Les brèves

Zombis : la mort n’est pas une fin ?

Lionel Zinsou, créée le 10-11-2024

"C’est une exposition que je vous recommande cette semaine, au musée Jacques Chirac, qu’on appelle encore « du Quai Branly » (bien qu’il n’y ait plus de quai Branly). Que se passe-t-il d’intéressant après le trépas ? Toutes les cultures humaines se sont posées la question. En tant que Béninois, je suis passionné par les zombis, car c’est une forme d’eschatologie, même si elle est un peu pénible puisque cette « vie » procède de la magie noire, et que les statues sont légèrement inquiétantes … On peut donc traiter l’anxiété de l’actualité par l’angoisse ! Allez voir cette exposition, consacrée au vaudou haïtien. Le mot même de « zombi » vient du Congo, alors que le vaudou est typiquement béninois. Allez voir « Zombis », et dites-vous qu’il existe un vaudou plus doux que celui d’Haïti et du Brésil. Cette vie après la mort n’est peut-être pas très exaltante, mais elle est passionnante."


Mémoires interrompus

Philippe Meyer, créée le 10-11-2024

"L’Institut Lumière et Actes Sud publient ces Mémoires interrompus de Bertrand Tavernier. C’est aussi passionnant que son Voyage au cœur du cinéma français, on y retrouve la qualité de la mémoire et l’ampleur du regard de l’auteur. C’est à la fois sa ville, Lyon, son enfance, son entrée dans le cinéma, d’abord comme spectateur glouton, puis comme attaché de presse (de Jean-Luc Godard entre autres), ses premiers films, l’importance du soutien de Philippe Noiret … Plus largement, c’est tout le monde du cinéma, avec les films, les producteurs, les acteurs, les techniciens, la cantine des tournages, qu’on retrouve dans ce livre, avec la générosité de Bertrand Tavernier. Et bien que le livre soit assez épais, il se termine très tôt, avec Un dimanche à la campagne, qui est l’un de ses films que je préfère. Mais c’est une bonne chose que le livre se termine sur ce film, que Bertrand a fait (et réussi) contre toute raison, et qui lui avait valu les insultes les plus répugnantes de certains journaux."



Caillebotte : peindre les hommes

Philippe Meyer, créée le 27-10-2024

"La seconde est pour cette exposition, dont on peut dire qu’on ne la reverra sans doute jamais, parce qu’il y a une quantité considérable d’œuvres de Caillebotte (peintures, mais aussi dessins) venues de collections privées. Le travail nécessaire à réunir tout cela ne sera pas reproduit avant très longtemps, il ne faut donc surtout pas la rater. L’exposition est magnifique, très bien organisée, la diversité et l’originalité des tableaux donne une idée de la formidable originalité de ce peintre longtemps sous-estimé. D’après les jeunes gens qui gardent les salles, si l’on vient le matin (cela ouvre à 9h30 et là encore, il est possible de réserver) ou le soir d’ouverture hebdomadaire (le jeudi), c’est nettement moins fréquenté. Exceptionnel."


Figures du fou : Du Moyen Âge aux Romantiques

Lucile Schmid, créée le 27-10-2024

"Je vous recommande moi aussi une exposition qui a commencé il y a peu, mais cette fois au Louvre. Évidemment, c’est notre sujet sur la santé mentale qui me l’a évoquée. Elle nous fait réaliser combien le fou est une figure à la fois symbolique et réelle, c’est chacun d’entre nous. De la cour du roi au carnaval en passant par le jeu d’échecs … On découvre ainsi que dans ce jeu (né en Inde), la figure commence par être un éléphant, puis un évêque (ce qu’il est toujours dans le jeu anglais), avant de devenir un fou. J’ai aussi découvert comment la période romantique est celle où l’on se réintéresse au fou, mais quand il est couronné : Charles VI, ou Jeanne de Castille, une figure que je ne connaissais pas du tout, à la biographie passionnante : décrétée folle parce qu’elle aimait trop son mari, et que son père désirait régner à sa place. Là encore, il y a de quoi méditer …"


Mesopotamia

François Bujon de L’Estang, créée le 27-10-2024

"Je reste proche de la géopolitique avec ce livre d’Olivier Guez, qui avait déjà obtenu le prix Renaudot en 2017 pour son livre « La disparition de Josef Mengele », qui était remarquable. Ici, c’est un roman historique, ou de l’histoire romancée. Nous sommes au moment où l’empire ottoman est dépecé par la France et le Royaume-Uni, après la première guerre mondiale, et la création de ce qui est devenu l’Irak d’aujourd’hui. L’auteur construit son intrigue autour de figures hautes en couleur, et notamment Gertrude Bell, personnage romanesque à souhait : riche britannique, mi-archéologue, mi-agent secret. Une façon très plaisante de se plonger dans les origines du Moyen-Orient moderne."



Savonarole : l’arme de la parole

Nicolas Baverez, créée le 27-10-2024

"Je vous signale aussi ce livre de Jean-Louis Fournel et Jean-Clause Zancarini, qui écrivent formidablement à quatre mains. Ils avaient déjà écrit un remarquable Machiavel, et ce livre en est une espèce de suite logique. Machiavel a participé au pouvoir après l’exécution de Savonarole en 1498. L’ouvrage est très intéressant, au cœur de la relation entre le politique et la religion, et de ce qui a amené à l’émergence de l‘État moderne en Europe."


Au soir d’Alexandrie

Nicole Gnesotto, créée le 27-10-2024

"Je vous conseille ce roman égyptien, d’Alaa el-Aswani. L’écrivain est déjà l’auteur du formidable « L’immeuble Yacoubian », paru en 2002. L’action de celui-ci se situe à l’arrivée au pouvoir de Nasser, et c’est exactement la même contradiction entre une société civile ayant soif de liberté et un Etat policier qui se met en place. On voit comment le cosmopolitisme fait place petit à petit au nationalisme le plus étriqué, et c’est assez terrifiant, cela rappelle le Vienne de l’entre-deux-guerres : comment la culture ne sauve pas de la tyrannie."


Les graines du figuier sauvage

Philippe Meyer, créée le 27-10-2024

"Deux recommandations pour moi cette semaine, qui appuient deux manifestations culturelles qui fonctionnent déjà très bien. Si je les soutiens, c’est pour éviter que des auditeurs tentés de s’y rendre ne renoncent par crainte de ne pas trouver de place. La première est pour le film du réalisateur iranien Mohammad Rasoulof, d’une extrême finesse, qui donne à voir avec une formidable précision ce qu’est la situation quotidienne en Iran, et plus précisément celle des femmes. Toutes les séances sont pleines, mais il est désormais possible de réserver dans les cinémas, je vous encourage donc à le faire, car passer à côté de ce film par crainte de ne pouvoir entrer dans la salle serait vraiment dommage."


Vers la guerre ? La France face au réarmement du monde

Michaela Wiegel, créée le 20-10-2024

"Les livres des ministres sont rarement recommandables, mais je voudrais faire une exception pour celui qu’a écrit Sébastien Lecornu, ministre des Armées. Il s’agit d’une réflexion réellement passionnante, avec des détails qui m’avaient échappés. Par exemple, il raconte comment, lors du vote de la dernière loi de programmation militaire, il y eu une coalition ad hoc pour sortir l’Allemagne de la liste des partenaires de la Défense française. Ainsi, une bonne partie des députés du RN et de LFI avaient décidé que l’Allemagne ne devait plus y figurer. Cela n’a pas réussi, mais M. Lecornu décrit cela comme un signal alarmant. Un signe de la fragilité de la relation franco-allemande. "


Exposition Olga de Amaral

Lionel Zinsou, créée le 20-10-2024

"Pour répondre à ce besoin de joie et avant de se rendre à l’Opéra, je vous recommande d’aller à la Fondation Cartier, voir l’exposition de la plus grande artiste colombienne, Olga de Amaral. C’est sublime, et magnifiquement mis en valeur par la scénographie de Lina Ghotmeh, jeune architecte franco-libanaise. En outre, c’est la dernière exposition de la Fondation Cartier dans son bâtiment de Jean Nouvel sur le boulevard Raspail. L’exposition durera jusqu’au mois de mars, après quoi la Fondation Cartier sera en face du Louvre (dans ce qui fut le Louvre des antiquaires). Il y a un merveilleux travail sur les tissus, sur les couleurs, cela rend compte des origines profondes de la Colombie, qui ont beaucoup à voir avec l’Afrique, à cause de la traite des Noirs. Une explosion de joie."