Les brèves

Les anti-Lumières : une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide

Matthias Fekl, créée le 25-02-2024

"Je vous recommande ce livre de Zeev Sternhell, paru il y a plusieurs années. Il retrace les évolutions de la pensée réactionnaire, contre-révolutionnaire, opposée au primat de la raison et à celui de l’individu, et son corollaire : les droits de l’Homme. Dans la période que nous traversons, cette somme de 800 pages est éclairante. Le livre est passionnant, et on peut craindre qu’il ne devienne un guide très utile pour les années qui viennent. "


Brillat-Savarin : le gastronome transcendant

Philippe Meyer, créée le 25-02-2024

"La gloire, écrivait Alexandre Vialatte, consiste à être oublié par son nom. Ainsi circule à l’arrière-plan de notre paysage intellectuel une tribu des illustres méconnus, dans laquelle on ne s’étonnera pas que Jean-Robert Pitte, le père de l’inscription du repas gastronomique des Français sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO ait choisi, pour en publier une passionnante biographie, l’auteur de la Physiologie du goût, Jean-Anthelme Brillat-Savarin,1755-1826. A cheval entre bourgeoisie et aristocratie, juriste d’abord avocat puis haut magistrat, député du Tiers, exilé en Suisse puis aux États-Unis où il vit de ses talents de violoniste, réformateur aux convictions souples, catholique sans excès, initié jeune homme à la gastronomie par les moines, curieux de beaucoup de sujets comme l’étaient les heureux de son époque, Brillat-Savarin, écrit Pitte, fait preuve d'une heureuse philosophie et d'une constante bonne humeur qui s'expriment dans maints passages de sa correspondance ou de la Physiologie. C'est l'une des principales raisons du succès du livre : on éprouve l'envie de partager de bons moments avec lui - une partie de chasse, un repas, une fête, un voyage d'agrément ... Jean-Robert Pitte retrace le chemin aux nombreuses étapes qui conduira Brillat-Savarin à faire de la gastronomie non une jouissance égoïste, mais le principe consolateur et bonificateur de l'humanité. Qu’est-ce que la gloire ? Ne serait-ce pas de laisser son nom à un fromage, un fromage triple crème, le foie gras du fromage, qui appelle un vin blanc de Bourgogne, le Brillat-Savarin ?"


La liberté, pour quoi faire ?

Isabelle de Gaulmyn, créée le 25-02-2024

"Pour prolonger notre conversation sur la Russie, Je vous recommande ce livre de Georges Bernanos qui vient d’être republié. Sont titre reprend la réponse que Lénine avait adressée à ceux qui l’accusaient d’instaurer la dictature. Bernanos, contrairement à Harendt ou à Aron, pense qu’il n’y a pas de différence de nature entre démocratie et dictature, et que nous pouvons tous verser dans la seconde. C’est évidemment très discutable, mais quand on voit ce qui se passe dans un certain nombre de « démocratures », sa réflexion est intéressante … Le livre date de 1947. Petit extrait : «  la menace qui pèse sur le monde est celle d’une organisation totalitaire et concentrationnaire universelle, qui ferait tôt ou tard, sous un nom ou sous un autre de l’homme libre une espèce de monstre réputé dangereux pour la collectivité tout entière, et dont l’existence dans la société future serait aussi insolite que la présence actuelle d’un mammouth sur les bords du lac Léman »."


Une brève histoire de l’économie

Nicole Gnesotto, créée le 25-02-2024

"Le deuxième ouvrage est de Daniel Cohen, il a été publié à titre posthume en janvier de cette année. Au départ, c’était censé être un texte très court pour accompagner une bande dessinée, et puis c’est devenu un livre. C’est extraordinaire là aussi, car il retrace 12 000 ans d’économie mondiale en 130 pages, avec une luminosité extraordinaire. Daniel Cohen était non seulement économiste, mais aussi quelqu’un qui réfléchissait beaucoup à ce qu’était le bonheur dans nos sociétés. Je vous recommande ce livre pour être un tout petit peu plus heureux que vous ne l’êtes aujourd’hui. "


Daniel Cohen, l’économiste qui voulait changer le monde

Nicole Gnesotto, créée le 25-02-2024

"Dans la même veine de l’économie « longue », je vous recommande deux ouvrages de et sur Daniel Cohen, dont nous avons déjà parlé à ce micro depuis sa disparition en août dernier. Le premier est un hommage, recueillant des témoignages de personnalités politiques, de collègues universitaires, d’étudiants, de simples amis … L’ensemble des bénéfices que récoltera ce livre serviront à la création d’une chaire d’économie et à un prix d’économie Daniel Cohen, dans le cadre de l’Ecole Normale Supérieure."


Proust, roman familial

Nicole Gnesotto, créée le 18-02-2024

"Je quitte l’écologie pour l’aristocratie, en vous recommandant l’ouvrage de Laure Murat, sorti en novembre dernier. C’est un livre très intéressant : il ne s’agit pas vraiment d’un essai sur Proust, ni une autobiographie, ni une analyse sociologique de l‘aristocratie française au XXème siècle, c’est un peu les trois à la fois. Laure Murat est une professeur d’histoire culturelle à Los Angeles. Elle est fille du prince Murat (noblesse d’empire) et de la duchesse de Luynes, son pédigrée aristocratique est donc impressionnant. Grande lectrice de Proust, elle s’aperçoit au cours de ses recherches qu’il parle de tout ce qu’elle a connu en tant que petite fille. Et elle va faire exactement le même cheminement que Proust : partant d’une fascination pour l’aristocratie, elle va arriver à une espèce de mépris sans borne pour ces gens : incultes, parasites, hypocrites ... Et c’est formidable. Elle raconte par exemple que le jour où elle dit à sa mère qu’elle est homosexuelle, celle-ci la regarde, ne lui dit rien … et ne la revoit plus jamais. Elle n’est pas rejetée parce qu’elle est homosexuelle, mais parce qu’elle n’entend pas le cacher. Le livre est très drôle, et d’une intelligence remarquable. Un bonheur de lecture."


Sans transition

David Djaïz, créée le 18-02-2024

"Pour rester dans le thème, je vous recommande ce livre de l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz. L’éditeur a mis un bandeau un peu racoleur : « la transition énergétique n’aura pas lieu », mais l’auteur s’en défend. Et cet historien nous montre que durant la révolution industrielle, on a un récit très phasiste, qui nous dit qu’on a remplacé le bois, la biomasse, par du charbon. En réalité, chiffres à l’appui, on n’a jamais prélevé autant de bois. Pas forcément en tant que source d’énergie, mais pour étayer les mines de charbon. Le constat semble donc assez pessimiste : une énergie n’en chasse pas une autre, mais en renforce au contraire la consommation. Personnellement, je n’en tire pas du tout la conclusion que tout est fichu, mais au contraire qu’il faut bien examiner les conditions dans lesquelles on peut dénouer ces symbioses."



Lire Serge Audier

Lucile Schmid, créée le 18-02-2024

"Je vous recommande de lire ou relire Serge Audier, et notamment cette trilogie magnifique, qui commence par La société écologique et ses ennemis, qui continue avec La cité idéale et se termine avec La République écologique. Audier nous explique que l’utopie sociale existe de très longue date sur les questions écologiques, et comment elle a toujours été cantonnée dans des limites. Aujourd’hui, il s’agit de lui permettre de s’épandre, en trouvent le lien avec les institutions. C’est une longue aventure que cette lecture, mais elle en vaut la peine."



Splann !

Philippe Meyer, créée le 18-02-2024

"Je voudrais recommander un site qui mène des enquêtes journalistiques d’utilité publique en Bretagne une des régions les plus industrialisées du monde, pour ce qui est de l’agroalimentaire, en français et breton. Ce site s’appelle Splann !, il est indépendant, fiancé par ses lecteurs. Depuis 2021, il a déjà produit nombre d’enquêtes fort intéressantes, sur le comportement de la SAFER, sur une société d’implantation d’éoliennes, sur les mégaporcheries, sur la méthanisation. Marraine de ce média, Inès Léraud, autrice, avec Pierre Van Hove de l’enquête en BD qui a fait quelques bruit, Algues vertes, l’histoire interdite (éditions Delcourt, 2019). Elle est convaincue, « qu’en s’implantant sur un territoire et en le sillonnant à fond », il est possible d’explorer des sujets « qui ne sont plus traités, par lassitude, parce qu’ils sont sortis des radars, ou pour des raisons plus inavouables ». Des poursuites en diffamation intentées contre elle par des représentants de l’industrie agro-alimentaire, ont été abandonnées après qu’un collectif de journalistes se soit constitué pour la défendre. Ce collectif a donné naissance à Splann !"


À propos de la cérémonie des César

Philippe Meyer, créée le 11-02-2024

"J’ai reçu d’un auditeur cinéaste une copie d’un communiqué émis par l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma le 23 janvier 2024. Il est intitulé : Non-mise en lumière d'une personne éligible aux César en cas de mise en cause judiciaire Un consensus s’est dégagé pour décider que dans l’hypothèse d'une mise en examen ou d’une condamnation judiciaire d’un·e participant·e à un film éligible pour des faits de violences, notamment à caractère sexiste ou sexuel, la personne ainsi mise en cause ne ferait l’objet d’aucune mise en lumière. En pratique, sans préjudice de la présomption d’innocence, la personne mise en examen ou condamnée ne sera invitée à aucun de ces événements organisés par l’Association. La révélation de la décision de mise en examen ou de condamnation pénale pourra être le fait de la publicité donnée à une affaire par les médias nationaux. Cette révélation pourra également venir de la victime partie civile ou de son avocat, qui pourront contacter à cet effet le secrétariat de l'Académie (…) Enfin, si à l'issue des deux tours de scrutin, les membres votants de l’Académie décidaient d’attribuer un César à une personne faisant l’objet d’une mise en cause judiciaire, ce vote ne donnerait lieu à aucune remise de César sur scène ni à aucun discours par ou pour la personne concernée, qui ne bénéficiera d’aucun parcours presse ni d'aucune mise en avant sur les différents supports de l’Académie.
D’un commun accord entre le Bureau et la Chambre des Représentants de l’Académie, il a enfin été décidé que la réflexion se poursuivrait après la Cérémonie 2024, afin d’évaluer ce nouveau dispositif et d’étudier toutes les pistes qui pourraient permettre de l’augmenter, tout en s’inscrivant dans le strict respect du droit des personnes mises en cause. En écho, ce tweet de mon confrère Hubert Huertas Il est étonnant à observer cet hommage absolu à Robert Badinter de la part d'une société qui pratique ce qu'il a dénoncé toute sa vie: la condamnation à mort (sociale), sans jugement, au nom de « la victime » qui devient le juge, l'avocat général et le jury. Ces dernières années, devant la cascade de dénonciations-condamnations dans les affaires de viols ou d'abus sexuels, Badinter le disait, avec sa femme Elisabeth, et tous deux étaient renvoyés à leur état de bourgeois réactionnaires par ceux qui enterrent aujourd'hui le flamboyant Robert, en le couvrant de fleurs."