Les brèves

La victoire en pleurant Alias Caracalla 1943-1946

Marc-Olivier Padis, créée le 13-06-2021

"J’ai lu cette semaine la suite des mémoires de Daniel Cordier, décédé en novembre dernier. Ce tome commence juste après l’arrestation de Jean Moulin, dont il était le secrétaire. C’est le récit de la Résistance par quelqu’un qui était au centre d’un réseau d’informations. Il y a des passages extraordinaires, notamment quand il doit retourner à Londres ; il passe par l’Espagne, séjourne quelques jours à Madrid et décide d’aller au Prado où Jean Moulin avait promis de l’emmener après la guerre. Il a un choc en découvrant la peinture, et c’est ce qui déterminera sa vocation d’après guerre, puisqu’il devint un des plus grands galeristes français, notamment dans l’art contemporain. Une très belle lecture."


L’aventure Tapie

Philippe Meyer, créée le 13-06-2021

"L’état de santé de Bernard Tapie nous empêche de charger sa barque, mais je recommande également à nos auditeurs de lire la biographie que Christophe Bouchet consacra à Tapie dans les années où il était justement flamboyant. Le travail de l’auteur était difficile, et s’était même révélé dangereux. Je rappellerai aussi que Bernard Tapie et Christiane Taubira ont eu avec François Mitterrand ce magnifique rapport, qui leur a permis d’éliminer Michel Rocard. "


Les Téméraires Quand la Bourgogne défiait l’Europe

Jean-Louis Bourlanges, créée le 13-06-2021

"Je vous recommande l’ouvrage du Belge néerlandophone Bart van Loo. C’est un livre sur les Téméraires. J’ai toujours été attentif à la maison de Bourgogne et à ce regard un peu différent, inspiré de Malesherbes, qui décelait l’origine du malheur de la France quand la chambre des comptes imposa une loi de fer à la monarchie, et que l’école de Bourgogne avait représenté un parti de la liberté. Cela, c’est l’abomination pour Éric Zemmour, c’est l’anti-France. Mais tout cela est beaucoup plus compliqué. La querelle entre François Ier et Charles Quint n’était en somme rien d’autre que la poursuite du crime de la rue Barbette, où un bourguignon (Jean Sans Peur) avait fait assassiner le duc d’Orléans. On voit bien que les Téméraires sont un autre regard sur la Bourgogne, sur la Belgique et les Pays-Bas, absolument essentiel au cœur de l‘Europe, et qu’il ne nous est pas du tout familier. C’est décrit avec verve et un talent certain. Une autre façon de voir la branche des Valois. "


Bernard Tapie - Leçons de vie, de mort et d’amour

Richard Werly, créée le 13-06-2021

"Je me suis plongé cette semaine dans la biographie de Bernard Tapie que vient de publier Franz-Olivier Giesbert. L’auteur s’y raconte largement lui-même, en long, en large et en travers. Ce n’est franchement pas la partie la plus intéressante, en revanche c’est une biographie passionnée, commandée par Bernard Tapie. Ce que dit la vie de Tapie d’une certaine France, et la façon dont selon lui, le pays s’est refusé à sa manière d’être, est assez touchant. C’est quelqu’un qui est au couchant de sa vie, on est donc en quelque sorte obligé de l’écouter. En tous cas c’est flamboyant, et on oublie aujourd’hui à quel point dans les années 1980, pour des raisons politiques pas toujours avouables, Tapie fut au centre du jeu politique français. Le livre nous offre un résumé de ce qui ne va pas toujours bien en France, lorsque des personnalités particulièrement exubérantes sont au centre de l’attention publique et politique. "


Vieplussimple.fr

Philippe Meyer, créée le 13-06-2021

"Je vous recommande ce site de Gaspard Koenig, qui est une sorte de collecte des complications de la vie. L’idée part d’une constatation de Georges Pompidou, à l’époque où il n’était que conseiller d’Etat : « de perfectionnement en perfectionnement, notre droit public, dont la vertu première était la simplicité et la souplesse, s’est progressivement compliqué au point de dérouter parfois les plus perspicaces. Dans le réseau complexe des règles et des principes, l’administrateur risque de se trouver peu à peu paralysé. Quant au citoyen que le droit doit protéger et aider, c’est avec quelque raison qu’il affirme bien souvent ne plus pouvoir le comprendre ni l’appliquer ». Après cette citation, Koenig rappelle que 36% des personnes éligibles au RSA y renoncent faute de pouvoir remplir les formulaires, que l’agriculteur lambda consacre 9 heures par semaine aux tâches administratives, que le code de l’urbanisme a battu un record en ayant aujourd’hui 3540 pages, et qu’il faut 76 jours pour lire l’ensemble des conditions d’utilisation que nous acceptons sur internet. Le site de Gaspard Koenig demande à chacun d’entre nous d’identifier l’un de ces problèmes qui lui pourrissent la vie sans faire avancer les choses."


Amours singulières

Nicole Gnesotto, créée le 13-06-2021

"Je vous recommande de la littérature cette semaine. N’étant pas encore déconfinée, je n‘ai vu aucun spectacle, mais je relis Somerset Maugham, et je vous recommande ce recueil de nouvelles, consacrées à des individus britanniques, souvent des femmes, qui se prennent de passion pour des choses étonnantes. Par exemple un jeune lord qui préfère son piano à tous ses titres et son héritage, une dame d’un certain âge qui se prend tout à coup d’une folle passion pour un jeune homme venu des colonies, ou un bigame, amoureux du chiffre 12, et qui n’a de cesse d’arriver à la douzième femme, même s’il en est malheureusement empêché à la onzième. C’est une écriture absolument superbe et très drôle, mais c’est surtout une description de la société du début du XXème siècle où l’on s’aperçoit que la condition des femmes n’était pas aussi stricte et négative qu’on le pensait. En tous cas que je le pensais moi-même. Un vrai plaisir."



La grande illusion

Philippe Meyer, créée le 06-06-2021

"Je vous recommande le livre de Michel Barnier, récit de la négociation du Brexit. Il faut être honnête, ce n’est pas San Antonio. Certes, cela ne prétend pas l’être, mais c’en est tout de même très, très loin. Il y a quelque chose de très pénible dans le livre, c’est, autour de l’auteur, les perles de la couronne, à savoir les gens avec qui il a travaillés. Il pense qu’il est nécessaire de tous les nommer et de distribuer des bons points ... Il connaît absolument tout le monde, jusqu’au dernier ministre albanais ; On n’est absolument obligé de lire le moindre détail de l’éloge de chacun, car au bout d’un moment, on a l’impression que le dit éloge est destiné à la réfraction : si je suis entouré de gens aussi bien, c’est que je dois l’être moi-même ... On saute donc des pages, il faut l’avouer. Ceci étant dit, le récit du comportement des Britanniques est frappant du début à la fin. Theresa May apparaît comme un personnage absolument consternant. Après avoir pris position (sans enthousiasme) pour le remain, elle est chargée de négocier le Brexit, et devient psychorigide au point de couper les possibilités de négociation avant même qu’elles n’existent, en posant des exigences impossibles. Quant à Boris Johnson, il est décrit comme un escroc politique peu compétent. J’ai toujours eu beaucoup d’affection pour le Royaume-Uni, je suis sorti de ce livre en me disant que la France n’était pas en très bon état, mais que les Britanniques ne s’en sortaient pas mieux, loin de là ..."


Pas gentil

Marc-Olivier Padis, créée le 06-06-2021

"Sur un tout autre sujet, ce livre de Bernard Vorms, économiste spécialiste de l’économie du logement. Comme beaucoup de nos concitoyens, il s’est trouvé après les attentats de Charlie Hebdo et de l’hypercacher, contraint de se poser des questions sur sa judaïté. Qu’est-ce que c’est qu’être Français et confronté à cette nouvelle vague d’antisémitisme, présente dans notre pays sous différentes formes ? L’auteur fait montre d’un scepticisme modéré, qui rappelle Montaigne (qu’il cite fréquemment), en se demandant ce que cela veut dire pour lui d’être juif, et ne trouvant nulle part d’explication satisfaisante. C’est un beau parcours, reprenant toute sa bibliothèque, des grands auteurs français jusqu’à la littérature antisémite. Une belle réflexion."



Les déraisons modernes

Béatrice Giblin, créée le 06-06-2021

"Je vous recommande ce livre de Perrine Simon-Nahum, car je pense qu’il est salutaire. Il revient sur les puissantes injonctions qui nous sont faites aujourd’hui, qu’il s’agisse des nouvelles formes d’antiracisme (qui conduisent à un essentialisme et à un déterminisme), ou la collapsologie, qui d’une certaine façon déresponsabilise, puisque nous n’avons plus aucune prise sur rien. Il est bon de s’interroger sur ces déraisons modernes."


Le continent de la douceur

Lucile Schmid, créée le 30-05-2021

"Ce roman d’Emmanuel Bellanger était paru en 2019, l’année des élections européennes. Et le continent de la douceur, c’est L’Europe. L’auteur invente un petit pays, le Karst (qui n’est pas sans rappeler la Biélorussie), dont certains de ses citoyens exilés aux USA essaient de provoquer l’intégration à l’Union Européenne. Il y a là-dedans quelque chose d’assez romanesque. On peut y lire : « l’Europe est une chose qu’on invente et dont on ne sait pas ce qu’est le type de gouvernance ». C’est un roman fleuve de 850 pages, à la fois poétique et politique. "