Récits de certains faits

Brève proposée par Marc-Olivier Padis dans l'émission Arrestation du patron de Telegram : machination, abus de pouvoir, ou début de régulation ? / Un Premier ministre longtemps attendu et attendu au tournant / n°367 / 8 septembre 2024, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Récits de certains faits

Marc-Olivier Padis

"Pour cette rentrée littéraire, ma curiosité m’a attiré vers cet ouvrage de Yasmina Reza. Les « faits » du titre sont de deux natures différentes. D’une part, l’auteure a suivi beaucoup d’audiences de procès d’assises, et d’autre part, elle raconte des évènements de la vie quotidienne, des rencontres, des dialogues, de petits morceaux de vie. La juxtaposition est réussie, j’ai trouvé le livre très fort. Quand elle parle des procès, il ne s’agit pas de compte-rendus d’audience, pour relier le contenu des audiences à des phénomènes sociétaux, mais au contraire l’auteure affirme tranquillement un discours personnel et littéraire, face au discours judiciaire. Ce faisant, elle montre à quel pont un point de vue subjectif peut changer les perspectives, en parallèle du récit construit par l’institution judiciaire. "


Les autres brèves de l'émission :

Pompes funèbres : les morts illustres 1871-1914

Philippe Meyer

"Je voudrais signaler le dernier livre de Michel Winock, Pompes funèbres. S'appuyant sur Michelet qui définissait l'Histoire comme une résurrection, Winock à travers le récit de la mort et des funérailles d'une vingtaine de personnages capitaux, donne à voir l’essentiel de leur vie, et propose une histoire cursive et alerte de la IIIème République. On y trouvera des visites à de grands écrivains : Hugo. Zola, Jules Vallès, Péguy, tous mêlés à la vie politique de leur temps, de grands intellectuels, Michelet, (enterré trois fois),  Renan, Pasteur, des acteurs capitaux des nombreux combats de l’époque, Gambetta, Thiers, Jaurès, des méconnus comme Sadi Carnot et des défavorablement connus comme Félix Faure, d’admirables oubliés, comme Louis Rossel, le patriote intransigeant, des féministes, révolutionnaire, comme Louise Michel, réformatrice, comme George Sand, hésitante, comme Louise Colet. « Je ne propose pas ici une haie d'honneur, écrit Winock je retrace à grands traits l'existence d'une vingtaine de personnalités qui ont compté dans notre histoire, sans brûler l'encens et sans agiter le fouet. Je ne cache pas pour autant mes sympathies et, plus rarement, mes répulsions. Car ces morts vivent en moi, même si je ne veux pas me laisser prendre au mirage du passé ». Ce tranquille mélange d’érudition et de conviction est la marque du biographe, de Clémenceau, de Flaubert et de Madame de Staël …"


Houris

Béatrice Giblin

"Je vous recommande le dernier roman de Kamel Daoud. L’auteur est désormais exilé en France, puisqu’il est interdit d’aborder un certain nombre de sujets en Algérie, dont celui de la guerre civile et des années de plomb, dont parle ce livre. Le roman n’est pas parfait, certains trouvent son style très poétique, pour ma part je le trouve un peu alambiqué. Le livre me paraît pourtant nécessaire, c’est un combat contre l’oubli, car toute nation qui met ses tragédies sous le tapis sera rattrapé par elles un jour ou l’autre. "


Houris

Nicolas Baverez

"Nous ne nous étions pas concertés pour ces brèves, et j’avais moi aussi prévu de vous recommander le livre de Kamel Daoud. Sa lecture tombe d’autant plus à pic que les élections présidentielles ont lieu ce week-end an Algérie (même si leur résultat ne fait malheureusement pas l’ombre d’un doute). Aujourd’hui en Algérie, la guerre civile qui pèse sur le destin et dans les consciences de la population, c’est bien la guerre civile des années 1990, alors que le pouvoir algérien continue à fonder sa légitimité et à ne parler que de la guerre d’indépendance. « Meursault contre-enquête » était tout à fait magistral, il est vrai que ce roman-ci est plus touffu, mais il éclaire la guerre civile de façon absolument nécessaire. "