Arménie : un pays à ne pas négliger
Introduction
Michel Marian, vous êtes ancien élève de la rue d’Ulm, agrégé de philosophie et ancien élève de l’Ena. Comme haut-fonctionnaire, vous avez essentiellement travaillé dans les domaines de l’éducation et de la culture tout en enseignant à Sciences-Po. Une partie de votre famille, arménienne, a compté parmi les victimes du génocide de 1915 sur lequel vous avez écrit nombre d’articles et à propos duquel vous avez publié en 2009, chez Liana Lévi un dialogue avec un éditeur et politologue turc, Ahmet Insel. Vous revenez d’Erevan, où s’est tenue le sommet de la francophonie. Avec vous, nous allons essayer d’éclairer, au-delà de cette manifestation qui a vu l’élection à la tête de l’organisation internationale de la francophonie de la Rwandaise Louise Mushikiwabo, la situation particulière de l’Arménie. 84 États et leurs représentants dont 36 sont membres de l’OIF. Parmi eux, l’Arménie a été l’objet d’une particulière attention. Non seulement en tant que pays hôte mais aussi pour avoir connu au printemps un renversement politique inédit qui est venu mettre en cause un système politique mis en coupe réglée par le parti républicain d’Arménie (HHK) depuis l’indépendance en 1991. En effet les larges manifestations populaires et la grève générale provoquées par la tentative de coup de force institutionnel du président Serge Sarkissian en avril 2018 ont abouti à la démission de ce dernier le 23 avril et, le mois suivant, à l’accession aux fonctions de Premier ministre du principal chef de file de l’opposition démocratique, Nikol Pachinian. Le nouveau Premier ministre a obtenu difficilement, la dissolution du parlement unicaméral et l’organisation d’élections anticipées qui auront lieu le 10 décembre selon un système électoral complexe. Si la croissance économique du pays devrait atteindre 7,5% cette année, un des enjeux de ces élections sera la meilleure répartition des fruits de cette croissance qui sont aujourd’hui largement monopolisée par un petit groupe d’oligarques au népotisme desquels le Premier ministre Pachinian a assuré vouloir mettre fin. A la différence des révolutions de couleur qu’ont connu certaines anciennes républiques soviétiques depuis les années 1990, la révolution de velours arménienne n’a pas exprimé d’hostilité marquée à l’égard de la Russie. Pour autant, la présence d’une base militaire russe en Arménie et son appartenance à l’Union économique eurasienne font de l’Arménie un allié privilégié pour la Russie qui a adoptée une position diplomatique réservée au moment de la révolution mais qui entend y conserver ses intérêts aussi bien que son influence. Enfin la mémoire du génocide de 1915 a joué un rôle non négligeable dans le regroupement populaire autour de Nikol Pachinian.
CETTE EMISSION A ETE ENREGISTREE AVEC LE SOUTIEN DE MMA.