Les brèves

Zadig n°15

Philippe Meyer, créée le 25-09-2022

"Nous sommes partenaires de l’hebdomadaire Le 1, qui est aussi à l’origine de cette revue trimestrielle. Le dernier numéro s’intitule « que demande le peuple ? » Il y est question de ces cahiers de doléances du Grand débat, censés être le premier pas vers davantage d’attention à la société civile. On y trouve aussi des reportages, comme celui sur les bénévoles du Secours Catholique de Calais. Et pour un sujet moins grave, je recommande une autre de leurs publications, au format tout à fait improbable : « Légendes ». L’un des derniers numéros a été récemment remis en vente, il était consacré à la Reine Elizabeth II."


Les hommes de Poutine

Lionel Zinsou, créée le 25-09-2022

"Je vous recommande la traduction française parue en juillet dernier du livre de Catherine Belton, qui a été un best-seller absolu en langue anglaise. Catherine Belton a longtemps été journaliste au Washington Post, correspondante du Financial Times à Moscou. C’est l’histoire à travers Poutine de la prise du pouvoir du KGB en Russie, de la puissance des réseaux, amplifiés par les liens avec le crime organisé, et de l’utilisation des oligarques. Le livre décrit bien ce qui tient le pouvoir de Poutine et qui s’attaque à l’Ouest depuis bien longtemps, tout cela sur le mode du thriller. Dans le contexte actuel, c’est très éclairant."


Les nuits de la peste

Nicolas Baverez, créée le 25-09-2022

"Je vous recommande le dernier livre d’Ohran Pamuk, qui est superbe. Cela se passe au début du XXème siècle, dans une île imaginaire. Il y est question d’une épidémie, de l‘agonie d’un empire, et tout ceci débouche sur une révolution politique. Je rappelle que l’auteur est menacé, tout comme Salman Rushdie. Ce livre fait d’ailleurs l’objet d’une enquête du parquet d’Istanbul. Orhan Pamuk est l’un de ces écrivains qui incarnent la liberté d’expression dans une Turquie où elle est de plus en plus menacée. "


Rester barbare

Akram Belkaïd, créée le 18-09-2022

"Je vous recommande cet essai de Louisa Yousfi, publié à La Fabrique. Le titre est inspiré par cette phrase de Kateb Yacine : « Je sens que j’ai tellement de choses à dire qu’il vaut mieux que je ne sois pas trop cultivé. Il faut que je garde une espèce de barbarie. Il faut que je reste barbare. » Le barbare n’est pas le sauvage. Le terme interpelle sur la question de l’identité, de la manière dont ceux qu’on appelle aujourd’hui « les racisés » ont à trouver ou pas leur place dans nos sociétés occidentales. L’auteur convoque pour cela des gens comme Kateb Yacine, mais aussi Chester Himes, Toni Morrison ou le rappeur Booba. C’est un essai qu’il faut lire, surtout dans ce contexte où les interrogations sur les questions d’intégration (voire d’assimilation) se multiplient. "


Discours sur l’état de l’Union d’Ursula von der Leyen

Jean-Louis Bourlanges, créée le 18-09-2022

"La présidente de la Commission Européenne a prononcé le 14 septembre son discours sur l’état de l’Union européenne. Ce n’est pas encore le discours sur l’état de l’Union du président des Etats-Unis, même s’il serait peut-être intéressant de s’interroger sur l’intérêt de ce mimétisme sémantique. Malgré tout, il est très intéressant d’entendre la présidente de l’exécutif européen prononcer au nom de l’Union Européenne un discours qui est pour la première fois pleinement et authentiquement politique. On peut trouver que c’est imparfait, mais il faut reconnaître qu’elle prend des positions très claires. Sur l’Ukraine, sur l’économie, sur la solidarité, sur l’écologie … Et en filigrane, elle appelle prudemment à un réajustement institutionnel, à la création d’une Convention. Ce discours rappelle celui du chancelier fédéral Olaf Schölz à Prague, ou ceux d’Emmanuel Macron. Je ne sais pas si cela fonctionnera, mais je crois que c’est tout de même significatif. Pour la première fois, je sens les grands Etats européens et l’institution qui leur est commune essayer de prendre en charge la dimension politique de leur entreprise. "


As bestas

Isabelle de Gaulmyn, créée le 18-09-2022

"Je vous propose un petit voyage en Espagne cette semaine, avec ce film de Rodrigo Sorogoyen. C’est intéressant car ici l’étranger, c’est ce couple de Français, riches et écologistes, qui refusent l’éolienne, et ceux qui accueillent ce sont les paysans espagnols modestes qui eux veulent l’éolienne qui leur permettra de s’enrichir. C’est un film qui traite de l’altérité, de la justice, et de tous les thèmes dont on a parlé aujourd’hui à propos de l’écologie et de son acceptation. A un moment, le réalisateur pose sa caméra à côté de l’éolienne et c’est absolument effrayant, on se dit très vite « je n’aimerais pas en avoir une au bout de mon jardin ». "


Schnock n°44

Philippe Meyer, créée le 18-09-2022

"L’autre est faite pour les boomers. Schnock a maintenant beaucoup de bouteille, son premier numéro avait Jean-Pierre Marielle en couverture, le dernier a les Inconnus. Cette revue prend des éléments de la culture populaire la plus large et les creuse d’une façon à la fois très journalistique et très anecdotique. La mise en page n’a pas varié depuis le début, elle est très réussie. La revue aborde les sujets les plus divers, presque à chaque fois par les biais les plus plaisants."



Adieu Zanzibar

Lucile Schmid, créée le 18-09-2022

"Je vous recommande la lecture de ce roman d’Abdulrazak Gurnah, prix Nobel de littérature en 2021. J’ai adoré ce livre et cette écriture, qui parvient à faire le lien entre le chatoiement de l’intime et la politique au sens le plus large du terme. Le livre raconte l’amour fou entre un Anglais et une jeune femme abandonnée par son mari. C’est un amour interdit, d’où naîtra une fille et à travers plusieurs générations, on voit comment l’amour maudit permet de se rendre compte de l’injustice du monde. On est en effet emmenés à Londres dans les années 1950 lorsque l’empire colonial britannique se défait. Il y a chez Gurnah une capacité à décrire les choses qui est proprement extraordinaire. Certains ont parlé des Mille et une nuits, je trouve que c’est une image d’Epinal très galvaudée, mais il sait raconter une histoire et poser une scène en faisant vraiment le lien entre ce qui nous arrive, ce que nous sommes, et puis ce qui arrive au monde. Passionnant."


Homo numericus la civilisation qui vient

Béatrice Giblin, créée le 11-09-2022

"Le livre que je vous recommande est un ouvrage non seulement très bien fait, mais aussi très utile. C’est une réflexion de Daniel Cohen, dont le grand talent est la simplicité de son style. Il sait rendre passionnante et accessible la complexité dans laquelle nous nous trouvons. Il voit la révolution numérique comme un tournant dans l’histoire de l’humanité, et non comme une simple étape. Il s’agit d’une révolution, d’un bouleversement qui va permettre l’industrialisation de nos sociétés post-industrielles. On peut augmenter considérablement la productivité de nos services, même s’il faut payer un prix très lourd : celui de la déshumanisation. On ne va plus chez le médecin, on n’ira plus forcément au bureau, on ne va plus faire ses courses … L’érudition est remarquable, même si je ne suis pas sûre de partager l’espoir qu’il énonce à la fin du livre. "


Près de la mer

Marc-Olivier Padis, créée le 11-09-2022

"Je voudrais dire un mot du romancier Abdulrazak Gurnah, qui fut prix Nobel de littérature l’an dernier. On a finalement peu parlé de lui. J’ai lu cet été un de ses seuls livres disponibles en français. Installé au Royaume-Uni mais originaire du Zanzibar, Gurnah écrit beaucoup sur la migration et l’exil. Le comité du prix Nobel l’a présenté de façon un peu bien-pensante en tant qu’écrivain rendant compte de la condition des migrants au Royaume-Uni, alors que pour ma part j’ai découvert en le lisant un écrivain bien plus riche, sans aucune complaisance avec ses personnages ni son île d’origine. Le livre raconte la rencontre de deux hommes originaires de Zanzibar et qui se retrouvent en Angleterre pour des raisons différentes, à des générations différentes. Ils sont liés par des histoires complexes et familiales liées à leur île d’origine. Chacun raconte l’histoire de son point de vue, découvre et découvre le point de vue de l’autre. Et c’est là que le travail de l’auteur est remarquable, tant il parvient à nous mettre dans la peau des deux protagonistes. C’est un roman d’une grande tristesse, mais aussi d’une grande humanité."


Picasso - El Greco

Richard Werly, créée le 11-09-2022

"Après avoir vu Devambez au Petit Palais, filez prendre le TGV pour vous rendre à Bâle. Vous pourrez y voir l’exposition Picasso - Le Greco au Kunstmuseum. Ne tardez pas cependant car elle se termine le 24 septembre. L’idée de mettre en miroirs deux peintres d’époques si différentes fonctionne très bien. Il est vrai que dans ce cas, c’est tout à fait justifié, car Picasso lui-même définissait Le Greco comme un de ses grands inspirateurs. L’exposition souligne ainsi l’extrême modernité du Greco. Je dois dire que de mon point de vue, l’exposition est plutôt à l’avantage de ce dernier. C’est un très beau moment artistique."