"Il y a des auteurs dont l’œuvre se transmet le long d’un chemin d’affection qui va de lecteur en lecteur. Alexandre Vialatte est de ceux-là, et le très britannique Chesterton, que Borges citait comme l’un de ses principaux maîtres et que son contemporain, ami et adversaire George Bernard Shaw décrivait comme un homme d’un génie colossal. Comme toujours, avec George Bernard Shaw, l’éloge comportait une pique car Chesterton avait l’appétit, et donc le physique d’un ogre. Il mesurait 1,93 mètre et pesait 130 kilos. Shaw, lui, était si maigre que Chesterton lui dit un jour qu’à le voir, on en déduirait que la famine sévit au Royaume-Uni et Shaw de lui répliquer, « à vous voir, on pourrait penser que c’est vous qui en êtes la cause ». Politiquement, Chesterton soutenait que « Le monde s'est divisé entre Conservateurs et Progressistes. L'affaire des Progressistes est de continuer à commettre des erreurs. L'affaire des Conservateurs est d'éviter que les erreurs ne soient corrigées » Il portait une attention particulière et affectueuse à la tradition, qu’il justifiait ainsi : « La Tradition étend le droit de suffrage au Passé. C'est le vote recueilli de la plus obscure de toutes les classes, celle de nos ancêtres. C'est la démocratie des morts. La tradition refuse de se soumettre à la petite oligarchie arrogante de ceux qui n'ont rien fait d’autre que naître. Les démocrates n'admettent pas que des hommes soient disqualifiés du fait de leur naissance ; la tradition n'admet pas qu'ils le soient du fait de leur mort. La démocratie nous interdit de négliger l'opinion d'un honnête homme, même s'il est notre valet de chambre. La tradition nous requiert de ne pas négliger l'opinion d'un honnête homme, même s'il est notre père. »"