Ces Russes qui s’opposent à la guerre

Brève proposée par Philippe Meyer dans l'émission Le gouvernement face au budget / Le Liban face à une possible guerre / n°370 / 29 septembre 2024, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Ces Russes qui s’opposent à la guerre

Philippe Meyer

"Je voudrais recommander Ces Russes qui s’opposent à la guerre, un livre collectif préfacé par Marie Mendras paru aux éditions Les Petits matins. « Un héros, écrivait Romain Rolland dans « Jean-Christophe », c’est quelqu’un qui fait ce qu’il peut. Les autres ne le font pas. ». Celui qui a créé le projet Iditie lessom, « Passer par la forêt » pour venir en aide aux déserteurs, celle qui, avec Memorial, cette association qui, jusqu’à sa dissolution par Poutine malgré son prix Nobel, rendait et continue à rendre aux Russes leur mémoire parce que sans cette mémoire, on ne peut pas constituer une société civile, celle qui a créé Kovtcheg, « L’Arche », pour accompagner les Russes en exil, celle qui anime la chaîne YouTube de la fondation anticorruption d’Alexeï Navalny, celui qui a fondé les éditions Freedom letters et qui, en publiant « Berceuse pour Mariopol », donne la mesure de l’abomination de la guerre de Poutine, tous, lorsque les artisans de ce livre leur demandent  : « qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs européens ? » répondent qu’il existe dans toute la Russie des personnes qui ne se résignent pas à la tyrannie poutinienne et que soutenir l’Ukraine contre son agresseur, c’est les soutenir. Sergueï Gouriev, Grigori Sverdline, Alexandra Garmajapova, Inna Berezkina, Anastasia Chevtchenko, Irina Sherbakova, Anastasia Bourakova, Gueorgui Urushadze, Timofeï Martynenko, Natalia Arno, Lev Ponomarev, Helga Pirogova, et Olga Mikhaïlova, l’avocate de Navalny font ce qu’ils peuvent. Il me semble que nous pouvons leur donner le nom que leur réservait Romain Rolland, mais ce n’est pas ce qu’ils nous demandent ; ils nous demandent de réaliser et de dire qu’ils ne sont pas seuls et qu’en Russie et en dehors, il existe ce que Marie Mendras ne craint pas d’appeler une Résistance."


Les autres brèves de l'émission :

Dictionnaire amoureux de la traduction

Marc-Olivier Padis

"Fallait-il consacrer un volume de cette collection bien connue du dictionnaire amoureux à l’activité réputée la plus infidèle qui soit ? Les traducteurs sont souvent accusés de trahir les écrivains (on connaît l’homophonie/paronomase « traduttore, traditore »). L’autrice montre plutôt que le but paradoxal du traducteur est de se faire oublier. Comment peut-on ainsi souhaiter devenir, au mieux, transparent ? C’est un des fils rouges qu’on peut suivre d’une entrée à l’autre de ce « dictionnaire amoureux qui parle beaucoup de littérature anglo-américaine puisque Josée Kamoun a été la traductrice de Philip Roth mais aussi de John Irving, George Orwell, Virginia Woolf ou encore Richard Ford. Elle parle magnifiquement de ces auteurs qui lui sont plus que familiers pour les avoir non seulement lus mais explorés et véritablement compris de l’intérieur. Un autre fil rouge passionnant concerne l’évolution de la langue en posant la question de la légitimité des nouvelles traductions. Pourquoi traduire à nouveau Shakespeare ou Orwell ? Qu’est-ce qu’une actualisation d’un texte ? Le traducteur est un explorateur de la langue, de la singularité de chaque écriture mais aussi de l’évolution historique de la langue commune des lecteurs et lectrices."


Ils ont choisi la France : James Baldwin, Nina Simone, Miles Davis, Melvin Van Peebles et Joséphine Baker

Béatrice Giblin

"Un ouvrage pour nous rappeler les raisons pour lesquelles ces artistes ont choisi la France - pour être des hommes et des femmes avant que d'être noirs ; pour la citoyenneté, la laïcité, la liberté. Yasmina Jaafar nous met en garde sur l'importation de l'idéologie communautariste étasunienne qui nous fait oublier notre passé qui n'est pas celui des Etats-Unis. Le récit des vies de ces artistes nous aide à cesser de nous confondre avec l'histoire des Etats-Unis, la colonisation n'est pas l'esclavage, s'il y a des demandes de réparation, les héritages diffèrent. Le racisme sur lequel s'est forgé la République américaine via les lois ségrégationnistes a une autre histoire en France. Il est bon de le rappeler."


Un nouveau contrat écologique

David Djaïz

"Je vous recommande ce livre signé d’Emmanuel Combet et Antonin Pottier, deux des meilleurs spécialistes de l’économie du climat. L’ouvrage est très important, il nous explique que l’approche technocratique de la transition, entièrement centrée sur les prix du carbone, les règlementations et les droits à polluer, ne peut qu’échouer. La transition écologique est tellement importante, et elle bouleverse tant de secteurs, de modes de production et de consommations et de relations sociales, qu’il faut revisiter tout le contrat social si on entend la réussir. Il faut inventer de nouvelles manières d’agir démocratiquement. Le livre en propose certaines, il regorge d’idées intéressantes. "


Israël : le piège de l’Histoire

François Bujon de L’Estang

"C’est le moment de lire le livre de Gérard Araud sur Israël. Jeune diplomate en début de carrière dans l’Etat hébreu, puis ambassadeur entre 2003 et 2006, il connaît remarquablement le pays, qu’il a fréquenté à plusieurs périodes. Le livre est très bien écrit, se lit avec beaucoup de plaisir, et il est très clairvoyant sur l’évolution d’Israël et de la société israélienne de ces 60 dernières années. Ce ne sont absolument pas des mémoires, mais Gérard Araud nous livre quelques souvenirs personnels avec ses analyses sociologiques et politiques. L’ouvrage est plein de sympathies envers l’Etat hébreu, mais sans complaisance, et il n’omet aucune des menaces dont Israël est l’objet, qu’elles soient exogènes ou endogènes. N’oublions pas qu’Israël est un avant-poste de l’Occident dans le monde musulman, et c’est aussi à travers ce prisme qu’il faut examiner sa situation et son Histoire. "