La Mouette

Brève proposée par Philippe Meyer dans l'émission Le nouveau gouvernement et nos institutions / Syrie : une crise partout expliquée mais jamais prévue / n°381 / 15 décembre 2024, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

La Mouette

Philippe Meyer

"Pourquoi faut-il aller voir La Mouette d’Anton Tchekhov mise en scène par Stéphane Braunschweig au théâtre de l'Odéon où elle sera donnée jusqu'au 22 décembre ? Pour la traduction d'André Markowicz et Françoise Morvan, fluide, naturelle, précise. Pour la mise en scène et la direction d’une petite troupe sans faiblesse, avec des actrices et des acteurs qui jouent dense et dépouillé et qui rendent jusqu'au creux et aux non-dits de leurs échanges. Et puis bien sûr, pour la pièce, pour la manière dont son atmosphère nous enveloppe, pour cette visite à un monde borné et finissant, pour tout ce qu'il a de semblable au nôtre, pour tous les vains soupirs et toutes les vaines prétentions d'hommes et de femmes qui ont renoncé à être les acteurs de leur propre destin et qui ne se privent pas d’empêcher les autres d’être les leurs. Pour plus d’arguments, voir la critique de Catherine Robert dans la Terrasse (en lien avec cette brève)."


Les autres brèves de l'émission :

Textes retrouvés : essais, portraits, articles, conférences

David Djaïz

"Je vous recommande ce très beau livre, composé de manuscrits retrouvés de Jorge Luis Borges. On y retrouve la quintessence de l’écriture borgésienne, et je ne résiste pas à l’envie de vous citer un extrait du « Bulletin de toute une nuit » : « Le temps, machinerie infatigable, fonctionne toujours (...) Je suis un mendiant de souvenirs pour un moment, que les montres ne commandent pas et qui s’élargit presque en éternité. Je me dépouille de mon nom, de mon passé, de mon avenir, je suis n’importe qui, la vision m’a déjà quitté, le rêve, le toucher, je ne suis plus personne, je suis comme une plante noire d’obscurité dans un jardin noir que le jour ne réveillera pas. Ce n’est pas dans la lumière du jour mais dans les ténèbres que je gis. Je suis estropié, aveugle, déchaîné, terrible dans ma disparition quotidienne. Je ne suis personne. »"


Gouverner au centre : la politique que nous n'aimons pas

Jean-Louis Bourlanges

"La passation de pouvoir entre Michel Barnier et François Bayrou a été décalée de quelques heures, pour permettre à M. Bayrou de se rendre aux obsèques de Jean-Pierre Rioux. Ce dernier était l’un des rares historiens à avoir écrit sur le centre, et j’avais beaucoup de respect pour lui. Je me suis donc replongé dans ce livre, avec ce très bon sous-titre, qui décrit si bien la relation des Français avec le centre : « la politique que nous n’aimons pas ». Ce que montre Rioux, à travers les biographies de douze personnalités centrales (et pas seulement centristes) dans l’Histoire du pays, de Mirabeau à Macron, c’est à quel point les figures centristes ont joué un rôle important. La douzième figure est donc Macron, la onzième c’est Bayrou, et le sous-titre est amusant : « Sans Elysée ». Au-delà de la galerie de portraits, Rioux rappelle trois choses fondamentales pour le centre : la volonté de réconcilier, la subsidiarité de l’Etat (qui ne doit étouffer ni les collectivités territoriales, ni interdire des choses à l’échelon européen), et le respect de l’Etat de droit et des procédures de démocratie représentative. "


La plus précieuse des marchandises

Béatrice Giblin

"Je vous conseille ce film d’animation, de Michel Hazanavicius qui l’a non seulement réalisé mais aussi dessiné. C’est l’adaptation d’un conte de Jean-Claude Grumberg, qui malgré l’horreur de son sujet, la Shoah, réussit à dérouler son récit de façon relativement apaisée. La barbarie est bien présente, mais aussi toute l’humanité des personnages, tout ce que les humains peuvent avoir de meilleur dans des situations tragiques. Le fait qu’il s’agisse d’un conte donne à cette histoire de seulement quelques personnages une ampleur universelle. Le dessin permet de toucher le réel d’une façon autre, décalée, mais très précieuse. "