Merkel en difficulté; May entre deux chaises (#42)

Merkel en difficulté

Introduction

Mardi 19 juin, lors du conseil des ministres franco-allemands qui se tenait à Meseberg non loin de Berlin, le président français et la chancelière allemande ont signé un accord de principe sur l’avenir de l’Europe. Pour Angela Merkel, ce texte apporte à la construction européenne des “réponses que l’on attend depuis pas mal de temps” jugeant qu’elle-même et son homologue français ont ouvert “un nouveau chapitre pour l’Union Européenne”. L’accord de Meseberg prévoit d’ici à 2021 la création d’un budget de la zone euro dont le volume et la gouvernance restent à définir avant la fin de l’année. Ce budget devra permettre la convergence des économies et la stabilisation en cas de crise grâce à un Fonds Monétaire Européen résultant de la réforme du Mécanisme de Stabilité. Angela Merkel s’est prononcée en faveur de “listes transnationales” pour les élections européennes de 2024 et a soutenu l’idée d’une “initiative européenne d’intervention” sorte d’Europe de la Défense à laquelle devrait participer une dizaine d’armées européennes. A propos de la crise migratoire, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont répété une nouvelle fois leur volonté d’agir dans le pays d’origine, de renforcer le contrôle aux frontières et de revoir le système d’asile. Mais avant de pouvoir mener à bien ses projets européistes, Angela Merkel devra trouver une solution à la crise politique qui mine la coalition au pouvoir. En effet, face à la percée du parti d’extrême droite AfD, la CSU bavaroise veut se montrer ferme craignant de perdre sa majorité au parlement régional. Horst Seehofer, ministre de l’intérieur et président de la CSU, a lancé un ultimatum à la chancelière, lui laissant deux semaines pour négocier une solution à la question migratoire. Faute de quoi le ministre menace de refouler tous les migrants se présentant aux frontières allemandes. Si la chancelière a promis de tout faire pour négocier des accords européens sur la question, elle a rejeté l’idée du “rejet automatique” porté par son ministre, considérant que la cohésion de l’UE était en jeu. Symbole fort de cette crise politique, les travaux parlementaires du Bundestag ont dû être interrompus jeudi 14 juin, pour permettre à la CDU et à la CSU de se réunir séparément. Si le parti-chrétien démocrate fait bloc derrière la chancelière qui s’est dite “renforcée”, de nouvelles élections pourraient avoir lieu.

May entre deux chaises

Introduction

Alors que la sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union Européenne est prévue pour le 29 mars 2019, les négociateurs sont loin d’avoir établi les modalités de rupture, malgré l’obtention d’une période de transition demandée par Theresa May. Londres a dû accepter de s’acquitter de toutes ses obligations budgétaires. Sur l’immigration, les droits des continentaux expatriés au Royaume Uni et ceux des Britanniques installés sur le continent pendant la période de transition, du 30 mars 2019 au 31 décembre 2020 seront maintenus. C’est une concession de taille de la part de Londres alors que toute la campagne du Brexit en 2016 dénonçait l’arrivée massive de citoyens européens en Grande Bretagne. La question des deux Irlande reste un des enjeux majeurs de la négociation. Le Brexit faisant de facto de cette frontière, disparue depuis l’accord de paix de 1998, une frontière extérieure de l’Union Européenne. D’un point de vue commercial, ni Londres, ni Dublin ou Bruxelles ne veulent remettre en cause la fluidité des échanges. 45% des exportations britanniques vont vers l’Union Européenne ; 17% des exportations de l’Union sont à destination du Royaume Uni. Pourtant, Theresa May a vu rejeter sa proposition de maintenir non seulement Dublin mais aussi Londres dans une forme d’union douanière, ce qui a failli entrainer la démission du ministre du Brexit David Davis. Theresa May a dû souhaité que l’avenir du commerce euro-britannique soit établi par la signature bilatérale d’un accord de libre-échange. D’autres sujets de contentieux restent également à traiter comme la gouvernance politique ou la protection des services financiers. Les Britanniques étant soucieux de défendre les intérêts de la City. Si le texte proposé par Theresa May a été voté mercredi, la Première ministre doit jouer constamment les équilibristes entre les deux ailes de son Parti. Bruxelles s’inquiète de cette instabilité chronique, d’autant que d’autres batailles parlementaires se profilent à l’horizon avec notamment en juillet un nouveau probable sujet de division : la fin de l’union douanière avec l’Union Européenne…

Les brèves

La Fontaine chez les collégiens

Jean-Louis Bourlanges

"Moi je voulais saluer l’initiative de notre ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui a décidé de donner à tous les élèves qui accèdent au collège un recueil des fables de La Fontaine par Joan Sfar. Je crois que c’est très intéressant parce que ça révèle deux choses chez Jean-Michel Blanquer. Première chose, la volonté de rétablir un rapport positif et massif des collégiens de France avec la littérature classique, avec ce qu’il y a de plus beau, La Fontaine est un des plus magnifiques poètes de notre littérature et de notre histoire littéraire. Et deuxièmement, c’est quand même, et je suis sensible à ça, un démenti à Jean-Jacques Rousseau. Puisque Jean-Jacques Rousseau dans l’Emile, condamnait l’utilisation des fables de La Fontaine comme instrument pédagogique au nom d’un idéalisme qui m’a toujours paru assez suspect et là je crois qu’il y a un signe de macronisme discret dans le fait qu’on donne à tous les collégiens de France, le manuel du réalisme et d’un réalisme civilisé de ce que sont ces fables. C’est le triomphe de Philinte sur Alceste et c’est une contribution importante à ce qu’on appelle aujourd’hui à gauche « le vivre ensemble »."

Exodus, Reckoning, Sacrifice: Three Meanings of Brexit de Kalypso Nicolaidis

Lucile Schmid

"Moi je voulais parler des travaux de Kalypso Nicolaidis qui est une professeure de relations internationales, qui dirige les recherches européennes à Oxford et qui comme son nom l’indique est française. Elle a publié un ouvrage très intéressant justement sur le Brexit et qui s’appelle « Exodus, Reckoning, Sacrifice: Three Meanings of Brexit ». Elle essaye de mettre en relation le Brexit avec des mythes de la mythologie grecque pour expliquer pourquoi au fond c’est un événement politique extrêmement pluriel. Il renvoie à l’idée d’exode par rapport à l’Angleterre qui avait une position si particulière dans l’Union Européenne, à l’idée de reckoning et d’au fond « qu’est ce que ça nous a apporté », avec ce slogan de « I want my money back » Et puis il y a aussi ses bénéfices puisque quand on veut être soi-même puissant, il faut se séparer de quelques choses qui est devenue au fond indéfinissable. Je trouve que ses travaux sont très intéressants. "

Art de Yasmina Reza

Nicole Gnesotto

"Je suis dans ma période théâtre et après Le Fils de Florian Zeller, je voudrais vanter les mérites de Art, la pièce historique de Yasmina Reza qui repasse au théâtre Antoine dans la même mise en scène que celle de 1994. Je n’avais pas vu la première version avec Lucchini, Arditi et Vaneck qui avait défraillé la chronique. J’ai vu la seconde version avec Jean-Pierre Darroussin qui a eu le Molière d’interprétation masculine, Charles Berling et Alain Fromager. Je trouve que cette version qui est pour moi la première est tout à fait drôle, irrésistible, c’est une pièce de boulevard intellectuelle, ce qui est assez rare quand même pour être noté."

Quatuors de Charles Gounod

François Bujon de L’Estang

"La fin de la semaine qui vient de s’écouler était celle de la fête de la musique donc je vais faire un brève musicale en recommandant une curiosité discographique qui vient de sortir. L’année 2018 est l’année Gounod et voilà que vient de sortir aux éditions Aparté Musique, l’intégrale des quatuors à corde de Charles Gounod qu’on avait jamais enregistré. Gounod ne les aimait pas, il les avait rangé dans un tiroir et quand son copain Saint-Saëns est venu le voir un jour, il lui a dit « qu’as tu fait de beau ces temps-ci », Gounod lui répondit : « je viens d’écrire des quatuors mais ils sont mauvais, je ne te les montrerai pas ». On vient de les enregistrer donc, c’est un enregistrement intéressant qui regroupe les 5 pièces jouées par le quatuors Cambini Paris. Cela mérite d’être écouté car c’est une nouveauté néo-classique."

Loi Paris-Lyon-Marseille

Philippe Meyer

"- Je vais ouvrir la séquence des brèves en rappelant qu’on commence à évoquer telle ou telle candidature pour les élections municipales de 2020 ici ou là à Paris, à Lyon ou à Marseille. Mais personne ne parle de la loi scélérate qui fait que les habitants de ces trois villes ne votent pas pour leur maire mais pour un collège d’électeur. C’est la loi Paris-Lyon-Marseille qui a été fabriquée dans les cuisines de François Mitterrand pour sauver la peau de Gaston Deferre, ce qu’elle a d’ailleurs fait à Marseille, elle avait été dénoncée avec indignation par la droite et Jacques Chirac qui s’en est servi après avoir ajouté deux secteurs nouveaux à Marseille pour sauver la peau de Monsieur Gaudin qu’elle a d’ailleurs sauvé. C’est une loi qui permet qu’on soit élu avec une minorité. Pourquoi est-ce que les parisiens, les marseillais, les lyonnais n’ont pas le droit d’élire directement leur maire ? Pourquoi est-ce qu’il faut qu’on en arrive à des combinaisons de cette nature ? Pourquoi est-ce qu’un système qui nous a si profondément indigné quand aux Etats-Unis il a permis l’élection de Georges Bush Junior contre celle d’Al Gore alors que Bush était minoritaire en voix tout comme Trump ? Pourquoi faut-il qu’il y ait indignation de ce côté-ci de l’Atlantique et résignation de l’autre côté ? Personnellement, je suis pour certaines initiatives, et je crois que je vais contribuer à l’une d’entre elles, pour que ces lois scélérates soient abolies."