LES INTERVENANTS

Michaela Wiegel

Correspondante à Paris du Frankfurter Allgemeine Zeitung.

 

Les brèves proposées par Michaela Wiegel:

Angela Merkel, l'ovni politique

"Pour tous ceux qui s'intéressent à l'Allemagne et à la France je conseille ce livre de Marion Van Renterghem. Le titre est la seule chose qui me dérange un peu, en tout cas elle démontre que cela fait du bien d'avoir un regard de loin sur un personnage. Pour moi c'est la meilleure biographie jamais écrite sur Angela Merkel car elle montre à quel point ce sont les valeurs qui distinguent la femme politique. Elle a aussi recherché dans son expérience de la dictature en ancienne RDA les clefs de cette lecture. Je n'ai pas lu en langue allemande d'enquête plus convaincante de cette personnalité."


Was ist das ?

"Was ist das ? C’est le titre d’une des chroniques d’une Française à Berlin, en l’occurrence Pascale Hugues et elle décrit vraiment de façon très drôle et souvent révélatrice les différences de vie entre les Français et les Allemands et elle le fait à travers de petits voyages y compris en France. Par exemple elle décrit comment un jour lors des journées du Patrimoine elle a visité le Palais de l’Elysée et elle met en avant le contraste avec la sobriété de la Chancellerie et la non fascination autour de ce ‘palais’ de la république allemande. Et donc je recommande ce livre qui vit des observations de tous les jours."


La Communauté

"Je voulais recommander le livre qu’ont publié deux journalistes du Monde, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, qui est intitulé La Communauté, et j’espère que cela va vite être traduit en allemand parce que c’est un récit qui montre comment une ville, Trappes, a pu devenir la plus grande pépinière de djihadistes d’Europe. C’est surtout un récit qui montre le déni de tous les acteurs, de tous ceux qui pouvaient voir, mais qui ne voulaient pas voir, et c’est sans jugement moral en permanence, c’est vraiment très descriptif, et je trouve que cela mérite aussi d’être lu aussi ailleurs, nous sommes dans une autre étape de l’immigration, parce que cela montre ce qu’il ne faut pas faire pour ne pas arriver à une situation comme à Trappes."


La ruée vers l'Europe

"Je voulais parler d’un livre très dérangeant et dont je ne sais toujours pas ce que je dois en penser. Il faut qu’il soit lu tout de même. C’est écrit par Steven Smith qui était longtemps spécialiste Afrique pour Libération, il est américain d’origine mais il écrit parfaitement en français. Il a écrit un livre qui s’appelle La ruée vers l’Europe et qui au fond non-seulement décrit les flux migratoires qui doivent venir d’Afrique vers nous mais qui questionne également notre réflexion sur tout ce que nous considérons comme aide au développement. Il considère que nous nous trompons lourdement et justement le fait qu’une bonne partie de la jeunesse africaine soit mieux qualifiée aujourd’hui qu’avant va faire accélérer encore une fois l’attractivité de l’Europe donc lisez-le et formez-vous votre opinion."


Clemenceau par Joseph Roth

"La France s’apprête ce 11 novembre à recevoir un grand nombre de chefs d’État et de gouvernement dont Donald Trump et Vladimir Poutine pour commémorer les 100 ans de l’armistice. J’ai retrouvé un très beau texte de Joseph Roth, ce grand écrivain autrichien, sur Clemenceau. Ce texte est remarquable car il est rare dans le monde germanophone de faire l’éloge de Clemenceau. Ce texte montre à quel point Joseph Roth avait compris que Clemenceau avait raison lorsqu’il avait mis en garde sur les suites du traité de Versailles et sur la dangerosité de l’Allemagne qui avait en quelques sortes prévu qu’un nouveau conflit éclaterait. Je recommande donc ce texte. "


Karambolage

"Je retourne dans le franco-allemand avec ma brève. Si vous vous êtes déjà posé la question : pourquoi nous les allemands ne mangeons pas notre oeuf à la coque comme vous les français ? ou des choses plus sérieuses comme : pourquoi le Bundenstag fonctionne si différemment de l’Assemblée nationale ? C’est dans l’émission Karambolage sur ARTE que vous trouvez toutes ces réponses. C’est un programme très drôle et qui va fêter sa 500ème émission. J’en profite pour rappeler l’existence de ce programme où l’on en apprend beaucoup sur nos différences mais aussi sur ce qui nous rassemble avec humour. "


Cet étrange nazi qui sauva mon père

"Je voudrais recommander le livre de François Heisbroug, le spécialiste des relations internationales des questions de sécurité qui est un livre très personnel. Il s’intitule cet étrange nazi qui sauva mon père. Il traite de Franz von Hoiningen qui, je vous rassure, n’est pas très connu en Allemagne non plus. Il a sauvé des centaines de juifs et de résistants et, parmi eux, le père de François Heisbourg, Georges Heisbourg. C’est une étude très intéressante sur ce qu’appelle François Heisbourg, la banalité du bien, c’est à dire malgré tout des gens qui, dans un régime dictatorial, ont essayé, même en affichant en quelque sorte leur adhésion à ce régime, à faire quelque chose pour les autres. Ça se lit d’une traite. "



La Neustadt de Strasbourg : Un laboratoire urbain (1871-1930)

"A l’heure où la présidente de la CDU en Allemagne a encore remis en question le siège du parlement européen à Strasbourg, je voulais recommander un très beau livre «La Neustadt de Strasbourg : Un laboratoire urbain (1871-1930) ». Cela montre à quel point Strasbourg est une ville franco-allemande. C’est une redécouverte de l’héritage allemand et de l’esprit d’ouverture de la ville. Français comme allemands devraient lire ce livre. "



« Neger », « Fidschis » und die Heuchelei der Linken

"A près cette attaque à Halle en Allemagne, beaucoup s’interrogent. J’ai retrouvé un texte de Freya Klier, publié dans Die Welt en 2011, détaillant comment l’antisémitisme a été toléré en RDA. A entendre la mère de ce terroriste d’extrême-droite, qui déclare que son fils n’est pas antisémite, mais « seulement contre tous ceux qui dirigent la finance internationale ». Ce texte mériterait d’être publié en Français"



Les grands textes qui ont inspiré l’Europe

"Je voudrais recommander un livre qui a été publié en deux langues : en français et en allemand et qui a pour titre : Les grands textes qui ont inspiré l’Europe. C’est très éclairant de relire ces textes. J’ai été notamment par un texte qu’a écrit Stephan Zweig en 1932 : « La désintoxication morale de l’Europe » qu’il devait prononcer lors d’un congrès européen à l’Académie de Rome. Il ne l’a jamais prononcé car Herman Goering était également annoncé comme intervenant. C’est un texte très fort qui montre qu’on a retrouvé ce besoin de désintoxication moral aujourd’hui."


Winston : comment un seul homme a changé l’Histoire

"Je retourne au Brexit et à Boris Johnson, et je recommande la lecture de son livre « The Churchill factor », publié en français sous le titre « Winston : comment un seul homme a fait l’Histoire ». C’est très intéressant de relire comment Johnson explique à travers Churchill l’histoire de la Grande-Bretagne. On peut se dire que le fil rouge est probablement l’explication de l’erreur de Johnson : il pensait que son arrivée pouvait changer le cours le de l’Histoire, et on voit aujourd’hui les limites de cette démarche. "


Der Klang von Paris

"Un très beau livre qui n’est pour le moment paru qu’en langue allemande, mais qui mériterait vraiment une version française, dont je traduirais le titre par : « le son de Paris ». C’est un livre sur Paris, capitale musicale du monde au XIXème siècle. Il raconte l’histoire de la ville à travers ses compositeurs : Berlioz, Rossini, Meyerbeer, Wagner, Chopin, Offenbach ou Pauline Viardot. C’est en même temps une histoire européenne de la musique, et on ne se souvient pas assez de cette magnifique tradition française."



To build a better world

"Je voulais recommander un livre qui attend sa traduction française, écrit par l’ancienne secrétaire d’état américaine Condoleezza Rice, avec un autre professeur, responsable à l’époque de la commission sur le 11 septembre, Philip Zelikow, et dont le titre est littéralement « construire un meilleur monde ». C’est un ouvrage très complet sur le monde après la chute du mur et du rideau de fer. J’ai trouvé particulièrement intéressant le chapitre sur l’OTAN, parce ces deux auteurs montrent à quel point à l’époque, les Américains étaient conscients des changements qui devaient intervenir dans l’alliance suite à la disparition de l’ennemi soviétique. Ils montrent étape par étape tout ce qui a été fait. Il est très utile de se le remémorer alors que le débat est à nouveau en cours, et qu’on entend que beaucoup que l’OAN n’aurait pas changé depuis la fin de la guerre froide. "


Von Erbfeinden zu guten Nachbarn (Des ennemis héréditaires aux bons voisins)

"Je retourne aux barricades, à l’occasion des 150 ans de la guerre de 1870. Ce petit livre, bientôt publié par Fayard, de deux historiens Hélène Miard-Delacroix et Andreas Wirsching : Von Erbfeinden zu guten Nachbarn (Des ennemis héréditaires aux bons voisins). C’est un livre très instructif, il s’occupe des éléments qu’on a un peu oubliés, par exemple comment, après la guerre de 1870, il y eut une sorte de regard sur l’Allemagne, qu’on retrouve aujourd’hui (même s’il est déprimais vidé d’envies revanchardes), un mélange d’admiration et de détestation. Instructif donc, mais aussi amusant. J’aimerais raconter une blague par laquelle commence l’ouvrage, sur la famille Lagarde, renommée en 1871 en « Wache » (qui veut dire : « la garde »), écrit avec un « W » mais prononcé comme « vache ». Du coup, après la première guerre mondiale, cette famille est renommée « vache ». En 1940, on la renomme « Kuh », et en 1945, la prononciation change, on passe de « Cou » à « Cul » ... Réjouissons-nous donc que Christine Lagarde n’ait pas vécu en Alsace ... "


Revue « Zadig » (numéro 5)

"Je recommande le dernier numéro de Zadig sur « Ces maires qui changent la France » et plus particulièrement la « fiche de lecture » de l’historienne Mona Ozouf sur « La crise allemande de la pensée francaise ». 150 ans après la guerre franco-allemande (« une guerre presque oubliée », dit Ozouf) elle a relu le livre de Claude Digeon sur la blessure intellectuelle que constituait la victoire éclair de la Prusse. « Il s’agit de l’effondrement brutal des deux images, celle de l’Allemagne, celle de la France », observe Ozouf. Sommes-nous à nouveau à un tel changement de perception entre nos deux pays ?"


Une certaine idée de l’Europe

"Retour à l’Europe pour ma part. J’ai relu ce petit essai de Georges Steiner, disparu juste avant la crise du Covid-19. Quand on s’y replonge, on voit bien tout ce que cette crise a suspendu. Sa grande idée est de dire que ce sont les cafés qui font l’Europe. Dessinez la carte des cafés, vous obtiendrez l’un des jalons essentiels de la notion d’Europe. Il écrit : « la dignité de l’Homme, c’est la découverte de la sagesse, la quête d’un savoir désintéressé, la création de beauté. Gagner de l’argent et inonder nos vies de biens matériels de plus en plus dénués d’intérêt est une passion profondément vulgaire et dévastatrice ». "



Discours de Eichard von Weizsäcker

"Je voulais vous recommander un discours disponible en français sur le site de la présidence allemande, c’est celui que Richard von Weizsäcker a prononcé en 1985, et à l’époque, quand il a parlé pour la première fois du 8 mai comme une libération pour les Allemands, il avait été mal compris. Aujourd’hui il a fait son chemin, je crois qu’il faut le relire, et prendre conscience du long cheminement qu’a effectué l’Allemagne avec la France et avec l’Europe."


L’action publique face à la crise du Covid-19

"Alors que les différentes commissions d’enquête parlementaires commencent à propos de la crise sanitaire, je vous recommande une note très complète et constructive de l’institut Montaigne, écrite par Nicolas Bauquet. Il a synthétisé tout ce qui ne fonctionnait pas dans l’action publique pendant cette crise, et il en tire des conclusions assez surprenantes : ce n’est pas tant l’Etat jacobin qui est fautif, mais plutôt le fait que cet Etat jacobin n’a plus les moyens d’exercer un pouvoir centralisé. Partant de là, il serait bon de donner un peu de chair à la décentralisation qu’Emmanuel Macron vient d’évoquer."


L’Europe, par delà le Covid-19

"Nous nous sommes souvent interrogés à ce micro sur les fondements idéologiques du macronisme, nous moquant parfois des tentatives de ses conseillers de le définir comme un progressisme. C’est pourquoi j’aimerais saluer l’excellent essai de Clément Beaune, le premier vraiment sérieux, où sont étudiées les bases de la politique européenne d’Emmanuel Macron. J’ai l’impression qu’il y a là ce pilier du macronisme que nous nous sommes évertués à chercher. Lisez-le, c’est un très long papier mais une excellente analyse de ce qui constitue l’exception de Macron."


The truths we hold An American journey

"J’aimerais vous recommander le livre qu’a écrit la future vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, pas encore traduit en français, mais qui contient de nombreuses anecdotes sur son apprentissage du français. Elle explique qu’elle ne connaissait au départ que le mot « demi-plié » car elle faisait de la danse classique. Quand elle a déménagé à Montréal elle a dû apprendre la langue, et raconte qu’ellle avait l’impression de passer ses journées à ne dire que « Quoi ? Quoi ? Quoi ? ». Elle parle désormais très bien le français. "



Annette, une épopée

"Ce livre a gagné le Goncourt allemand, le Deutsche Buchpreis. Il est signé d’Anne Weber, qui vit en France et a assuré la traduction de son livre, d’abord écrit en allemand. Le livre raconte l’histoire d’une résistante française encore de ce monde, Anne Beaumanoir, dite Annette, qui part en Algérie après la deuxième guerre mondiale. Le livre est étonnant parce qu’il est écrit en vers. J’ai été séduite par ce roman, non pas franco-allemand, mais allemand et français à la fois."



Jean-Claude Mourlevat

"Je voulais vous parler d’un autre prix littéraire, le prix ALMA (Astrid Lindgren Mémorial Award). Il a cette année été décerné à un Auvergnat, Jean-Claude Mourlevat, pour l’ensemble de son œuvre. Ses livres s’adressent à la jeunesse, mais sont tout de même très plaisants pour les lecteurs adultes. L’auteur est un ancien professeur d’allemand, qui a commencé par traduire des romans pour la jeunesse de l’allemand vers le français. Parmi ses livres les plus connus, citons l’enfant-océan, le chagrin du roi mort, le combat d’hiver. Ses récits sont hors du temps, ils traitent de sujets très profonds (la vulnérabilité, la guerre, le désir, l’amour ...) dans un langage aussi simple que beau. "


13 novembre

"Alors que s’ouvre le procès des attentats du 13 novembre 2015, je voulais vous recommander un livre intitulé 13 novembre, résultat d’un programme à mon avis unique dans l’histoire mémorielle, à l’initiative (entre autres) du CNRS, qui regroupe un millier de témoignages étalés dans le temps. L’ouvrage est l’un des premiers résultats de ce travail sans précédent. Par rapport à la multitude de récits déjà existants, très prenants, ce travail offre un certain recul, avec un déroulé très précis. Le livre est très complet, et les bénéfices de la vente financent intégralement ce programme de recherche sur la mémoire."


L’ange et la bête

"J’ai lu avec beaucoup de retard le livre de Bruno Le Maire, ce qu’il appelle des « mémoires inachevées ». C’est parce qu’il a eu la Covid-19 que le ministre, forcé de s’isoler, a trouvé le temps de terminer ce livre. Ce qui m’a le plus intéressé, c’est le portrait qu’il dresse d’Olaf Scholz, le ministre des Finances allemand et favori parmi les possibles futurs chanceliers. Le livre a le mérite de montrer l’homme politique que pourrait être Scholz, c’est un homme qui n’est à l’aise que dans sa propre langue. De son côté, Bruno Le Maire parle très bien l’allemand, et il décrit comment, dans une démarche typiquement française, il a commencé par le flatter, en lui parlant de Thomas Mann. Olaf Scholz, voyant la ficelle, a éclaté de rire. A travers ce portrait, on retrouve assez bien la relation franco-allemande dans toute sa complexité."


Historiciser le mal

"Philippe a commencé l’émission avec un éloge de la traduction que j’aimerais poursuivre. Peut-on, ou faut-il traduire Mein Kampf ? Je voulais rendre hommage au travail de titan du traducteur Olivier Mannoni, qui pendant une dizaine d’années s’est appliqué à restituer la langue d’Hitler dans sa mocheté, dans sa syntaxe détournée. Grâce au travail d’une équipe d’historiens, c’est devenu un livre important pur tous ceux qui veulent comprendre ce qu’a représenté ce livre à l’époque. Les éditions Fayard ont incontestablement eu raison de faire paraître ce livre important."


La France dans le bouleversement du monde

"Cet ouvrage signé de l’ancien diplomate Michel Duclos est vraiment pour moi la meilleure tentative actuelle pour structurer et donner un sens à la diplomatie d’Emmanuel Macron, qui peut au premier abord sembler très contradictoire. Michel Duclos parvient, avec une immense connaissance des traditions diplomatiques passées, à en dégager les grandes lignes. On en apprend également beaucoup sur tous les changements intervenus depuis la chute du mur de Berlin. "


L’Europe changer ou périr

"Nous ne nous étions pas concertés, mais il se trouve que je voulais moi aussi recommander le livre de notre amie Nicole Gnesotto. J’ai été très frappée dans la préface de Jacques Delors, par une phrase : « il s’en est fallu de peu que le Covid-19 ne porte un coup fatal à l’Union Européenne » et le livre part en quelque sorte de ce constat. Nicole analyse de façon très lucide les difficultés qu’il y a à adapter cette construction qui datait d’un monde réellement révolu. Elle montre le chemin que pourrait prendre une diplomatie européenne, intégrant cette Allemagne souvent bien trop pacifiste, mais qui tempère en quelque sorte une France trop prompte aux interventions militaires. J’espère que ce livre sera vite traduit en allemand."


Macron le disrupteur

"Isabelle Lasserre n’est pas seulement une excellente journaliste au Figaro, elle a également écrit ce très bon livre sur la politique étrangère d’Emmanuel Macron. Elle y décortique la méthode Macron, jusqu’à cet épisode où le président français lors de l’Assemblée générale des Nations-Unies, va jusqu’à retrouver un interlocuteur iranien, en pyjama dans sa chambre d’hôtel. Évidemment, l’auteur n’a pas encore eu le temps d’intégrer le récent voyage du président français à Moscou, mais on voit que le président français est persuadé qu’il peut vraiment changer le monde à travers l’action personnelle. "


L’enseignement de l’allemand en France

"Je voulais lancer un cri d’alarme quant à l’apprentissage de l’allemand en France. Ce changement d’époque nous montre l’importance d’une bonne entente franco-allemande pour l’Europe. Malheureusement, les chiffres sont réellement effrayants : il n’y a eu que 85 candidats admissibles au concours du CAPES, pour devenir professeurs d’allemand, pour 215 postes, ce qui n’était déjà pas beaucoup. Après la réforme du bac, nous avons aussi eu les chiffres des élèves qui font une spécialité allemand, c’est à dire qui ont le meilleur niveau : 51. C’est inférieur à la spécialité de latin. L’anglais et l’espagnol dominent presque totalement. Certes, il y a les classes européennes, et le baccalauréat international, mais si l’on veut avoir une connaissance intime de la langue allemande, il faut faire plus d’allemand dans les filières générales."


La guerre entre la France et l’Allemagne redevient possible

"Je voudrais moi aussi cette semaine partager un étonnement, mais aussi une colère. C’est ce que j’ai ressenti à la lecture de la tribune publiée par Jacques Attali, l’un des visiteurs du soir du président Macron. Elle a pour titre : « la guerre entre la France et l’Allemagne redevient possible ». Selon Attali, l’actuelle divergence serait d’une nature très différente d’autres tensions qu’ont pu éprouver les deux pays par le passé. Je ne suis absolument pas d’accord avec son analyse, et je trouve assez néfaste que presque toute la presse actuelle reprenne l’idée que les actuelles divergences à propos de l’énergie sont indépassables. Je pense pour ma part que nos mécanismes de dialogues sont si profonds et multiples que nous parviendrons à surmonter ces divergences. Une guerre entre nos deux pays n’est absolument pas envisageable. "


Enseignement du français en Allemagne

"J’avais déjà alerté à ce micro sur la baisse préoccupante des élèves français qui apprennent l’allemand. 70% des places de professeurs d’allemand n’ont pas été pourvues l’année dernière, par manque de candidats. Aujourd’hui, nous avons les chiffres d’Allemagne, guère plus réjouissants. Il n’y a plus que 15,3% des élèves allemands qui apprennent le français. A la différence de la France, cette langue reste tout de même la deuxième étudiée (derrière l’anglais). Mais l’espagnol monte en puissance, et le latin reste très faible. Ce chiffre global cache des disparités, et c’est probablement la seule note d’espoir. La Sarre, qui a une stratégie très offensive pour l’enseignement du français, a encore 51,2% de ses élèves qui l’apprennent. On voit donc bien qu’il s’agit de volonté politique, puisque qu’en Rhénanie du Nord - Westphalie, un Land tout proche, le chiffre n’est que de 11,5%. "


Die Moskau Connection : Das Schröder-Netzwerk und Deutschlands Weg in die Abhängigkeit

"Je recommande ce livre, qui n’existe pour le moment qu’en allemand, mais mérite vraiment une édition française. Il montre pour la première fois, et de façon extensive, le réseau qu’avait créé Gerhard Schröder à Hanovre avant de devenir chancelier. Et comment ce réseau, déjà fondé sur de très forts liens avec la Russie, a continué de servir des intérêts très divers tout au long du parcours politique de Schröder. Entrepreneurs, approvisionnement de l’Allemagne en énergie, montée des jeunes politiciens SPD … On y apprend comment l’Allemagne de l’ère Merkel a pu glisser dans cette dépendance de plus en plus forte à la Russie, au point de vendre ses plus grands réservoirs de gaz directement à Gazprom, et de se couper de tous les moyens étatiques de prise de décision. Le livre est aussi très éclairant sur le rôle de Mme Merkel, d’abord très clairvoyante, puis qui a accepté de plus en plus de compromis pour maintenir sa coalition."


Macron - Poutine : les liaisons dangereuses

"Je vous recommande ce livre d’Isabelle Lasserre, journaliste au Figaro. Elle y décortique le réseau qui a pu amener des responsables politiques français à s’aveugler sur les véritables intentions de Vladimir Poutine. Elle décrit également cette tendance à envisager la Russie d’une façon qui correspond à un ressenti français, mais pas à la réalité russe. Elle est souvent assez dure dans ses jugements, mais on est mieux armé pour analyser l’actualité après la lecture de ce livre."


Maison Pan-Wogenscky

"Je vous recommande une excursion que j’ai trouvée tout à fait enchanteresse dans la vallée de Chevreuse. Il y a à Saint-Remy-lès-Chevreuse, une maison qu’ont construite ensemble la sculptrice d’origine hongroise Marta Pan et l’architecte d’origine polonaise André Wogenscky, l’un des élèves de Le Corbusier. C’est dans son parc, et encore dans son jus, et il est nécessaire de s’inscrire, mais c’est vraiment une découverte que la visite de cette maison où tout a été soigneusement préservé. Beaucoup de sculptures aussi, dans ce magnifique jardin. Hautement recommandé à tous ceux qui ont besoin de fuir Paris momentanément."


Le piège Nord Stream

"A propos de Nord Stream 2, et comment l’Allemagne a pu amener l’Europe à la suivre. Je voudrais vous recommander deux livres. Le premier est signé de Marion Van Renterghem, et raconte façon thriller comment l’Allemagne, après l’occupation russe de la Crimée, a pu monter (avec l’aide de la France) cette opération Nord Stream. C’est l’histoire d’un aveuglement qui a duré de longs mois, pendant lesquels on est resté sourds aux avertissements des Polonais et des Etats baltes. "


Les aveuglés : comment Berlin et Paris ont laissé la voie libre à la Russie

"Le deuxième livre est celui de Sylvie Kauffmann. Son sujet est plus large, puisqu’elle traite de toute la politique entre l’Europe et la Russie. Et le livre recèle quelques scoops. Martin Schulz, l’ancien président du Parlement européen lui a par exemple confié que c’est Angela Merkel qui a proposé que Gerhard Schröder dirige la compagnie Nord Stream, à cause de ses bonnes relations avec Vladimir Poutine. Cette « bénédiction » de l’ancienne chancelière était jusque là inconnue. Il y a d’autres chapitres fort intéressants, notamment sur la façon dont Nicolas Sarkozy avait humilié le président polonais et les dirigeants baltes de l’époque. "


Enfin libre : grandir quand tout s’écroule

"Alors que la conscience d’une Europe sur le déclin s’aiguise, j’ai trouvé très rafraîchissant ce livre d’une autrice albanaise, Léa Ypi, qui enseigne désormais à Londres. Elle nous rappelle d’une façon extraordinaire tous nos idéaux. Cela commence par sa grand-mère, qui dans l’Albanie communiste ne lui parle qu’en français, cette langue qui constitue un dernier espace de liberté. Ce qui est le plus sympathique dans ce livre, c’est le récit de la découverte de l’Occident, de l’ouverture jusqu’aux envoyés de la Banque mondiale envoyés pour convertir l‘Albanie à l’économie de marché, et comment tout cela a été vécu dans la population, à travers les yeux de l’adolescente qu’elle était alors. Si vous avez besoin d’un message d’espoir, ce livre est fait pour vous."


La grande illusion : journal secret du Brexit (2016-2020)

"En attendant le gouvernement, on peut s’intéresser à la pensée de Michel Barnier, et il se trouve qu’il avait publié son journal de la période du Brexit, et il vient d’être publié en livre de poche. Le livre nous apprend tout de même des choses utiles pour la situation d’aujourd’hui, par exemple ce qu’il pense de Mme Le Pen. Et puis, en fil rouge, on retrouve en France les mêmes angoisses qui ont touché le peuple britannique. On aura donc les mêmes populistes si l’on n’y prend pas garde. "


Vers la guerre ? La France face au réarmement du monde

"Les livres des ministres sont rarement recommandables, mais je voudrais faire une exception pour celui qu’a écrit Sébastien Lecornu, ministre des Armées. Il s’agit d’une réflexion réellement passionnante, avec des détails qui m’avaient échappés. Par exemple, il raconte comment, lors du vote de la dernière loi de programmation militaire, il y eu une coalition ad hoc pour sortir l’Allemagne de la liste des partenaires de la Défense française. Ainsi, une bonne partie des députés du RN et de LFI avaient décidé que l’Allemagne ne devait plus y figurer. Cela n’a pas réussi, mais M. Lecornu décrit cela comme un signal alarmant. Un signe de la fragilité de la relation franco-allemande. "