Les brèves

Manifeste de la dernière chance

Lionel Zinsou, créée le 30-01-2022

"Je vous conseille ce livre des Gracques. Il me semble que le titre vient plutôt de l’éditeur que des auteurs, car « la dernière chance » est un concept qui revient tous les cinq ans, mais passons. Mais cela vaut la peine de s’y pencher, car il y a beaucoup de propositions, institutionnelles, économiques, etc. Il semble que la campagne électorale laisse de côté les vrais problèmes. On passe son temps à se demander combien d’immigrés de la deuxième génération on va renvoyer au Mali ou en Algérie (contre la volonté de ces Etats). Ce sont sans doute des sujets intéressants, mais pas extrêmement pratiques … On peut ressortir les Kärcher, créer un Guantanamo qui nous manquait, peut-être sur l’île de Ré ? Mais si on considère qu’il y a peut-être d’autres sujets plus préoccupants, la lecture de ce petit manuel pourra s’avérer précieuse."


Courrier d’auditeur

Philippe Meyer, créée le 23-01-2022

"A la suite de ma brève de dimanche dernier sur Don’t look up dans laquelle j’ironisais sur le caractère caricatural de la représentation de la politique aux États-Unis, et notamment du personnage de la présidente incarnée par Meryl Streep, plusieurs de nos auditeurs habitants aux États-Unis m’ont écrit pour me dire que je m’étais mis le doigt dans l’œil « usque ad omoplatum », comme on dirait dans Astérix. La critique la plus développée est celle que je vais lire, elle émane d’Emmanuel Dupuy d’Angeac.       « Je me permets un commentaire sur votre brève à propos du film "Don't look up". Je vis aux Etats Unis depuis maintenant près de 25 ans et je constate avec horreur depuis les années Bush (probablement depuis Reagan) la descente aux enfers de la démocratie américaine. La suppression du droit de vote, une cour suprême fanatisée, un Pentagone omni puissant et inquisiteur, la criminalisation de journalistes tels que Julian Assange, la propagande des médias américains, la captation du pouvoir par une minorité blanche - le sénat américain, par le découpage électoral, représente en gros 30% des électeurs, la remise en cause du droit à l'avortement, la toute puissance des polices (locales) américaines (En moyenne les polices américaine tuent 1000 personnes par an), l'incarcération de masse (Bill Clinton à lui tout seul est responsable de la mise en prison d'en gros 1 million de Noirs - "3 strikes and you are out"), l'omni puissance des lobbies américains (Le sénateur Manchin et sa femme ont touché en 2020 plus d'un million de dollars d'un producteur de charbon de West Virginia), l'éradication des syndicats (voir Amazon), le système de sécurité sociale inexistant, le salaire minimum qui n'a pas changé depuis les années Reagan. Le capitalisme américain a tué la démocratie en Amérique. Les parti démocrate et républicain sont complètement corrompus par le capitalisme. Je suis affolé de constater que les Européens ne voient pas la gravité de ce qui est en train de se passer de ce côté de l'Atlantique. Il est urgent de fermer le NY Times et de suivre le peu de journalistes intègres qui restent dans ce pays. Matt Taibbi et Glenn Greenwald sont par exemple des voix importantes. Le livre de Jane Mayer "Dark Money" est également un ouvrage important. Pour en revenir au film, oui c'est une caricature, mais à peine poussée. Une partie des dialogues sont d'ailleurs des reprises de Trump, notamment lorsque le fils parle de sa mère comme d’une nana qu'il aurait bien mise dans son lit si ce n'était sa mère. Trump a dit exactement la même chose de sa fille. Les élections de mi-mandat vont être une catastrophe et le futur très sombre. »"


L’Etat qu’il nous faut

Marc-Olivier Padis, créée le 23-01-2022

"Pour en revenir à la politique française, parmi les grands sujets qui seront peut-être débattus dans la campagne électorale si elle se développe un jour, il y aura nécessairement des réflexions sur la réforme de l’Etat. C’est un grand sujet, mais comme il est assez austère, le nombre de ses amateurs est plutôt restreint. C’est le cas de trois jeunes spécialistes des questions de politique publique, Daniel Agacinski, Romain Beaucher et Céline Danion, qui ont écrit ce livre. Leur ligne directrice consiste à se demander si la politique publique française est adaptée à des décisions, en particulier pour faire face au changement climatique. Il s’interrogent sur la façon de réorganiser l’action publique en ce sens. C’est une lecture exigeante et pas toujours facile, mais le sujet étant majeur, il mérite quelques efforts. "


La France dans le bouleversement du monde

Béatrice Giblin, créée le 23-01-2022

"Je vous recommande pour ma part le livre de Michel Duclos. L’ouvrage est passionnant, d’abord parce que Michel Duclos est un ex-diplomate très expérimenté, il fut ambassadeur en Syrie, et parce qu’il a une connaissance très profonde de la politique étrangère française. Il raconte comment Emmanuel Macron a essayé de changer les choses, non sans une certaine fougue. Le diagnostic de Macron était lucide sur la montée de la Chine, le retrait des USA, etc. Il a essayé, même si les résultats n’ont pas été à la hauteur des ambitions. Cela a contribué à la perception d’une France arrogante, qui a toujours de grandes difficultés à faire le deuil de l’époque où elle était une grande nation, et qui s’accroche à son siège du conseil de sécurité de l’ONU. Duclos nous dit que la France compte en réalité plus qu’on ne le croit, et bien moins que ne le souhaite Paris. J’ai peur que la campagne électorale laisse peu de place à la politique étrangère, ce livre donne une bonne perspective."


Le monde de Steve McCurry

Nicole Gnesotto, créée le 23-01-2022

"Je vous encourage très vivement à aller voir l’exposition de photos de Steve McCurry, présentée au Musée Maillol jusqu’en mai 2022. McCurry est mondialement connu pour sa photographie de cette jeune Afghane au regard si intense, qui constitue l’affiche de l’exposition. Il y a au musée Maillol une énorme rétrospective, comptant plus de 150 photos grand format aux couleurs crues, la marque de fabrique de McCurry. Elles sont absolument sublimes, à la fois belles et tragiques. Ce ne sont pas que des paysages de guerre, il y a des photos de New York, de l’Inde, etc. Mais la priorité est donnée aux visages et aux regards. Ces gens ne sourient ni ne pleurent, la densité de ce que les clichés expriment est extraordinaire. On en ressort avec une émotion qui est aussi politique qu’esthétique."


Francis Picabia, rastaquouère

Matthias Fekl, créée le 23-01-2022

"Restons dans le domaine de l’art, je vous conseille la biographie de Francis Picabia par Bernard Marcadé. Le titre est un clin d’œil à Serge Gainsbourg. Le livre est publié chez Flammarion, dans les grandes biographies, et il y a toute sa place. D’abord parce que la vie de Picabia est haute en couleurs, le récit qui en rend compte est passionnant et foisonnant. C’est un éloge de la liberté, dans la vie comme en art, notamment en ce qui concerne l’affranchissement par rapport à l’académisme et au dogme. Dans une époque aussi souvent dogmatique (voire sectaire) que la nôtre, la vie de Picabia est une bouffée salutaire. "


L’Europe changer ou périr

Philippe Meyer, créée le 16-01-2022

"Je voudrais signaler la parution, aux éditions Tallandier d’un livre de Nicole Gnesotto, L’Europe, Changer ou périr. Elle rappelle qu’à sa fondation, l’Europe misait sur l’OTAN pour la défendre et sur le libéralisme, le marché et la concurrence pour assurer à la fois son progrès et sa prospérité. Nicole Gnesotto soutient qu’aujourd’hui il faut sortir de la dépendance à l’OTAN - et en convaincre nos partenaires est une tâche ardue - et que cette sortie ne se fera pas par la construction d’une défense européenne dont les bégaiements successifs montrent qu’elle est une chimère, mais par l’instauration d’une diplomatie européenne. Elle rappelle utilement que des interventions extérieures occidentales depuis la fin de la guerre froide, à part celle de 1991 pour le Koweit, se sont soldées par des catastrophe. Elle remarque que la force militaire n’est plus la condition de la puissance de l’Europe et qu’il est nécessaire qu’elle s’investisse dans les solutions diplomatiques et qu’elle cesse de laisser la pensée des crises aux Américains. Quant à l’économie, Nicole Gnesotto affirme que, bien plus qu’assurer le libre jeu du marché et de la concurrence, le rôle de l’Europe, si elle ne veut pas périr, est d’aider à limiter l’explosion des inégalités, provoquée par la mondialisation."



Proust et la société

Nicolas Baverez, créée le 16-01-2022

"En contrepoint de l‘exposition, le dernier livre de Jean-Yves Tadié, le grand spécialiste de l’auteur. Le sujet est similaire à celui de l‘exposition : la société dans laquelle Proust a vécu, une société aristocratique qui vit ses derniers feux face à la montée de la société démocratique d’une IIIème République à son apogée. Et de l’autre côté, la société proustienne de la Recherche, cette extraordinaire galaxie de personnage, nouvelle comédie humaine."


L’Europe changer ou périr

Michaela Wiegel, créée le 16-01-2022

"Nous ne nous étions pas concertés, mais il se trouve que je voulais moi aussi recommander le livre de notre amie Nicole Gnesotto. J’ai été très frappée dans la préface de Jacques Delors, par une phrase : « il s’en est fallu de peu que le Covid-19 ne porte un coup fatal à l’Union Européenne » et le livre part en quelque sorte de ce constat. Nicole analyse de façon très lucide les difficultés qu’il y a à adapter cette construction qui datait d’un monde réellement révolu. Elle montre le chemin que pourrait prendre une diplomatie européenne, intégrant cette Allemagne souvent bien trop pacifiste, mais qui tempère en quelque sorte une France trop prompte aux interventions militaires. J’espère que ce livre sera vite traduit en allemand."


Un héros

Béatrice Giblin, créée le 16-01-2022

"Je vous recommande ce film Franco-iranien dont je crains qu’il ne disparaisse très bientôt des écrans, réalisé par Asgard Farhadi, qui avait déjà signé le très réussi Une séparation. Celui-ci est remarquable par la complexité de tous les personnages d’abord, personne n’est bon ou méchant, le « héros » en question n’est pas aussi moralement bon qu’il est physiquement beau, l’usurier n’est pas que vénal, etc. Et puis on voit comment fonctionne une famille iranienne. C’est un film d’une très grande humanité, qui aide à comprendre la complexité de la société iranienne à laquelle je suis très attachée."


Don’t look up

Philippe Meyer, créée le 16-01-2022

"Il y a un engouement général à propos de ce film diffusé sur Netflix, à propos d’une catastrophe imminente. J’en suis très étonné, car il ne s’agit pas d’une caricature mais d’une farce. Autant la caricature à propos de l’infotainment me paraît réussie, autant la manière dont est représentée le pouvoir politique ne l’est pas : c’est du « tous pourris », tous sont ridicules. J’ai l’impression qu’en faisant l’éloge de ce film, on confond Pierre Desproges et Patrick Sébastien. "