l’Europe

Introduction

Le dimanche 8 avril, le Hongrois Viktor Orban a été réélu à la tête de son pays avec plus de 48% des suffrages exprimés. Son parti, le Fidesz, lui assure au Parlement une majorité des deux tiers. Au pouvoir depuis huit ans, Orban a basé sa campagne sur les thèmes qui lui ont déjà valu de nombreuses remontrances de Bruxelles. Farouchement anti- immigration, le Hongrois a notamment manifesté son désir d’en finir avec le dispositif continental de répartition des demandeurs d’asile, refusant la politique des quotas et ce qu’il nomme le “diktat” bruxellois. Ainsi devenu chantre européen de la “démocratie illibérale” et d’une forme nouvelle de révolution conservatrice nationaliste, Viktor Orban s’oppose plus largement à l’idée d’une “société ouverte” et à “l’individualisme libéral” menant selon lui à un “multiculturalisme destructeur”. L’Union européenne reste malgré tout un soutien crucial pour le pays qui dépend encore en large partie des fonds structurels européens. Cette notion de démocratie illibérale nous vient de l’américain Fareed Zakaria. Elle désigne un régime qui respecte le principe d’élection et de majorité tout en rejetant d’autres aspects fondamentaux en démocratie tels que l'État de droit, la séparation des pouvoirs ou le multipartisme. En économie, c’est la concurrence qui s’amenuise au profit de monopoles ou oligopoles, souvent népotiques et corrompus. A l’échelle européenne, cette victoire écrasante a créé un véritable malaise politique au sein du Parti Populaire Européen étiqueté centre-droit mais dont le Fidesz d’Orban fait partie depuis 2003. Le chef de file du PPE Manfred Weber a certes félicité le premier ministre hongrois mais c’est à l’extrême droite que les félicitations se sont faites les plus chaleureuses allant de l'islamophobe néerlandais Geert Wilders au populiste italien de la Ligue du Nord Matteo Salvini en passant par les euro-députés de la Alternativ für Deutschland allemande. A l’échelle européenne pourtant, ce que certains politologues ont appelé “l’orbanisation” de la vie politique semble être un modèle de moins en moins isolé. C’est le cas en Pologne, contre laquelle la commission européenne même déclenché l’article 7 du traité européen pour “violation grave à l’état droit” après une réforme liberticide de la justice entamée par la formation nationaliste au pouvoir. Mais ce mouvement de démocraties illibérales n’est pas isolé. En Slovaquie, en République Tchèque, en Croatie ou en Serbie le népotisme et l’opposition à Bruxelles vont de pair et ce malgré une forte dépendance de ces mêmes pays à l’aide européenne...

Les brèves

Milos Forman et Jiří Menzel

Marc-Olivier Padis

"Un mot car nous avons appris la disparition cette semaine de Milos Forman ça me faisait repenser à, à mon avis ses meilleurs films, ceux de la période où il était encore en République Tchèque « Les amours d’une blonde ». Ca me fait penser à tous ces mouvements culturels des années 60 qu’il y a eu dans ces pays de l’Est à un moment donné où le couvercle s’est un peu ouvert, il y a eu tout un cinéma extraordinaire à ce moment là. Tous les cinéastes ne sont pas partis à l’Ouest à cette période. Il y avait par exemple un grand cinéaste dont je voudrais rappeler l’œuvre, qui s’appelle Jiří Menzel. Il faisait des très bons films mais il est resté lui du côté Est et qui n’a donc pas donné toute sa mesure"

La falaise des fous de Patrick Grainville

François Bujon de L’Estang

"Je reste en France, Patrick Grainville vient d’être élu à l’Académie Française et cette élection coïncide avec la sortie de son livre qui s’appelle La falaise des fous au Seuil qui est peut-être son ouvrage le plus riche et le plus ambitieux. C’est un roman très substantiel qui se passe à Etretat, d’où la falaise. C’est la falaise de la folie et cette folie c’est celle de la création et que les véritables héros de ce livre, qui a bien entendu une intrigue dont le héros principal est natif d’Etretat, ce sont Courbet et Manet. Et le vrai sujet de ce livre est la peinture. Il y a peu de romans qui s’efforcent ainsi d’entrer aussi profondément dans la technique et dans l’âme de la peinture avec énormément de couleurs comme dans les tableaux et un certain lyrisme. Le livre est d’autant plus riche qu’il couvre la fin du 19ème siècle et le début du 20ème siècle et qu’il traverse autant les funérailles de Victor Hugo, la mort de Guy De Maupassant, l’affaire Dreyfus, la première Guerre Mondiale et la vie dans les tranchées, le tout à la lumière de la peinture de Monet et de la force de celle de Courbet. "

Ca va pas la tête! de Danièle Tritsch et Jean Mariani

Nicole Gnesotto

" Une fois n’est pas coutume, je vais parler de sciences et de médecine avec un ouvrage très intéressant de deux chercheurs médecins sur les illusions du transhumanisme. Ca s’appelle Ca va pas la tête avec en sous-titre cerveau, immortalité et intelligence artificielle : l’imposture du transhumanisme, c’est sorti chez Belin y’a deux mois et c’est écrit par Jean Mariani et Daniel Tritsch qui sont deux médecins praticiens de la Pitié Salpêtrière. Ce qui est très intéressant, c’est que pour un néophyte comme moi on apprend les extraordinaires progrès sur la connaissance du cerveau dans ces 50 dernières années. Deuxièmement, l’extraordinaire masse de choses qu’on ne connaît pas encore sur le cerveau et qui reste à découvrir et troisièmement, malheureusement, on ne vieillirait pas très longtemps pendant deux siècles, beaux et belles, sans maladie etc. Tout cela fait partie de très grandes illusions. Donc c’est un livre vraiment intéressant même s’il est un peu désespérant quand on atteint un certain âge "

La tentation radicale d'Olivier Galland et Anne Muxel

Jean-Louis Bourlanges

"Je voudrais saluer l’enquête qui vient de paraître d’Olivier Galland et Anne Muxel sur la tentation radicale, une enquête auprès des lycéens, ce sont d’excellents chercheurs qui ont fait un travail d’une extrême rigueur. Alors ça n’est pas un livre qui analyse le processus de radicalisation d’un certain nombre de gens, ça n’est pas un livre qui mesure quantitativement la radicalisation, au contraire il a créé un échantillon qui valorise des populations à risque pour avoir un échantillon suffisamment abondant pour faire des études. Mais c’est un livre qui analyse toutes les formes de radicalisation religieuses, cognitives ou politiques avec aussi les théories complotistes. Alors c’est un premier pas, ça ouvre vraiment la voie à une recherche. Et je trouve qu’il faudrait le compléter par un second livre par une seconde enquête sur quelque chose qui à mon avis est au cœur de nos difficultés qu’est la tentation fragmentaire, pourquoi les sociétés politiques se dissolvent ? Pourquoi small devient de plus en plus beautiful ? "