Les brèves

La ruée vers l'Europe

Lionel Zinsou, créée le 16-02-2018

"Je vais recommander un livre que je n’aime pas mais je pense qu’il est important de lire les points de vue qui s’expriment. Un livre de Stephen Smith qui est un journaliste américain de culture francophone, après avoir écrit un livre qui était très dépréciatif sur la situation de l’Afrique et qui accusait les amis de l’Afrique d’être ceux qui l’enterrait qui s’appelait ‘Negrologie’, il refait un livre qui s’appelle ‘Ruée vers l’Europe’ et qui est un peu l’expression quintessenciée de cette espèce de nouveau péril jaune, qui serait la ruée possible à cause de problèmes démographiques insurmontés de toute la misère de l’Afrique vers l’Europe demain. Une analyse démographique dont on sent qu’elle n’est pas faite par un démographe mais un homme qui connaît bien l’Afrique qui l’a beaucoup parcouru et qui donc est un maître des apparences sur l’Afrique. La ruée sur l’Europe pour le caractère sain du débat public voir peut-être ce qu’il y a de plus ignorant de l’Afrique de demain mais qui est en même temps une très très bonne quintessence des préjugés sur ce continent."


L'Islam, une religion française

Nicolas Baverez, créée le 16-02-2018

"On a parlé de l’agenda 2018 très chargé alors il est d’autant plus chargé qu’il y a un autre dossier qui est celui de l’Islam qui devrait occuper les pouvoirs publics français. Et je voulais recommander un livre qui inspire largement ce qui devrait être fait et c’est le livre de Hakim El Karoui « L’Islam : une religion française » publié par Le Débat Gallimard. On y trouve trois choses donc d’abord une étude sur la communauté musulmane en France parce qu’on sait qu’il y a beaucoup de fantasmes qui sont véhiculés là-dessus donc sur le fait qu’elle compte à peu près 5 millions de membre et qu’elle est en fait extrêmement diverse. Egalement, une analyse sur les causes et les conséquences de la montée de l’islamisme et des propositions pour essayer de l’endiguer avec la création d’une fondation et la création d’un Islam de France et ce livre a l’intérêt aussi d’inspirer l’Elysée et plus particulièrement celui qui est à sa tête, Emmanuel Macron ‘Jupiter’"


La démocratie représentative est-elle en crise?

Jean-Louis Bourlanges, créée le 16-02-2018

"Je voudrais recommander le livre que vient de publier le CEVIPOF, Sciences Po, sur ce qu’ils appellent le vote disruptif c’est à dire sur ces épisodes électoraux de l’année dernière, qui nous permet d’avoir un jugement extrêmement éclairé, nourri, documenté sur ces évènements colossaux qui ont abouti en moins de quelques semaines à une modification totale de notre système politique et à un renouvellement encore incertain mais tout à fait fondamental de notre vie démocratique et de l’exercice du pouvoir"


Le Grand Jeu

François Bujon de L’Estang, créée le 12-02-2018

"On parle beaucoup d’Asie Centrale et nous venons à propos de Davos de parler de la Route de la soie, par exemple, où l’Afghanistan est au centre des préoccupations internationales. Moi je voudrais vous recommander de lire un livre qui est tout à fait passionnant qui s’appelle Le Grand Jeu qui est écrit par un britannique qui s’appelle Peter Hopkirk, un ancien journaliste du Time qui a du travailler aussi pour d’autres employeurs, j’imagine et qui s’est énormément promené en Asie Centrale. Son livre The Great Game en anglais a finalement été traduit en français, ça a mis très longtemps. Ca a été publié par un petit éditeur belge qui s’appelle Nevicata. C’est un gros livre que vous dévorez vraiment en vous couchant très très tard le soir parce qu’on ne peut pas le terminer, il est passionnant, il raconte la rivalité des russes et des anglais pour contrôler, justement, l’Afghanistan et les abords de l’Empire des Indes tout au long du XIXe siècle. Il s’arrête en 1905 avec la guerre russo-japonaise et ses conséquences géopolitiques. Mais le livre est formidable et vous pouvez parfaitement rapporter tout ce que vous y apprenez et que vous lisez comme du Kipling à l’actualité aujourd’hui en Afghanistan, au Pakistan et en Inde et aux pourtours de ce qui étaient jadis l’Empire des Indes sur lequel le soleil ne se couchait jamais comme chacun sait."


Les origines de la France contemporaine

Jean-Louis Bourlanges, créée le 12-02-2018

"On m’a offert pour Noël et je me suis replongé avec délice dans : Les origines de la France contemporaine de Taine. Et je dois dire que Taine fait partie de ces auteurs sur la Révolution Française dont le grand historien Georges Lefebvre, grand historien de gauche de la Révolution et de l’Empire, disait avec cette hypocrisie fondamentale qui caractérise l’historiographie révolutionnaire. Il le disait d’Augustin Cochin, mais il aurait pu le dire de Taine : « Il faut le lire mais il ne faut pas le dire » et effectivement c’est formidable.
Raymond Aron a été en fait à l’origine de la résurrection dans l’opinion publique après la seconde guerre mondiale de Tocqueville, il a imposé Tocqueville. Furet aurait pu faire sur Taine, il s’est manifestement beaucoup inspiré de Taine mais Taine n’a pas encore acquis, retrouvé l’audience malgré le fait qu’il soit édité en bouquin. Moi j’ai eu une édition très ancienne et très sympathique mais c’est formidable, il faut rendre hommage à tous ces grands érudits du XIXe siècle qui ont fait un travail de rigueur d’intelligence absolument incroyable et dont nous devons utiliser beaucoup plus les fruits qu’on ne le fait, savourer les fruits."


Questions Internationales

Nicole Gnesotto, créée le 12-02-2018

"Moi je vais à l’autre extrême, je vais parler, non pas d’ouvrage savant, mais d’une revue de vulgarisation mais d’excellente vulgarisation sur les questions internationales qui s’appelle justement Questions internationales qui est publié depuis 10 ans par la Documentation française avec comme rédacteur en chef à la fois un diplomate et un professeur d’université Gilles Andréani et Serge Sur. Et c’est une revue formidable je trouve parce que tous les mois elle réunit des articles avec un certain sérieux académique et le plaisir de l’écriture. Le dernier numéro qui vient de sortir c’est sur l’Arabie Saoudite, transformation ou illusion. Il y avait le mois dernier un numéro sur l’avenir de l’Europe, sur Cuba, le numéro sur le désordre mondial du mois d’août. Donc c’est une excellente revue qu’on trouve dans les kiosques et dans les librairies."


Zone de Mort

Philippe Meyer, créée le 12-02-2018

"J’ouvrirai cette séquence des brèves en recommandant un ouvrage de feu Paul Yonnet, le regretté Paul Yonnet. Livre qui s’intitule Zone de mort et qui est préfacé par Jean-Pierre Le Goff. Cela fait 7 ans maintenant que Paul Yonnet, spécialiste des pratiques populaires, du jeu par exemple et du sport, est mort. Un sociologue tout à fait atypique très original, non pas par goût de l’originalité mais par capacité à penser par lui-même. Il y a donc 7 ans que Paul Yonnet est mort et c’est sur la période dans laquelle il a su qu’il allait devoir affronter la mort pour la seconde fois de sa vie mais cette fois-ci la bonne ou la mauvaise comme on voudra que comme l’écrit Jean-Pierre Le Goff : « Paul Yonnet l’expérience limite d’un individu avec sa propre histoire et son rapport au monde ». Mais par delà ce parcours unique et tragique, il dévoile une vérité abrupte qui s’adresse à tous, celle de l’individu confronté à la souffrance et à la mort et d’une société qui fait tout pour les mettre à distance. Ce texte, l’écrit Jean-Pierre Le Goff, est un coup de poing contre ce monde aseptisé, l’envers du décor de l’optimise enjoué des bien-pensants de la postmodernité et des partisans doucereux du suicide assisté. Et c’est édité aux éditions Stock dans la collection Les Essais."


Solitude volontaire

Marc-Olivier Padis, créée le 12-02-2018

"J’ai lu cette semaine un essai de philosophie extrêmement bien écrit de Olivier Remaud, ça s’appelle Solitude volontaire chez Albin Michel. L’originalité de cet essai c’est que ce n’est pas un essai conceptuel ou spéculatif sur la solitude et le rapport à la société mais c’est une réflexion sur des exemples de personne qui ont choisi la solitude. Des exemples aussi variés que les explorateurs des pôles mais aussi Glenn Gould, le pianiste qui était un reclus. Et donc en passant d’un exemple à l’autre, il développe toute sa réflexion et il montre que la solitude est une manière de faire société avec les autres."


Phantom et Quobuz

Philippe Meyer, créée le 05-02-2018

"Il se trouve que pour Noël j’ai reçu un Phantom, le Phantom c’est quelque chose qui est fabriqué par la maison Devialet, qui est une enceinte qui se branche sur des ordinateurs ou des smartphones et dont la qualité sonore est absolument extraordinaire, le tout sur un tout petit volume. Grosso modo je ne comprends pas grand chose à la technique mais c’est la puissance du numérique avec la qualité, la finesse de l’analogique. Ce Phantom, que j’ai transporté dans ma maison dans le Massif central, a été la joie de mes vacances de Noël.
Il a été deux fois, la joie de mes vacances de Noël parce que j’ai découvert un site de musique de streaming qui s’appelle Quobuz et je l’ai trouvé infiniment meilleur que tout les autres que j’avais essayé parce que la qualité sonore, parce que la diversité de l’offre est considérable parce qu’en plus la plupart des enregistrements qu’on peut entendre est accompagnée de livrets qui vont avec et que donc on trouve des tas de renseignements. On est pas voué à une consommation passive et un peu bêtasse. Ces deux outils sont pour moi source d’une volupté considérable. Ca n’est pas donné ni dans un cas ni dans l’autre mais enfin le jour où on décide de casser sa tirelire soit pour soi-même soit pour faire un cadeau, on en est absolument récompensé."


Louise Lannes duchesse de Montebello et Comment naquit la guerre de 14

Jean-Louis Bourlanges, créée le 05-02-2018

"Moi j’ai profité des moments dits de ‘trêve des confiseurs’ pour reprendre quelques livres d’Histoire. D’abord, j’ai lu une biographie qui était fondée sur un fond d’archives familiales, qui est la biographie de Louise Lannes, duchesse de Montebello, qui faisait partie de ces maréchales éternelles. Les maréchaux meurent et les vrais maréchaux ce sont les femmes des maréchaux, qui restent éternellement. Un livre qui est du à la plume de Régis de Crépy et l’épopée napoléonienne côté femme. Louise Lannes est intéressante puisqu’elle représente ce lien qui est très compliqué à analyser mais fondamental dans notre histoire politique, entre le bonapartisme, l’épopée impériale, et elle a été très profondément libérale, elle a contribué à la création du Globe comme le général Foy, c’est comme un ensemble de gens qui ont glissé du bonapartisme au libéralisme et pour moi, pour nous, en tout cas, il y a une incompatibilité profonde entre le jacobinisme militaire de Napoléon et le libéralisme à la Benjamin Constant, même si Benjamin Constant a écrit L’acte additionnel aux constitutions de l’empire mais on voit bien ces transitions et donc c’est une personne, de ce point de vue là, intéressante.
Le deuxième livre que j’ai lu c’est un livre d’Alfred Fabre-Luce Comment naquit la guerre de 14 ? qui est la reprise des grands ouvrages qu’avaient écrit Fabre-Luce dès les années 20, de remise en cause de l’interprétation officielle de la première guerre mondiale. C’est soutenu par une préface extrêmement documentée de Georges-Henry Soutou, c’est remarquablement écrit, remarquablement intelligent, c’était une prise de position extrêmement courageuse de la part d’Alfred Fabre-Luce. Je ne suis pas entièrement d’accord avec lui. Je crois qu’il a raison de souligner les responsabilités russes dans le déclenchement de la première guerre mondiale, je pense malgré toute et toujours, la littérature qui entoure aujourd’hui la Première Guerre mondiale qui remet un peu en cause la vision à la Renouvin, que la responsabilité de l’état major allemand et de la politique allemande est décisif quand ils envoient le télégramme, quand ils rédigent quasiment le télégramme d’ultimatum des autrichiens, je pense que les allemands sont déterminés à faire la guerre alors que les autres sont prêts à faire la guerre. J’ai une incertitude sur les russes. Mais enfin malgré tout c’est une remise en cause de tous les bobards officiels, de toutes les déformations et c’est magnifiquement écrit, je crois que c’est un livre qui mérite d’être lu."


D'Annunzio le magnifique

François Bujon de L’Estang, créée le 07-02-2018

"Et bien puisque nous remontons le courant de l’Histoire en direction de la guerre de 14 et à travers la bataille d’Essling. Moi je m’arrête un peu à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème pour vous recommander une biographie de Gabriele d’Annunzio, intitulée Gabriele d’Annunzio, le magnifique, publiée aux éditions Grasset par notre ami Maurizio Serra qui fut l’ambassadeur de l’Italie à l’UNESCO et à qui nous devons déjà un certain nombre de livres et notamment deux autres grandes biographies sur des hommes de plume italiens qui ont marqué le 20ème siècle. Son livre sur D’Annunzio clôture une trilogie qu’il avait commencée avec une biographie sur Malaparte, continuée avec une très intéressante biographie sur Italo Svevo et qui se conclue maintenant par cette grosse mais très lisible biographie sur Gabriele D’Annunzio. Personnage baroque, outré et invraisemblable, le dernier Don Juan qui enjambe le 19ème et le 20ème siècle, on oublie qu’il avait déjà 50 ans au moment de l’Affaire de Fiume, par exemple. Cet aviateur poète séducteur s’est ensuite effacé pendant le fascisme mais sa germanophobie l’a rendu un peu fréquentable aux yeux de Mussolini, il est mort en 1938 mais sa vie est un roman et Maurizio Serra la décrit avec beaucoup de verve et de façon très intéressante."


Où atterrir : Comment s’orienter en politique ?

Béatrice Giblin, créée le 05-02-2018

"Moi c’est un petit livre qui est sorti aux éditions La découverte qui est écrit par Bruno Latour. Bruno Latour est quelqu’un qui se préoccupe beaucoup de la question écologique, je dirai que c’est un philosophe avec une sensibilité très forte et très ancienne sur ces questions là. Ca s’appelle Où atterrir : Comment s’orienter en politique ? et son hypothèse est de dire qu’en fait il y a un lien entre la dérégulation qu’on connaît depuis les années 90 et qui va s’accélérant, entre l’augmentation des inégalités et l’importance de ces inégalités qui se creusent avec les risques que cela peut faire poser. Un troisième élément qui est la montée des populismes où au fond on essaye de se protéger en revenant à un petit chez soi face à une dérégulation du monde et que tout ceci est lié à ce qu’il appelle : le Nouveau Climat. Et pas seulement « climat » au sens géographique du terme. Un climat avec un sens beaucoup plus large, un environnement dans lequel évolue désormais les sociétés. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il y a à l’intérieur de la réflexion de Bruno Latour mais je pense quand même que c’est un ouvrage qui peut permettre de réfléchir et de débattre sur des questions essentielles"