Les brèves


Comment ils nous ont volé le football : la mondialisation racontée par le ballon

Akram Belkaïd, créée le 11-12-2022

"Pour rester dans le football, cet ouvrage collectif, réalisé par les journalistes de la revue Fakir. Il explique comment on est passé d’un sport populaire pas souvent riche au gouffre financier d’aujourd’hui, avec ces clubs surendettés qui survivent en dépit de toute rationalité économique. Et bien entendu, la face cachée y est traitée également : la corruption, le dopage … Très éclairant."


Politique étrangère vol. 87, n°4 Balkans : un nouveau grand jeu

Nicole Gnesotto, créée le 11-12-2022

"J’ai deux recommandations cette semaine, pour deux revues. La première est le numéro consacré aux Balkans de la revue Politique étrangère. Alors que s’est déroulée cette semaine la réunion entre l’Union Européenne et les pays des Balkans supposés l’intégrer, la revue soulève des points très pertinents. Comme l’échec total du modèle de gouvernance de la Bosnie-Herzégovine, inventé à Dayton en 1996, reposant sur un Etat fédéral à trois minorités. Cela n’a absolument pas produit les effets escomptés (la réconciliation notamment), la Bosnie est un cas typique à partir duquel réfléchir aux conditions de la paix juste. On peut aussi y lire la façon dont la Chine a massivement investi dans certains de ces pays des Balkans, montrant là un agenda européen qui doit nous interroger."


L’ennemi américain

François Bujon de L’Estang, créée le 04-12-2022

"J’ai ressorti de ma bibliothèque ce livre de Philippe Roger paru en 2002, mais qui garde toute sa pertinence. Il porte le sous-titre : généalogie de l’antiaméricanisme français. C’est une histoire de ce sentiment, qui commence en France au XVIIIème siècle avec Turgot et les physiocrates, et qui s’est beaucoup développé au XIXème pour culminer au XXème. L’antiaméricanisme n’est pas une idéologie, il n’appartient ni à la droite ni à la gauche. Quand les Etats-Unis abandonnent l’isolationnisme que nous critiquons, nous leur reprochons aussitôt leur impérialisme. Quoi qu’ils fassent, ils ont toujours tort. Le livre est très bon, on peut tout de même regretter qu’il n’ait pas son pendant, traitant du sentiment anti-français en Amérique. Gageons que cet ouvrage-là serait sans doute encore plus épais que ce volume, qui compte pourtant 600 pages."


Après tant de silences

Jean-Louis Bourlanges, créée le 04-12-2022

"Ce livre écrit par Constance Guichard-Poniatowski m’a beaucoup touché. Les deux noms de son patronyme (celui de son père Olivier Guichard et celui de son mari Ladislas Poniatowski) sont déjà une espèce de « Montaigu-Capulet » entre pompidoliens et giscardiens. Si ce livre m’a ému, c’est parce qu’il parle de gens et d’un monde que j’ai bien connus. Mais en le lisant, j’ai réalisé à quel point cette époque était révolue. C’est le témoignage de la fille d’un homme, au sens traditionnel du terme, celui d’une époque où les hommes ne s’occupaient pas beaucoup de leur famille, de leurs enfants, et particulièrement des filles. Et Olivier Guichard est un homme politique, très proche collaborateur de de Gaulle et lui étant entièrement dévoué. Ce livre est très bien écrit, par une femme qui a beaucoup souffert de cette situation, de ce père qu’elle admire pourtant. J’ai beaucoup apprécié d’y découvrir tout ce que je savais déjà au fond de moi-même."


Autour de minuit

Philippe Meyer, créée le 04-12-2022

"Le film de Bertrand Tavernier, Autour de minuit, restauré, vient de ressortir dans quelques salles à Paris et ailleurs. C’est l’histoire d’un musicien, un saxo-ténor, abîmé par la drogue et rongé par la solitude qui rencontre à Paris un de ses admirateurs qui s’échine à lui faire remonter la pente. L’admirateur, Francis, c’est François Cluzet. Le saxo-ténor, Dale Turner, c’est Dexter Gordon. Dans la distribution, Herbie Hancock, qui signe la musique du film, Martin Scorsese, Christine Pascal, Benoit Régent, John Berry, Philippe Noiret, Eddy Mitchell et Marcel Zanini … Bertrand Tavernier présentait ainsi ce film, dont la restauration aboutira bientôt à un DVD remarquablement documenté. D'abord, il y a eu une photo de Lester Young, seul dans une chambre d'hôtel minable, attendant l'inspiration ou la mort. Autour de Minuit est une rêverie à partir de cette photo. Une rêverie sur un homme "fatigué de tout sauf de la musique", sur les rapports entre cet homme qui vit de création et un autre, plus jeune, qui vit d'admiration. Parler de personnages comme Dale Turner, c'est parler de gens qui refusent tout compromis, sauf quand il est question de leur vie ... Rude leçon de modestie ! Heureusement, Je pouvais m'identifier à Francis, me laisser comme lui porter par la musique, essayer dans la dramaturgie d'en retrouver la liberté, la légèreté, la fluidité. Respecter dans la mise en scène le rythme des sentiments... Filmer comme les musiciens construisent un chorus, sans idées préconçues, ni parti pris. Bref, Il fallait simplement que je regarde tous ces personnages et que je les laisse me dicter le film. »"


L’inventeur

Lucile Schmid, créée le 04-12-2022

"Je vous recommande de lire ce roman de Miguel Bonnefoy, jeune romancier Franco-vénézuélien doté d’un merveilleux talent de conteur. Il revient dans ce livre sur le fabuleux destin d’Augustin Mouchot, entièrement ignoré aujourd’hui. Fils d’un serrurier bourguignon et passionné du soleil, il va, tout au long du XIXème siècle vivre des épisodes extraordinaires : créer des héliopompes, faire fleurir le désert en Algérie, exposer à l’exposition universelle de 1878, rencontrer Napoléon III, et connaître une fin tragique. Bonnefoy proclame qu’il n’aime pas la politique et s’en tient à l’écart. A travers ce conte philosophique, l’auteur nous parle de cette façon dont on invente des choses, et redonne ainsi ces enjeux écologiques et énergétiques leur juste place : des aventures humaines, et des parcours extraordinaires."


Note de conjoncture mensuelle de l’Insee

Lionel Zinsou, créée le 04-12-2022

"Comme la conjoncture est difficile et que des récessions se profilent, je me demandais comment en donner une lecture un peu objective. Car à écouter les réseaux sociaux ou la presse, on peut craindre que le pouvoir d’achat des Français ne soit amputé de 10% (alors que ce sera vraisemblablement plutôt 1%). Bref le décalage entre la perception et la réalité est souvent très grand sur ces sujets, il est bon de revenir aux faits. Deux sources complémentaires sont intéressantes pour cela, elles sont très faciles d’accès et bizarrement très peu utilisées. Il y a d’abord la note de conjoncture mensuelle de l’Insee, qui est parfaitement réalisée et bénéficie désormais de données de haute fréquence (clics google, dépenses par secteur des cartes de crédit, etc.) Des progrès considérables ont été accomplis, qui ne se retrouvent absolument pas dans les perceptions de l’opinion. Vous pouvez aussi aller regarder ce que publie l’OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Économiques), également très éclairant. "


Le voyant d’Etampes

Philippe Meyer, créée le 27-11-2022

"Je vous recommande ce roman d’Abel Quentin. Si vous battez les buissons aujourd’hui, il en sort des sycophantes. Si vous secouez les réseaux sociaux, vous verrez sortir des gens à l’affût de toutes sortes de dénonciations : de gens, de comportements, etc. Et ils sont tous d’un conformisme terrible, c’en sont même les vigiles. Abel Quentin a réussi à créer un roman qui traite de ce sujet en s’en moquant, il parvient même à tirer de son lecteur de francs éclats de rire. Je vous le conseille vivement."


Histoire globale de la France coloniale

Lionel Zinsou, créée le 27-11-2022

"Pour ne pas nous éloigner de la francophonie, je recommande ce livre d’un collectif d’historiens. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Dominic Thomas ont écrit cet ouvrage remarquable, qui va du XVIIIème siècle à l’utilisation des thèmes coloniaux ou néo-coloniaux d’aujourd’hui. Il traite aussi des moyens d’influence, immatériels, qui ont permis de créer un lobby colonial : le rôle de la presse, et notamment de l’image, de la langue, de l’éducation, des expositions coloniales, de la monstration de l’indigène … Tout ceci a l’air très contemporain, alors qu’il s’agit du XIXème siècle. A le lire, on comprend aisément que l’emprise coloniale ne puisse avoir complètement disparu seulement cent ans plus tard."


Aucun ours

Béatrice Giblin, créée le 27-11-2022

"A propos de l’Iran, je vous recommande ce film de Jafar Panahi. Le réalisateur est incarcéré depuis le mois de juillet, au secret, dans cette fameuse prison d’Evin, à Téhéran. Il a réussi à tourner dans des conditions absolument invraisemblables, dans un village tout près de la frontière turque qu’il se refuse à traverser. Il dirige son film depuis l’Iran, alors que le tournage a lieu de l’autre côté de la frontière, en Turquie. Avec une imbrication d’histoires, entre la fiction et la réalité des acteurs. Un couple essaie de fuir, mais c’est aussi le cas des acteurs qui jouent ces personnages. Le tout dans ce village très pauvre et très marqué par les traditions. C’est fait avec une finesse, une intelligence et une humanité telles que je ne peux que répéter à quel point les Iraniens sont un grand peuple."


La petite menteuse

Richard Werly, créée le 27-11-2022

"Il n’y a pas beaucoup de raisons de rire dans le roman que je vous recommande. Il est signé de Pascale Robert-Diard, chronique judiciaire au journal Le Monde. C’est le roman d’un faits divers. C’est une fiction où un homme est conduit en prison par un mensonge. Il est accusé à tort de viol. C’est aussi le roman de la prise de conscience de l’adulte qui avait accusé à tort quand elle était adolescente, et qui veut réparer sa faute. Mais la justice est-elle capable de l’entendre ? Le livre est très beau, il tourne autour de la question du doute. J’en ai parlé dans un article, et je me suis pris une volée de bois vert pour avoir simplement décrit des passages du roman, décrivant la jeunesse de cette protagoniste qui a connu beaucoup de garçons et est physiquement plus attirante que la moyenne. Elle s’est trouvée otage d’une société hyper-sexualisée, ce qui l’a conduite à accuser un innocent. La volonté de l’auteure n’est pas du tout de remettre en cause la parole féminine, mais de réhabiliter la place du doute dans notre société."