La régulation du commerce international
Introduction
Pascal Lamy vous êtes passé par HEC, Sciences Po et l’ENA. Vous dirigiez le cabinet de Jacques Delors, président de la commission des communautés européennes lors des différents G8 entre 1985 et 1994. Après avoir participé à la relance du Crédit lyonnais, vous le dirigez jusqu’en 2004. Vous devenez ensuite commissaire européen au commerce international puis directeur général de l’OMC de 2005 à 2013. Aujourd’hui, vous êtes le président émérite de l’institut Jacques Delors, think tank européen fondé en 1996. Avec le rattrapage en 2018 des 3.000 milliards de dollars perdus entre 2014 et 2016, le commerce international semble retrouver une certaine vigueur sur fond de retour de la croissance économique mondiale. Toutefois, en 2017, l’OMC, soulignant cette amélioration substantielle des perspectives globales, mettait en garde contre les dangers menaçant les fondements du libre-échangisme. Si le PIB mondial devrait croître de 3,9 % en 2018 et 2019, les risques commerciaux et financiers qui s’accumulent depuis le début de l’année entraînent de fortes turbulences boursières et constituent, pour le FMI, des risques pour la croissance. Dans ce contexte, la coopération internationale est d’autant plus nécessaire qu’elle est remise en cause par la stratégie protectionniste du président américain qui a décidé de surtaxer les importations d’acier et d’aluminium venues de Chine ou d’Europe arguant que la concurrence dans ces secteurs menaçait l’intégrité économique des États-Unis Les victimes de cette décision ont répliqué en imposant des restrictions sur certains produits américains emblématiques comme le Bourbon ou les Harley- Davidson. Bien que, pour le moment, ces mesures aient eu un impact limité, elles pourraient mener à un repli protectionniste qui pèserait sur la croissance de nombreux pays, d’autant plus que les États-Unis sont encore au premier rang des importations et au deuxième rang des exportations dans le commerce international. Des effets dits de « détournement » pourraient apparaître, générant de nouveaux rapprochements commerciaux pour pallier l’isolement relatif des américains. Bruxelles, vent debout contre les menaces américaines, a d’ailleurs entamé une procédure d’arbitrage à l’OMC. L’UE tente ainsi de maintenir Washington dans le giron international alors que la rumeur d’un accord bilatéral sino-américain pourrait saborder l’économie européenne. Lors du sommet du G7 en juin, les partenaires ont tenté de proposer des solutions susceptibles de préserver le multilatéralisme. Bien que le communiqué final ait souligné le besoin de réformer l’OMC, dont les institutions sont demeurées inchangées depuis l’adhésion de la Chine en 2001, les critiques de ses partenaires et notamment du Premier ministre canadien Justin Trudeau, ont amené Donald Trump a retirer sa signature. Le président américain, jugeant l’OMC obsolète voire « désastreuse » avait d’ailleurs promis le retrait de son pays des accords de Marrakech en cas d’échec des négociations. De l’autre côté du Pacifique, l’Organisation de Coopération de Shangai, l’OCS, qui réunit la Chine, l’Inde, la Russie et le Pakistan, faisait figure de contre- sommet, Vladimir Poutine déclarant face à ce qu’il a qualifié « d’enfantillages »: « L'OCS ne fait plus profil bas (…) Nous avons pris conscience que nous pouvions faire de grandes choses »…