"Je recommande la lecture d’un livre publié par une vaillante petite maison d’édition cinéphile, pas seulement cinéphile mais très cinéphile, ce sont les éditions de La Tour Verte. Le livre est signé de Christine Leteux et il s’intitule Continental films. C’est donc un livre d’histoire sur cette firme allemande installée à Paris dirigée par Alfred Greven et qui a eu un rôle déterminant dans la production cinématographique pendant l’occupation, et qui a entre autres fait travaillée avec des gens comme Jean-Paul Le Chanois, comme Richard Pottier, comme Henri George Clouzot, Maurice Tourneur, et un certain nombre d’autres. Et c’est autour de cette Continental films que Christine Leteux fait une enquête méthodique qui permet de savoir qui a vraiment fait quoi, et comment. A l’intérieur de cette firme allemande, il y a eu d’un côté une volonté hégémonique allemande, mais de l’autre côté énormément de petites initiatives, qui ont fait en sorte que cette endroit soit un endroit où on fasse essentiellement des films, et surtout pas de la propagande. Christine Leteux ne dissimule ni qu’il y avait des salauds, ni qu’il y avait des profiteurs, ni qu’il y avait des imbéciles, ni qu’il n’y avait peu de juifs (quoique, comme Le Chanois, et aussi la manière dont un certains nombre d’entre eux ont été protégés par ceux qui étaient employés par la Continental). Et aussi elle examine un certain nombre de dossiers qui ont été jugés sans qu’il y ait eu une instruction ni à charge ni à décharge, ou plus exactement seulement à charge, notamment l’histoire du fameux voyages des 8 à Berlin : ils étaient 7 comédiens et 1 journaliste et en réalité on s’aperçoit que par exemple, Danielle Darrieux n’y est allée, que parce qu’elle a obtenu en échange de pouvoir voir son fiancé qui était dans un camp d’internement, que tel autre n’y est allé que parce qu’on lui avait dit que s’il n’y allait pas, on allait ressortir le livre antinazis qu’il avait publié avant la guerre et qu’il allait faire autre chose que du cinéma, … bref le seul qui était un collaborateur enthousiaste, c’était le journaliste qui les accompagnait, et tous les autres y sont allés en marche arrière, et c’est très intéressant. Sauf peut-être Susie Delair, qui va avoir 100 ans bientôt, mais on se demande si ce n’est pas parce qu’elle avait quand même Ein Ziegel in seinem Kopf, un pois chiche à l’intérieur du crâne. Quelque soit ces qualités d’actrices que l’on vient de pouvoir admirer de nouveau dans la rediffusion de Quai des Orfèvres, dans la version restaurée par Arte qui était vraiment une splendeur. Voilà donc Christine Leteux, Continental films, aux éditions de La Tour Verte."