Souvenirs dormants

Brève proposée par Philippe Meyer dans l'émission #9 - Les Républicains & Catalogne, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Souvenirs dormants

Philippe Meyer

"Éric Fottorino : Un homme errant, je vais vous citer Patrick Modiano et ses Souvenirs dormants, j’ai eu une hygiène depuis plus de 20 ans c’est que dès qu’un Modiano sort, je l’achète le jour même et je le lis le jour même. L’avantage quand on a lu Modiano tout petit c’est qu’on comprend que chaque livre est une petite pièce de puzzle et que lorsqu’on les ajoute les unes aux autres on commence à avoir la grand panorama. Ce livre de Modiano a une particularité, il n’y a pas marqué roman, il y a écrit récit, mais on croit qu’on est dans un roman de Modiano, donc on comprend tout, on comprend à quel point il a entremêlé le vrai et le faux et ses ombres errantes dans Paris ne nous quittent pas même par une matinée ensoleillée comme aujourd’hui."


Les autres brèves de l'émission :

L’Etat ou La Grande Illusion

Nicolas Baverez

"Je voudrais recommander la lecture d’extraits de Frédéric Bastiat, cela s’appelle L’Etat ou La Grande Illusion, et c’est publié dans la collection Faute à Voltaire chez Arfuyen. Pourquoi est-ce que je recommande Bastiat ? Parce que c’est toujours un bonheur, je vous cite juste ce passage sur les impôts: « Ainsi, dans le public des espérances, dans le gouvernement deux promesses: beaucoup de bienfaits et pas d'impôts. Espérances et promesses qui, étant contradictoires, ne se réalisent jamais. Il suffit aux courtisans de popularité de crier aux oreilles du peuple: « Le pouvoir te trompe; si nous étions à sa place, nous te comblerions de bienfaits et t'affranchirions de taxes. » Et le peuple croit, et le peuple espère, et le peuple fait une révolution. » C’est d’abord un livre formidable, on y trouve aussi la pétition des fabricants de chandelles, bougies et lampes qui est extraordinaire puisqu’elle fustige l’intolérable concurrence d’un rival étranger qui est le soleil, et elle appelle à la fermeture de toutes les ouvertures qui laissent rentrer la lumière ce qui permettrait de relancer la consommation d’un côté et d’alimenter l’offre national de l’autre (et la démographie en plus, dit Jean-Louis). C’est extrêmement jubilatoire, et l’autre raison qui est une raison aussi importante est qu’on oublie toujours que la France est un des grands pays du libéralisme et aussi sur le plan économique donc on se souvient quand même un peu aujourd’hui davantage de Constant et de Tocqueville au plan politique, mais Jean-Baptiste Say, Bastiat et Léon Walras qui a été obligé de s’exporter en Belgique tellement il était mal compris en France : il y a une grande tradition économique du libéralisme français du XIXème siècle qui mérite toujours d’être rappelée et reconnue."


Homère, biographie

Marc-Olivier Padis

"Une lecture cette semaine que je vous recommande, c’est un livre directement en poche chez Folio de Pierre Judet de La Combe, qui est un philologue et traducteur du grec, on lui a demandé d’écrire une biographie de Homère, il a fait remarquer à son éditeur que Homère n’avait peut-être pas existé mais que ce n’était pas une raison pour ne pas écrire une biographie après tout. C’est ce qu’il fait avec beaucoup de brio en menant l’enquête pour savoir mais qui est cet Homère, cet homme errant sans père, sans patrie, aveugle et dont le surnom veut dire l’assembleur, parce qu’il a assemblé différents morceaux de grands chants épiques qui existaient avant lui et qu’il a mis ensemble. C’est vraiment une très belle enquête et une très belle occasion de revenir à de la poésie antique."


Le Nouveau Mal français

Jean-Louis Bourlanges

"Je voulais citer le livre de Sophie Coignard, Le Nouveau Mal français. Sophie Coignard est une très bonne journaliste qui s’est lancée sur les traces d’Alain Peyrefitte, « parlez, écrivez, agissez » écrivait Alain Peyrefitte et elle le cite, et elle essaye de réactualiser le mal français d’Alain Peyrefitte. Je dois dire que j’ai lu avec beaucoup d’intérêt mais j’ai le même sentiment que j’avais quand j’ai lu le livre d’Alain Peyrefitte, c’est qu’au bout du compte il reste pour moi une énigme ce mal français. Car en réalité tous ces livres ont en commun de focaliser tout un ensemble de causes dont aucune ne me paraît en soi satisfaisante : l’incompétence des députés, la centralisation des hauts fonctionnaires, les corporatismes, un certain nombre de vices moraux du pays qui sont l’immobilisme, la défiance, l’égoïsme, des défauts idéologiques comme la manie réglementariste, je trouve que tout cela existe, tout cela est vrai mais tout cela ne nous permet pas, et ce n’est pas pour rien que l’on bégaye en France depuis tant de décennies sur les réformes à opérer, en dépit des livres extrêmement brillants, savants et énergiques de Nicolas, tout cela ne nous éclaire pas sur le levier, sur la façon dont il faut régler la chose. Nous sommes un vieux pays d’Etat, effectivement dominé par le sommet, et à mon avis ce n’est pas dans une révolution totale qu’on peut arriver à faire évoluer la chose, mais c’est dans un processus réformateur dont je continue à penser qu’il n’est pas étudié de façon raisonnable, précise, méthodique, réaliste, par l’ensemble de ceux qui nous dirigent, je ne parle pas seulement des hommes politiques, mais de l’ensemble des responsables sociaux, économiques, administratifs et politiques. Je trouve que d’abord nous ne sommes pas assez modestes et appliqués, à essayer de voir ce qui exactement ne marche pas, et cela nous donne donc une espèce d’accumulation de tous nos échecs, accumulation vertigineuse et désespérante."