Les brèves

David Lloyd George

Jean-Louis Bourlanges, créée le 24-02-2019

"Je voudrais recommander le livre de James McCearney - professeur à Sciences Po - sur David Lloyd George qui est, je crois, un grand inconnu des Français et de l’historiographie britannique. C’est pourtant le Premier ministre qui a conduit le Royaume-Uni à la victoire en 1918. C’est un personnage très intéressant d’abord parce que c’est un Gallois des classes moyennes. Haig qui dirigeait l’armée britannique et qui était apparenté à la famille royale ne comprenait pas que l’on puisse avoir quelqu’un de si basse extraction au 10. Downing Street. Mais il a mené le combat des Britanniques à la victoire et il a, en 1910, instauré le grand budget du peuple qui est le grand budget réformiste, social dans le gouvernement auquel Churchill était associé avec un rôle essentiel dans le développement de l’Etat-Providence. Il était d’une banalité pas très attachante, relativement corrompu; il avait plus ou moins les vices des classes inférieures comme dirait Oscar Wilde. Concernant Mccearney, je dirais que c’est quelqu’un qui a publié récemment trois bibliographies : celle Disraeli, celle de Gladstone et finalement celle de Lloyd George. Ce sont les trois bibliographies qui nous manquaient, si je puis dire, aux côtés de celles de Churchill. Il faut les lire pour comprendre un petit peu mieux ce qu’est le Royaume-Uni. "


Les Faux-semblants du Front national / Les inaudibles : Nonna Mayer

Lucile Schmid, créée le 24-02-2019

"Je voulais revenir sur les travaux de Nonna Mayer parce que je trouve que dans les entretiens qui ont été réalisé sur l’antisémitisme c’est l’une des plus remarquables. Je souhaiterais donc recommander deux de ses livres parus en 2015 - qui par ailleurs ne portent pas spécialement sur l’antisémitisme mais qui peuvent aider à comprendre comment il se nourrit. D’une part, Les Faux-semblants du Front national paru aux Presses de Sciences Po qui est très intéressant pour analyser objectivement comment ce mouvement peut se nourrir. Par ailleurs, encore plus important en ces temps de Gilets Jaunes, les Inaudibles qui est un livre écrit avec Céline Braconnier sur la question des précaires avec l’idée que ces inaudibles ne sont pas désafilliés politiquement cependant ils sont hors d’un système. Je pense que les gilets jaunes sont les inaudibles qui veulent se faire entendre. "


Berlioz, Les Troyens ( Erato – Warner Classics France) avec J. DiDonato, M. Spyres, Choeur et Orchestre philharmonique de Strasbourg. Direction : John Nelson

François Bujon de L’Estang, créée le 24-02-2019

"Un mot de musique si vous permettez puisqu’elle adoucit, parait-il, les moeurs. Vous permettrez au vieux fan inconditionnel d’Hector Berlioz que je suis de se réjouir très vivement du fait que les victoires de la musique de 2019 ont couronné un enregistrement magnifique d’une version de concert des troyens qui a été donné par l’orchestre national de Strasbourg et les choeurs de l’opéra du Rhin, sous la direction de John Nelson avec de splendides interprètes comme Joyce DiDonato et Michael Sypres. C’est une première raison pour laquelle je me réjouis puisque ça couronne une magnifique oeuvre. La seconde, c’est que ça nous venge de la désolante version des troyens que nous offre l’opéra Bastille pour l’instant et qui est absolument consternante; d’abord sur le plan musical car il y a des coupes sombres, ensuite parce que la mise en scène d’un prétendu metteur en scène transgressiste aboutit à des situations qu’on dirait niaiseuses au Québec (notamment le fait que l’un des plus beaux duos d’opéra français : le fameux « Nuit d’ivresse et d’extase » est donné par Didon et Enée dans un tropique de bazar. Ceci appelait vengeance et les victoires de la musique s’en sont chargées. "


Sérotonine

Nicole Gnesotto, créée le 24-02-2019

"J’ai finalement acheté le dernier roman de Michel Houellebecq, Sérotonine et je vais en faire une critique ambivalente. Je crois que le roman est très ennuyeux. Il est vrai que l’histoire d’un homme qui veut disparaitre alors qu’il est relativement riche, jeune, intelligent et qu’il n’a donc pas de problème particulier dans la vie est profondément ennuyeux. La métaphore de l’impuissance physique de cet homme par rapport à l’impuissance de l’Occident est assez banale. Mais les 80 dernières pages qui sont, non pas sur le désespoir mais la désespérance, c’est à dire la lente plongée vers le désespoir sont sublimissimes. "


Cet étrange nazi qui sauva mon père

Michaela Wiegel, créée le 17-02-2019

"Je voudrais recommander le livre de François Heisbroug, le spécialiste des relations internationales des questions de sécurité qui est un livre très personnel. Il s’intitule cet étrange nazi qui sauva mon père. Il traite de Franz von Hoiningen qui, je vous rassure, n’est pas très connu en Allemagne non plus. Il a sauvé des centaines de juifs et de résistants et, parmi eux, le père de François Heisbourg, Georges Heisbourg. C’est une étude très intéressante sur ce qu’appelle François Heisbourg, la banalité du bien, c’est à dire malgré tout des gens qui, dans un régime dictatorial, ont essayé, même en affichant en quelque sorte leur adhésion à ce régime, à faire quelque chose pour les autres. Ça se lit d’une traite. "


Misbehaving. The Making of behavioral economics

Nicolas Baverez, créée le 17-02-2019

"Depuis 2008, on sait que les hypothèses d’efficience des marchés ou de rationalité des agents économique sont évidemment plus contestées. Il y a une école économique qui s’appelle : « l’économie comportementale ». Richard H. Taler est un des deux grands auteurs qui a réfléchi à cela. Le Seuil a publié en 2018, ce qui est un peu le traité de l’économie comportementale : Misbehaving et ça montre comment au-delà de la rationalité les passions jouent un rôle extrêmement important dans l’économie avec ce qui est le génie des anglo-saxons : des exemples concrets extrêmement drôles sur les jeux télévisés, sur le football américain. C’est de la bonne économie théorique et on ne s’ennuie pas. "


La ligue du LOL

Philippe Meyer, créée le 17-02-2019

"Je voudrais ouvrir la séquence des brèves avec un fait d’actualité. Les participants à la ligue du LOL; ceux qui à la naissance des réseaux sociaux les ont utilisés pour harceler hommes et femmes, s’en prendre à leur physique, ridiculiser leur travail en substituant l’injure à l’argument. Ceux qui les calomniaient, ceux qui arrivaient à truquer des photos pour les mettre dans des situations qui n’étaient pas extrêmement sexuellement flatteuses et tout autre chose du même genre que cela ont été à leur tour dénoncé, mis à pieds, licenciés et vilipendés sur Twitter et sur Facebook. Celui qui blessera par le réseau social sera blessé par le réseau social. Je crois qu’il n’y a rien à dire là-dessus et que peu de comportements sont aussi antipathiques que ceux de ces meutes. Les uns après les autres, les harceleurs se frappent la poitrine mais leurs employeurs - et je pense notamment à ces deux confrères que sont Libé et les Inrocks - ont été très rapides, très prompts à les licencier mais je me demande aussi si ces derniers n’auraient pas à réfléchir eux-mêmes à ce qui dans leur propre comportement institutionnel d’entreprise ne relevait pas de l’arrogance et de l’absence de respect d’autrui. J’ai en mémoire quelques articles : un article sur une actrice italienne, Ornella Muti qui était traitée de loukoum, un article sur Alain Resnais qui était traité de crétin… C’est peut être en se remémorant et parcourant leurs propres archives que, à leur tour, les employeurs de ces harceleurs pourraient peut être se rendre compte de ce qu’a été et de ce qu’est encore leur comportement. "


Comment gouverner un peuple-roi ? Traité nouveau d’art politique.

Jean-Louis Bourlanges, créée le 17-02-2019

"Je voudrais recommander le livre de ce philosophe qui s’appelle Pierre-Henri Tavoillot et a écrit un ouvrage au titre oxymorique : Comment gouverner un peuple-roi ? Traité nouveau d’art politique. Ce livre est très utile, bien documenté, bien écrit très élégant. D’autre part, après ces torrents d’irresponsabilité que nous avons évoqué tout à l’heure c’est un livre qui aborde la politique telle qu’elle est. Monsieur Tavoillot est le Racine et non pas le Corneille de la politique. Il nous présente la politique telle qu’elle est et non telle qu’elle devrait être. Ce qui nous montre, à travers une réflexion intéressante sur le peuple, c’est que la politique est un art de gérer l’imparfait. Imparfait évidemment car c’est la gestion des choses floues, c’est la gestion de l’écart entre nos désirs et la réalité, entre le temps présent et le temps lointain de l’espérance. Monsieur Tavoillot, rappelle que c’est un art et non pas un science : l’art de gouverner, l’art de se faire élire, l’art de prendre une bonne décision, l’art d’être controlé. Alors en ces temps de pataphysique générale sur le plan politique, saluons l’artiste. "


La Capitale

Nicole Gnesotto, créée le 17-02-2019

"Je voudrais recommander un roman que je n’ai pas encore totalement fini mais que pour l’instant je trouve très réjouissant. C’est un roman de Robert Menasse qui est un écrivain viennois et non pas autrichien sorti en 2017 aux éditions verdier et qui a eu le prix du livre allemand cette même année. Ce roman s’appelle La Capitale et je crois que c’est le premier roman européen car la capitale c’est Bruxelles, capitale des institutions européennes. C’est un roman à la fois cocasse et un peu « thriller » parfois complètement déjanté sur la vie d’un haut fonctionnaire européen qui s’appelle Florian ( ça ne s’invente pas). C’est un roman à la fois très critique sur bon nombre de fonctionnement de l’Union. Mais c’est un roman très pro-européen sur une République européenne etc. Ça commence de façon très drôle : un cochon fou qui court dans toutes les rues de Bruxelles, qui renverse un Turc, lequel est sauvé par un Bruxellois et continue dans un échalas et quelqu’un se fait tuer dans un revolver. Le haut fonctionnaire qui est à sa fenêtre se met à réfléchir au rôle de l’union européenne dans le monde. "


Chefs d’état en guerre

François Bujon de L’Estang, créée le 10-02-2019

"Plus prosaïquement je voudrais vous recommander le livre du Général Bentegeat qui s’intitule « Chefs d’état en guerre » paru aux éditions Perrin. René Brouillet avait fait remarquer à de Gaulle que dire "un normalien sachant écrire" était un pléonasme, on peut cependant se dire qu’une général sachant écrire n’en est pas un. Or le général Bentegeat a une plume forte élégante et le livre est très intéressant car il juge l’action d’un certain nombre de chefs d’état, anciens et modernes, du point de vue de chef des armées, de stratège et de commandant en chef devant les milices. Il y a deux chapitres très intéressants à la fin sur Mitterrand et sur Chirac qui ont l’épaisseur du vécu puisqu’il a travaillé avec l’un et avec l’autre - Chirac durant la guerre de Bosnie et du Kosovo par exemple . Mais il remonte beaucoup plus loins dans l’Histoire en évoquant Clémenceau ou encore Napoléon III et Lincoln pendant la guerre de sécession. Il juge également Hitler et Staline en chef de guerre et pas seulement en homme d’état. Cette vision d’un militaire intelligent et cultivé sur des vrais commandants en chef est extrêmement intéressante. "


Qu'est-ce qu'une saine colère ?

Béatrice Giblin, créée le 10-02-2019

"Je recommanderais cette semaine la lecture de Philosophie magazine : Qu’est-ce qu’une saine colère ? qui est je crois un bon complément à la discussion que nous avons eu. C’est tout un débat de savoir à quoi sert la colère bien sûr. Pour écrire ce numéro, ils ont fait appel à tout un nombre de philosophes concernant l’analyse des gilets jaunes. J’ai été extrêmement intéressée par l’article de Francis Wolff : « Un mouvement antipolitique ou la réinvention d’un nous ? » C’est un texte très court qui donne vraiment à penser. "


La revanche de la nation : Passions politiques en Pologne aujourd’hui 

Marc-Olivier Padis, créée le 10-02-2019

"A un moment où l’on s’interroge sur ce qui va se passer pour les élections européennes, je vous recommande d’aller sur le site de l’institut Jacques Delors et de récupérer un travail réalisé par Aziliz Gouez intitulé « La revanche de la nation : Passions politiques en Pologne aujourd’hui ». C’est une très bonne synthèse sur la stratégie du parti au pouvoir, le PiS (Droit et Justice) à la fois d’un point de vue social et démocratique. Ça n’est pas un discours anti européen qui serait favorable à sortir de l’Europe mais une tentative de développer une nouvelle idée de l’Europe. C’est quelque chose d’assez riche du point de vue idéologique et cela est très éclairant."