Le Yemen et l'Arabie Saoudite
Introduction
Stéphane Lacroix vous êtes docteur en sciences politiques, vous avez obtenu deux maitrises l'une en langue et civilisation arabe à l'INALCO et l'autre en mathématique à l'université Paris 6. Vous avez reçu le prix de thèse de l'association française de sciences sociales des religions. Tantôt chercheur à l'université de Stanford, tantôt chercheur invité au centre d'études et de documentation économiques, juridiques et sociales du Caire, vous êtes aujourd'hui professeur associé à l'Ecole des affaires internationales de Sciences Po et chercheur au CERI. Vos travaux portent sur lǯautoritarisme politique et les résistances quǯil génère. Votre livre « Les islamistes saoudiens, Une insurrection manquée » sǯest vu décerner le prix de meilleur livre sur le Moyen Orient en2011 par le magazine Foreign Affairs. Laurent Bonnefoy vous êtes docteur en sciences politiques et diplômé deSciences Po. Ancien consultant pour lǯInternational Crisis Group, et chercheur post-doctorant à lǯInstitut de recherches et dǯétudes sur le monde arabe etmusulman, vous avez enseigné à Tours et Sanaa, la capitale du Yémen. Vous êtes aujourdǯhui chargé de recherche au CNRS. Vos recherches en cours seconcentrent sur les processus révolutionnaires dans la péninsule arabique contemporaine et plus particulièrement sur lascène politique yéménite. Depuis 2004, le Yémen est en proie à une guerre civile où se mêlent enjeux nationaux, régionaux et internationaux plongeant le pays dans lǯune des pires catastrophes humanitaires dece début desiècle.La population yéménite est largement musulmane etse partage entre une majorité sunnite et une forte minorité chiite. Après sǯêtre divisé, après le renversement dela monarchie en 1962,enune République Arabe du Yémen, au nord et, au sud, une République Populaire du Yémen, marxiste et révolutionnaire, le pays sǯest réunifié après lǯimplosion delǯURSS. Son premier président Ali Abdullah Saleh devant rassembler dans une même coalition les deux principaux partisdu nord etdu sud. Mais lǯinstabilité persiste et, en 2004, année des chiites dela communauté Houthis entrent en conflit avec le pouvoir en place et attaquent Sanaa, avec lesoutien de lǯIran chiite. En 2009, lǯArabie saoudite à inquiètede lǯémergence dǯun mouvement chiite pro-iranien à sa frontière sud et intervient militairement, en accusant lǯIran de vouloir déstabiliser le pays. Le conflit sǯinscrit dès lors dans unaffrontement entre les deux puissances régionales. En janvier 2011, leǮprintemps arabeǯ débute pour le Yémen alors que les manifestations contre lePrésident Saleh sont rejointes par les rebelles Houthis. En novembre, Saleh est contraint de signer un accord de transition rédigé par leConseil de Coopération du Golfe et les Nations Unies. Cet accord prévoyait entre autres le transfert du pouvoir exécutif au vice-président sunnite Abdrabbo Mansour Hadi, éluprésident en 2012. Les tensions ne sǯapaisent pas pour autant mais se concentrent désormais autour de revendications territoriales : les Houthis souhaitantlacréation dǯune région propre au nord et dotée d'un accès privilégié à la mer rouge. En 2014, les rebelles rejettent la proposition dela Conférence de Dialogue National dǯune fédération de six provinces et continuent dǯétendre leur influence jusquǯà placer sous leur contrôlela plus grande base aérienne du pays, lǯaéroport dǯAden etle port de Mocha sur la mer Rouge. Leprésident Hadi est alors contraint à lǯexil à Ryad, capitale de lǯArabie Saoudite. En mars 2015, face à lǯenlisement dela situation, une coalition soutenue par les États-Unis, formée de 9 pays arabes et conduite par lǯArabie Saoudite lance ses premiers raids aériens et instaure un blocus maritime autour du pays. Sile but officiel de cette coalition est de rétablir lǯordre afin de permettre leretour duprésident Hadi, lǯArabie Saoudite y trouve son intérêt. Dǯabord politique en empêchant la rébellion chiite de prendre le contrôledu pays mais aussi stratégique puisque le Yémen dispose dǯun accès direct au détroit de Bab el-Mandeb par lequel transitent les flux de pétrole allant du Golf Persique vers lǯOuest. Au delà de lǯaccès aux routes maritimes, les Saoudiens cherchent à prendre le contrôlede lǯHadramout, région la plus vaste du Yémen afin dǯy construire unoléoduc qui leur permettrait dǯexporter leur pétrole encontournant lǯIran etle détroit dǯOrmuz. Pour ajouter à la complexité dela situation, des combattants dǯAQPA, Al-Qaïda dans la péninsule arabique sont désormais présents dans le pays après lafusion des branches saoudiennes et yéménites dǯAl-Qaïda. Stéphane Lacroix et Laurent Bonnefoy a-t-on pris la mesure de ce qui se joue au Yémen, qu'il s'agisse du sort des populations ou des ambitions qui s'y disputent ?