L'Italie
Introduction
Marc Lazar vous êtes professeur des universités en histoire et sociologie politique à Sciences Po et à la Luiss de Rome, vous dirigez le groupe de recherche pluridisciplinaire sur l’Italie contemporaine au CERI et vous êtes, depuis 2014, directeur du centre d’Histoire de Sciences Po Paris. Spécialiste de la péninsule mais aussi de l’extrême gauche, vous avez dirigé L’Italie contemporaine : de 1945 à nos jours publié chez Fayard en 2009 et L’Italie des années de plomb, 1969-1982 publié chez Autrement en avril 2010 en collaboration avec Marie-Anne Matard-Bonucci. Depuis les élections législatives du 4 mars dernier, l’Italie traverse une zone de turbulence politique. La loi électorale adoptée en 2017 n’a pas permis à une majorité parlementaire de se dégager. Deux forces politiques ont émergé de ces élections au détriment des partis traditionnels comme le Parti Démocrate, totalisant à elles seules 69% des voix. L’extrême droite emmenée par la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement 5 étoiles de Luigi Di Mario sont sortis vainqueurs et ont dû composer. Ils ont désigné le juriste Giuseppe Conte comme chef du gouvernement. Cette désignation est intervenue après que Sergio Mattarella, président de la république a opposé son veto, à la nomination de Paolo Savona, eurosceptique convaincu, au ministère des finances, estimant que cette nomination allait à l’encontre des principes de l’Union Européenne inscrits dans la constitution italienne. Sergio Matterella avait confié à Carlo Cottarelli, ancien économiste du FMI et grande figure de l’austérité budgétaire, la formation d’un gouvernement de techniciens qui s’est vu refuser le vote de confiance au parlement, ne survivant que quelques heures sur la scène politique italienne. Après d’âpres et nouvelles négociations, Giuseppe Conte a finalement pu se présenter avec un nouveau projet de gouvernement approuvé, cette fois, par Sergio Mattarella. Il a été et investit le 31 mai dernier. Cette relative stabilisation politique a rassuré les marchés mondiaux, notamment après que le nouveau ministre de l’économie Giovanni Tria a déclaré qu’il n’envisageait pas une sortie de l’euro. Ce gouvernement populiste et europhobe, désormais au pouvoir, doit son succès en partie à la précarité économique d’une Italie divisée entre un Nord prospère et un Sud miné par le chômage et la fuite des jeunes. Mais la crise économique n’est pas la seule responsable : l’importante vague migratoire qui touche le pays a participé à la montée des forces populistes et anti-système. Début juin, le gouvernement a dû faire face à sa première crise interne alors qu’un scandale de corruption éclatait à Rome. L’affaire a éclaboussé le Mouvement 5 étoiles dont le mot d’ordre durant la compagne était « honnêteté, honnêteté, honnêteté ». La presse a réagi avec d’autant plus de véhémence aux affaires touchant le MS5 que celui ci est né du rejet des classes politiques corrompues, promettant l’émergence d’une nouvelle politique, plus transparente. Le nouveau gouvernement est aussi attendu sur les questions migratoires alors qu’en juin dernier Matteo Salvini, nouveau ministre de l’intérieur, invoquant le manque de solidarité européenne, avait réussi à faire accoster l’Aquarius, navire transportant 630 réfugiés, sur les côtes espagnoles. Cette nouvelle politique italienne, refusant catégoriquement de servir de terre d’accueil aux réfugiés, a également mis en exergue les nombreuses divisions européennes sur la question. Devant la difficulté de trouver un accord à 27, le sujet a occupé une place prépondérante lors du sommet européen du mois de juin. Les tensions sont vives, notamment entre Paris et Rome qui se trouvent désaccord sur de nombreux sujets allant de la ligne de TGV Lyon Turin à l’accueil des migrants. Mais la nouvelle politique italienne déplait également à Berlin, inquiet de voir l’Italie faillir à ses engagements budgétaires et mettre en péril la zone euro…