Les brèves





Clôture du procès des attentats de 2015

Philippe Meyer, créée le 10-07-2022

"Ces derniers mois s’est tenu à Paris le procès des attentats de novembre 2015. Au milieu de toute cette agitation, des errances d’un certain nombre d’institutions, de la muflerie dont nous parlions plus haut, de la montée du scepticisme voire de l’agressivité à l’égard des règles de la vie commune, il y a eu autour de ce procès un extraordinaire respect de ce qui fonde les règles de la démocratie, et plus précisément de sa justice. Dans la manière les victimes et les accusés ont pu s’exprimer et être défendus, ce fut une espèce d’îlot, quelque chose qui nous permet de nous représenter au nom de quoi la démocratie doit être non seulement respectée, mais consolidée. Marginalement, dans ce procès, la Belgique a été très présente à travers sa police. On a vu à quel point les institutions belges étaient dans un état de déréliction épouvantable. La Belgique est la plaque tournante de la drogue et du terrorisme. On a beaucoup rigolé quand le pays a été privé de gouvernement pendant plus de 500 jours, mais cela n’a pas été sans effet. L’extraordinaire bureaucratisation et pétrification des institutions belges qui en ont résulté ont abouti à faire de la police belge une passoire. La façon dont elle a été déshonorée a été révélée de façon flagrante lors des témoignages du procès. Pourtant, je n’en conserverai pas moins et d’abord quelque chose qui s’est un peu estompé dans les médias, le fait que ce procès a eu une tenue extraordinaire, et que des citoyens, des avocats et des magistrats ont pu faire vivre notre démocratie. Comme le disait Bernanos dans le dialogue des Carmélites : « ce n’est pas la règle qui nous garde mais nous qui gardons la règle »."


Saint-Germain ou la négociation

Isabelle de Gaulmyn, créée le 10-07-2022

"En ces temps de pouvoir d’achat difficiles, je recommande la lecture (ou la relecture) de ce petit livre qui obtint le prix Goncourt en 1958. Il est signé d’un Belge, Francis Walder. C’est un petit bijou, on y voit comment fut négociée la fin de la troisième guerre de religion, entre un catholique, M. de Malassise et un protestant, M. de Biron. C’est une histoire vraie, dont il paraît qu’elle a longtemps été recommandée à tous les futurs diplomates. Comme on a aujourd’hui du mal à négocier et à trouver des compromis, on se dit que cette lecture ne peut qu’être profitable. "


Pour en finir avec l’apocalypse Une écologie de l’action

Lionel Zinsou, créée le 10-07-2022

"Pour remonter le moral de tous, je vous recommande cet ouvrage de Guillaume Poitrinal. C’est une sorte d’éloge et de prophétisme quant à la croissance possible dans la transition énergétique. C’est également un violent pamphlet contre la décroissance. J’ai d’ailleurs été un peu surpris, car l’auteur y cite l’encyclique Laudato si’, en indiquant que même le pape François a fait l’éloge de la décroissance … On y évoque également Delphine Batho ou Sandrine Rousseau. L’auteur est l’un des plus jeunes patrons du CAC40, qui a peut-être mauvaise conscience d’avoir bétonné la planète, ayant quelques temps dirigé Unibail-Rodamco. Pour sa rédemption, il a quitté cette position très enviée, a créé Woodeum, et ne travaille plus aujourd’hui qu’avec du bois. C’est surtout un chef d’entreprise hyper-pragmatique, qui donne 50 raisons et exemples à propos de tout ce qui va permettre de combiner une croissance au service de la réduction des inégalités, tout en étant bas carbone. Une sortie du manichéisme à propos de la transition énergétique. Très stimulant."


Purity

Lucile Schmid, créée le 10-07-2022

"Je vous recommande cette semaine un roman, paru juste avant l’élection de Donald Trump. Jonathan Franzen a écrit un véritable « page-turner », qu’on ne peut plus lâcher malgré ses 700 pages. L’héroïne, appelée Purity, va rencontrer Andreas Wolf, une espèce de double de Julian Assange. C’est une réflexion sur la question des réseaux sociaux, des médias et de la démocratie. On y découvre une Amérique qui n’est pas celle du noir et blanc, où la transparence affichée ne fait que mieux montrer que le secret est partout, et que ceux que tout a l’air d’opposer sont en fait pris dans des interactions complexes. Outre ce style américain si délectable, on y trouve une Amérique complexe, éternelle, telle qu’on l’aime. On voit bien que la question morale ne sert qu’à éviter la complexité de penser le politique. Il y a aussi une vraie réflexion sur le journalisme, avec une figure de journaliste « à l’ancienne », bien plus intéressant que les réseaux sociaux."


Départ de Boris Johnson

Jean-Louis Bourlanges, créée le 10-07-2022

"L’actualité ne m’a pas laissé le temps de lire quelque chose qui vaille d’être recommandé à nos auditeurs, mais je voulais dire un mot de la chute de Boris Johnson. Elle est très intéressante à observer, puisque nous avons là un homme qui a fondé sa carrière et son succès sur un impressionnant mélange de mensonges, de mythomanie, de caprices, de provocation, d’immoralité … Toutes les qualités nécessaires pour gérer ce choix fondamentalement absurde que fut le Brexit. Oscar Wilde disait du mariage que c’était « faire face ensemble à des problèmes qu’on n’aurait pas eus tout seul ». Le Brexit, c’est l’inverse. Boris Johnson n’a pas réussi à faire face tout seul à des problèmes qui ne se seraient pas posés si nous étions restés ensemble. "


Terres de sang, l’Europe entre Hitler et Staline

Marc-Olivier Padis, créée le 03-07-2022

"Je voudrais parler d’un livre qui a fait date, de l’historien américain Timothy Snyder. Gallimard vient d’en publier une édition augmentée, il y a désormais une substantielle postface de l’auteur, à la lumière des évènements récents. Le mérite de ce livre est d’avoir attiré l’attention sur un espace européen très particulier : tout ce qui se situe à l’est de l’Allemagne et à l’ouest de la Russie : la Pologne, la Biélorussie, l’Ukraine, les pays baltes, qui ont été balayés à la fois par la terreur soviétique et la terreur nazie, l’Holocauste, la grande famine, les exterminations de populations civiles pendant la guerre … Ces « Terres de sang » ont connu la mort de plus de 14 millions de personnes entre 1933 et 1945. L’ouvrage est un renouvellement du regard historique sur le continent, on se rend compte qu’il y a là un trou noir dans notre mémoire collective. Ce qui explique sans doute que Snyder ait été capable de mettre en avant ces aspects peu connus et insuffisamment travaillés de cette période noire, c’est qu’il parle six langues. Et quand on regarde sa bibliographie, on voit des sources en anglais, en allemand, en français, en ukrainien, en russe et en polonais. Cela donne à son travail historique une ampleur absolument admirable. "


Le sumac, dix façons de le préparer

Akram Belkaïd, créée le 03-07-2022

"Je vous propose un ouvrage culinaire pour apporter un peu de légèreté à nos conversations de cette semaine. Il est signé de Claire Bastier, une journaliste qui connaît très bien le Proche-Orient. Elle a écrit un petit livre sur le sumac et les façons de le préparer. Pour ceux qui ne le connaissent pas, le sumac une épice astringente, très présente dans les plats du Proche-Orient. Il y a bien entendu le côté festif et convivial d’un livre de recettes, mais comme toujours, la cuisine raconte une région et une société. Un peu d’évasion dans cette période estivale, tout en prenant connaissance d’une approche culinaire encore peu répandue en France. "


D-Day Land

Philippe Meyer, créée le 03-07-2022

"Nous avons discuté de questions mémorielles aujourd’hui, j’y rattacherai ce phénomène normand du « D-Day Land », une espèce de parc d’attractions autour du débarquement, contre lequel beaucoup de gens et notamment les derniers survivants du débarquement se sont élevés. Le Monde a récemment publié un article de Clémentine Goldszal sur le promoteur de ce projet, Roberto Ciurleo. On y apprend que si les maires qui soutiennent le projet le font pour qu’on parle de leur commune, cela ne se passera peut-être pas comme ils l’espèrent, ils risquent plutôt de figurer dans les pages judiciaires. On voit bien les ravages de la communication dans cette affaire, on voit aussi à quel point tous ceux qui ont idéalisé les maires et le fonctionnement des mairies, président de la République inclus, se mettent le doigt dans l’œil, et sacralisent des responsabilités qui méritent d’être passées au crible de la critique et de l’analyse, comme toutes les autres. Ce « Parc Astérix » du débarquement n’est pas seulement une gifle pour tous ceux qui ont participé à l’évènement, c’est aussi une illustration absolument exemplaire des ravages de la communication dans les modes de gouvernement, même à leur premier niveau, celui des municipalités. "