Les brèves

Guerre

Nicolas Baverez, créée le 22-05-2022

"L’Histoire peut produire des raccourcis ou des téléscopages étonnants, et il est vrai qu’au moment où la guerre est de retour sur notre continent, on publie le roman Guerre de Louis-Ferdinand Céline, écrit en 1934, volé en 1945, et réapparu un peu par miracle. Il raconte la convalescence de Céline à l’hôpital d’Ypres, après sa blessure de 1914. Il s’agit incontestablement d’un texte très puissant, que je recommande car il contient tout ce qui constitue la grandeur tragique de Céline : une écriture tout à fait singulière, et une capacité à décrire la dureté, la violence et les séquelles que laissent la guerre."


Hommage à Roselyne Bachelot

Philippe Meyer, créée le 22-05-2022

"J’aimerais rendre hommage à l’action de Roselyne Bachelot à la tête du ministère de la Culture.. Mme Bachelot est venue à ce micro avant d’être ministre, et plusieurs fois à nos émissions en public, tout le monde sait donc qu’elle entretient avec cette émission d’anciennes relations d’amitié. Je suis personnellement très attentif depuis longtemps à ce qui se passe au ministère de la Culture, et je dois dire que cela faisait longtemps qu’on y espérait quelqu’un capable de traiter les problèmes de fond, comme la question des droits d’auteurs ou des défis du numérique, tout en étant à la fois capable de tenir tête à d’autres ministères. On n’imagine pas ce qu’a été la bataille pour soutenir le monde du spectacle vivant pendant la crise sanitaire, pour permettre que les industries culturelles et les théâtres continuent de vivre…Certains, parmi les plus intéressés par ce sauvetage l’ont imaginé si peu qu'ils se sont revêtus de gilets jaunes de grands couturiers pour aller crier famine à la soirée des César … Le travail accompli par la ministre sortante demande de connaître parfaitement les rouages de l‘Etat et de l’administration, ainsi qu’une solide détermination politique. Rien de tout cela n’a manqué à Mme Bachelot, pas plus que le flair quand il s’est agi des nominations, au Festival d’Avignon, au Louvre, à Orsay, à Beaubourg …"


Lettres et carnets de Charles de Foucauld

David Djaïz, créée le 15-05-2022

"Aujourd’hui Charles de Foucauld est canonisé au Vatican. C’est un personnage qui me fascine depuis longtemps, car il a une vie qui fait penser à celle d’Ignace de Loyola. Une vie en plusieurs étapes : d’abord on est dans le monde, dans la dissolution et la dispersion. Foucauld avait bien commencé de ce point de vue : issu d’une famille de l’aristocratie alsacienne, élève de Saint Cyr, amateur de belles femmes et de bonne chère. Ensuite il y a le tournant spirituel : il traverse le Maroc déguisé en rabbin, et c’est le début de son exploration spirituelle mais aussi de sa curiosité géographique et ethnographique. Enfin, après un processus qui l’amènera dans les plus beaux endroits, de l’Ardèche au Hoggar en passant par Jérusalem, il devient ce grand chrétien dont la mort reste mystérieuse, plus de 100 ans plus tard. Je recommande de lire ses carnets, immense témoignage de sagesse. C’est l’histoire d’un chrétien, d’une reddition progressive. "



Autoportrait aux fantômes

Philippe Meyer, créée le 15-05-2022

"Je voudrais recommander un livre d’une particulière poésie. Le 16 novembre 2017 l'expression nègre littéraire a été officiellement bannie de notre langage au profit de prête-plume. Les Anglais et les Américains disent ghost writer : écrivain fantôme. On peut, et c'est mon cas, préférer cette seconde appellation. Didier Blonde a été à un moment de sa vie écrivain fantôme. Aujourd'hui il est devenu écrivain de fantômes. Habitués des longues errances sans boussole dans Paris et à des associations d'idées floues ou plutôt à des associations d'idées fixes floues, il orpaille les souvenirs, collectionne les absences, retrouve ceux et ce qui ont et qui a disparu, hommes, femmes, rues, immeubles, il fait sortir des actrices de la pellicule, il s'interroge sur ce qui est immuable et sur ce qui est fugitif, il se tient à la lisière des deux, dans un no man’s land qu’il repeuple et qu’il invite à repeupler à sa suite, chacun d’entre nous avec ses fantômes personnels et ceux qu’il découvrira ou qu’il imaginera en suivant l’exemple de Didier Blonde."


Anniversaire du journal l’Opinion

Jean-Louis Bourlanges, créée le 15-05-2022

"Jeudi dernier, le journal l’Opinion a célébré son anniversaire. J’aimerais le saluer, car l’affaire engagée par Nicolas Beytout n’était pas évidente. Je craignais que cela ne dure que quelques mois, or c’est un organe de presse qui a atteint une certaine vitesse de croisière. C’est un journal très intéressant, car d’un type assez particulier. Le journal de mon enfance, c’était France-Soir. On y apprenait les nouvelles. Peu à peu, on s’est informé autrement : par la télévision, les radios, internet, etc. Au point que nous sommes désormais saturés d’informations. Que devient la presse dans ce cas là ? C’est là que l’Opinion a fait un pari intéressant, puisqu’il il s’agit en quelque sorte d’une revue quotidienne. Cela donne le type d’information disponible dans une revue : un sujet creusé en profondeur. Des articles de fond, mais au quotidien. C’est un format limité, mais cela nous permet d’avoir un complément très utile au martèlement médiatique que nous vivons tous les jours. Longue vie à l’Opinion !"



Le Liban du mythe phénicien aux périls contemporains

Akram Belkaïd, créée le 08-05-2022

"Daniel Meier vient de publier ce livre, consacré au Liban. C’est fait sous une forme très pédagogique et c’est une lecture assez stimulante. On y explique par exemple que l’origine phénicienne des libanais est largement mythique, et qu’elle est due en bonne partie à l’écrivain Ernest Renan. Mais il y a des choses plus récentes, comme l’explosion du port de Beyrouth en août 2020. Le Hezbollah a été beaucoup accusé, mais on se rend compte qu’en réalité les responsabilités sont multiples. On y trouve aussi une analyse fine du rôle de la Syrie dans ce pays depuis plusieurs décennies."


Cendrillon

Philippe Meyer, créée le 08-05-2022

"Ma deuxième recommandation est pour un spectacle déjà assez ancien, mais que je n’avais pas encore vu. Cette pièce écrite et mise en scène par Joël Pommerat se joue au théâtre de la Porte Saint-Martin. Les trouvailles de mise en scène et de jeu sont très réussies, on remarque aussi la qualité des acteurs, des costumes, des lumières, bref tout est impeccable. Mais c’est surtout le fait que cette réussite formelle est au service du contenu. Jean-François Revel disait que ce qu’on cherche dans la poésie est un « voyage en tristesse » dont on sort rasséréné. Il y a quelque chose de cela dans la manière dont Pommerat regarde ce conte, et dont les éléments les plus tristes ne sont généralement considéré comme la mise en valeur d’une fin heureuse."


La République et les sauveurs

Jean-Louis Bourlanges, créée le 08-05-2022

"Je vous recommande ce livre de Gérard Grunberg. L’auteur s’était déjà signalé par une allergie assez sévère à Napoléon Ier. Dans ce livre, il s’interroge sur la tendance de ce peuple (qui a guillotiné son monarque absolu) à recourir épisodiquement à des sauveurs. Il en distingue cinq : les deux Napoléon, Boulanger, Pétain et de Gaulle. Il bâtit une typologie des raisons qui mobilisent l’appel des Français au sauveur : un état de crise, le goût pour l’Etat, une attente très forte d’autorité, une proximité entre le héros national et l’armée … Il regarde tout cela avec beaucoup de méfiance. On peut cependant critiquer sa démarche peut-être trop unifiante, je suis par exemple très sceptique sur le rapprochement entre Pétain et de Gaulle, ou même entre Pétain et Napoléon. Et puis il y a toute gamme de « demi-sauveurs », comme Gaston Doumergue ou Clémenceau. Grunberg finit par s’interroger sur le cas de Macron : est-il un sauveur ? Est-il un républicain ? La Vème République a greffé l’esprit du sauveur sur la République traditionnelle avec une gamme de solutions intermédiaires, qu’on appelle le présidentialisme à la française, dont il faut reconnaître qu’il est en difficulté. Personnellement, mon héroïne est la Reine d’Angleterre : presque 80 ans d’un dévouement absolu à une inexistence politique tout aussi absolue."


Misère(s) de l’islam de France

Béatrice Giblin, créée le 08-05-2022

"Je vous recommande cet ouvrage de 2017, qui vient d’être republié. L’auteur Didier Leschi est un haut fonctionnaire, ancien Préfet et actuellement directeur de l’Office français de l’immigration et de l’insertion. Il a un regard à la fois bienveillant et critique sur ces misères de l’islam de France. Il se demande pourquoi l’islam moderniste ne progresse pas véritablement dans l’ensemble de la population musulmane française. Beaucoup d’intellectuels musulmans écrivent des ouvrages remarquables, mais ils sont à une distance lointaine de ce que vit le musulman pratiquant moyen. Il est important et utile de réfléchir à ce problème, ainsi qu’au rôle relativement faible que tiennent les imams (à part quelques-uns très médiatisés) dans l’accompagnement d’une modernisation."


Se libérer de la domination des chiffres

Lucile Schmid, créée le 01-05-2022

"Si je vous conseille ce livre, ce n’est pas seulement parce que j’ai regardé le débat d’entre-deux tours, où Emmanuel Macron maîtrisait tous les chiffres par rapport à Marine Le Pen qui semblait paniquer dès qu’il s’agissait d’en évoquer un. On apprend la construction qu’il y a derrière chaque chiffre, sinon idéologique du moins philosophique, notamment à propos du chômage ou de l’inflation. Il y a une anecdote passionnante sur la façon dont l’Insee a retenu pendant plusieurs mois le calcul de la baisse du chômage en France entre 2004 et 2006. Nicolas Sarkozy expliquait qu’il avait baissé de deux points, et l’Insee a accepté de donner ces chiffres en septembre 2007 (après l’élection présidentielle) : les deux points s’étaient réduits à un demi-point. Cela nous montre comment la technocratie est utile en démocratie, comment nous devons veiller à empêcher la manipulation des chiffres."