"Presque quatre-vingts opéras en cinquante-trois ans de vie. Quelques fois Donizetti en écrivait cinq en un an, raboutant des restes et reprenant des ritournelles sans vergogne. La plupart des livrets étaient désolants, tartinant de quoi faire pleurer Margot sur fond de drames historiques dans lesquels l’Histoire cascadait comme la vertu dans la mythologie revue par Offenbach. Mais, pour peu qu’une artiste relève les défis de la partition, le public était en transe. Les poncifs n’effrayaient pas le compositeur, ses librettistes les lui servaient à la chaîne. Avec Lucia di Lamermoor, Ils lancèrent la mode des brumes écossaises, parfait décor d’un romantisme convenu, et accessoirement concours d’ut de poitrine. Avec La Fille du régiment, qui se donne jusqu’à la fin novembre à l’opéra Bastille, Donizetti s’est lâché dans le genre bouffe pour ne pas dire bouffon. Laurent Pelly l’a mise en scène avec une bonne humeur qui ne boude pas son plaisir dans des décors et des costumes qui donnent à son travail des allures de bande dessinée de l’époque de la ligne claire. Sous la baguette d’Evelino Pidò, l’orchestre est à la fête. Julie Fuchs est une Marie aussi à l’aise dans les cabrioles que dans les roulades vocales, même les plus aiguës. Le soleil qui manquait cruellement en ville ces derniers jours resplendit sur la scène de ce bâtiment lourdaud devenu palais du bel canto."