La septième croix

Brève proposée par Béatrice Giblin dans l'émission Projet de la convention citoyenne sur la fin de vie / La Turquie dans la perspective des élections / n°293 / 16 avril 2023, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

La septième croix

Béatrice Giblin

"Le roman que je vous recommande a été écrit en 1938 et publié en 1942. Il est signé d’Anna Seghers, écrivaine communiste et juive, et je viens seulement de le découvrir. Il a récemment été réédité et la traduction de Françoise Toraille est remarquable. L’auteure s’est réfugiée en France en 1933, et a dû quitter la France un peu plus tard. Au milieu des années 1930, sept prisonniers communistes allemands s’évadent d’un camp. Le commandant fait construire sept croix, sur lesquelles ils seront suppliciés car il est convaincu qu’il va les retrouver tous les sept. Il en récupérera six, et la septième croix restera vide. Le roman raconte l’histoire de ce fugitif, qui essaie d’échapper à ceux qui le traquent. C’est absolument remarquable dans la description de la lâcheté, de la médiocrité d’une grande partie des gens, mais aussi dans l’héroïsme de quelques-uns. Extrêmement émouvant."


Les autres brèves de l'émission :

La verticale de la peur : ordre et allégeance en Russie poutinienne

Philippe Meyer

"Je vous recommande ce livre de Gilles Favarel-Garrigues, aux éditions La Découverte. L’auteur est directeur de recherches au CNRS, spécialiste de la délinquance, de la justice et de la police en Russie. Il entre dans les détails d’une enquête sur le terrain, et il faut reconnaître que ceux-ci peuvent être stupéfiants, je pense à tout ce qui concerne les huissiers. Surtout il décrit le maillage entre l’idéologie despotique et la corruption, qui est poussée à un point que le régime soviétique ne pouvait pas se permettre. La destruction du système communiste a ajouté du cynisme à la corruption, on a désormais l’impression que tous ces corrupteurs ont fait de hautes études de commerce, et manient la corruption avec une finesse et une efficacité glaçantes. "


Tableaux pluriels : voyage parmi les polyptyques d’hier et d’aujourd’hui

Lionel Zinsou

"Je vous conseille un bon auteur, habituellement connu pour autre chose que sa plume : Laurent Fabius. Il ne fait pas que du droit constitutionnel, mais de plus en plus d’histoire de l’art, et dans sa vie personnelle de plus en plus de peinture. Et comme il aime les grands formats et qu’il a un petit atelier, il divise ses tableaux. Il est donc allé étudier les polyptyques. Le sujet de ce livre est certes un peu élitiste, mais vous avez ainsi un panorama des polyptyques depuis l’Antiquité. C’est très érudit, et il est toujours agréable de savoir que les constitutionnalistes sont aussi d’excellents historiens de l‘art. "


Vassili Grossman

Nicolas Baverez

"Le polyptyque que je vous recommande est littéraire : il s’agit de la publication par Calmann-Lévy d’un formidable ensemble de textes de Vassili Grossman. Il y a d’abord les deux livres sur la bataille de Stalingrad : Pour une juste cause, et Vie et destin. Ce sont des livres extraordinaires, et à ma connaissance les seuls où l’on décrit la vie des camps à la fois côté nazi et côté stalinien. Il y a aussi les correspondances de guerre, et un autre grand roman, Tout passe, sur la libération d’un prisonnier des camps. L’ensemble est vraiment formidable, et relire cela à la lumière de ce qui se passe en Ukraine est très impressionnant."


Voyage au bout de la gauche : des guerres fratricides à la Nupes, la folle histoire d’une renaissance

Jean-Louis Bourlanges

"Je vous conseille ce livre de Laurent Telo. Quiconque s’intéresse à la politique française le trouvera très précieux, car il montre de façon très vivante (et souvent très drôle) la façon dont la gauche s’est littéralement effondrée autour de la candidature de Mme Hidalgo (parallèlement à celle de Mme Pécresse à droite), et la façon dont M. Mélenchon a réussi a réussi par son talent personnel et son intelligence tactique, à reconstituer une gauche unie, essentiellement autour de lui-même, alors que ce que représente la Nupes est en rupture assez profonde avec les valeurs traditionnellement représentées par la gauche. L’éclairage mis sur tout cela est bienvenu dans une période où la gauche s’interroge sur la pertinence du modèle incarné par la Nupes. Pour réfléchir à l’avenir, s’interroger sur ce passé immédiat sera très utile. "