Les brèves

Le marxisme introuvable

Marc-Olivier Padis, créée le 31-01-2018

" Je voudrais saluer la mémoire d’un historien récemment disparu Daniel Lindenberg, qui a travaillé longtemps à la revue Esprits. Il a été célèbre pour la querelle des nouveaux réactionnaires il y a quelques années. Une querelle dans laquelle il tenait un rôle à contre-emploi, non pas sur le fond, non pas qu’il ait défendu des idées qui n’étaient pas les siennes mais en raison du rôle qu’il a été amené à tenir. Notamment dans le cadre d’une querelle très médiatisée parce qu’il n’avait pas du tout l’humeur d’un polémiste même si il aimait les controverses intellectuelles, il n’y avait jamais aucune méchanceté dans ses propos et ses écrits et plutôt que de reparler de ce livre, je voudrais juste citer deux livres dans sa production qui sont pour moi les deux livres les plus importants et qui restent très intéressants à lire aujourd’hui, c’est : Le marxisme introuvable. Un livre qui rappelait toute la richesse de la gauche non-marxiste. Et puis un livre plus personnel qui s’intitule Figures d’Israël et qui est une description des courants idéologiques du franco-judaïsme et dans lequel il défendait l’idée dans le fond, de la créativité culturelle de la diaspora juive. Daniel Lindenberg était quelqu’un qui n’était pas sioniste justement il croyait plutôt à la créativité de la diaspora et ce livre en est une belle illustration."


La puissance chinoise en 100 questions

Nicole Gnesotto, créée le 30-01-2018

"Moi je vais passer à l’autre extrême géographique. Je vais parler du livre de Valérie Niquet sur la puissance chinoise en 100 questions sous-titré « un géant fragile » qui est paru chez Tallandier à la fin de l’année dernière dans cette collection dont on a déjà parlé ici en 100 questions. Alors évidemment explorer la puissance chinoise avec toutes ses contradictions, son opacité en 100 courtes questions relativement brèves ça peut paraître une gageure mais je trouve que Valérie Niquet le fait très très bien, elle dirige les études sur l’Asie à la fondation de la recherche stratégique et surtout elle donne au lecteur un aperçu assez exhaustif de l’étendue des défis, des enjeux que les autorités chinoises doivent relever d’ici les deux prochaines décennies et c’est tout à fait intéressant"


L'infini va bientôt finir

Philippe Meyer, créée le 21-01-2018

"Je recommanderai le livre les poèmes que Jean Pérol a rassemblés sous le titre L’Infini va bientôt finir (Editions La Rumeur libre). De la poésie de Pérol, Alain Jouffroy a écrit « elle atteinte plein fouet la cible ratée par tant de narcissiques du langage-pour-le-langage ».
Je vous en propose « Autres amours » :
ça mâchait du micron-ondake
le soir devant la télé
et pensait dur micro-pensable
sur le canapé des coeurs affalés
tapotait du micro-tweetable
pour des tweets sur des écrans bleus
ça broyait du micro-vivable
dans le lit sans pouvoir dormir
ça baisait du micro-baisable
En suivant les cours du comment jouir "


Revue America

François Bujon de L’Estang, créée le 29-01-2018

"Moi je voulais saluer la sortie du quatrième numéro en décembre de la revue America. Cette singulière revue éditée par François Busnel et le 1 qui est sous-titrée « l’Amérique comme vous ne l’avez jamais lue» et qui, comme vous le savez, a quatre numéros par an et se propose de paraître pendant les quatre ans de la présidence Trump. En réalité, cette revue continue d’être extrêmement intéressante et favorise d’ailleurs un regard qui est davantage littéraire et sociologique que proprement politique sur l’Amérique d’aujourd’hui. Le numéro 4 donc celui qui vient de sortir est particulièrement intéressant on y trouve une remarquable interview de Paul Auster qui est longue et fournie et qui donne tout à fait envie, ce que je vais faire incessamment, de lire son dernier roman qui s’appelle 4, 3, 2, 1 mais il y a aussi un article de Stephen King sur la violence en Amérique, sur le problème des armes à feu etc. Il y a aussi un très intéressant article et une interview de Tom Wolf. Nous trouvons là véritablement une revue de qualité sur l’Amérique d’aujourd’hui peut-être pas « comme vous l’avez jamais lue » mais comme il est agréable de la lire"


Evremond De Bérard

Philippe Meyer, créée le 01-02-2018

"François Sureau : Un élément nécrologique puis une recommandation. L’élément nécrologique c’est que le plus grand écrivain français depuis une quarantaine d’année est mort hier dans l’indifférence générale : Guy Dupré. Qui est l’auteur de Les fiancées sont froides, du Grand Coucher et des manœuvres d’Automne. Disparition qui a d’ailleurs été remarquablement saluée par le président de la République, ça fait plaisir de temps à autre quand on voit les platitudes auxquelles les discours officiels nous ont habitué sur le départ des grands écrivains, c’est assez frappant. Et Guy Dupré, j’engage tous nos auditeurs à trouver ses livres, c’est un personnage tout à fait étonnant, moitié japonais, moitié français, dont l’œuvre se situe aux confluents de Maurice Barrès et d’André Breton ce qui est quand même une gageure. Dans une phrase absolument magnifique avec une part énorme de l’incertitude et de la douleur française au travers des deux guerres mondiales, Guy Dupré était un auteur absolument exceptionnel.
Deuxième chose, il faut voyager et moi j’aime beaucoup les peintres voyageurs, vous savez comme les peintres de marine, et on publie ces jours-ci les œuvres complètes, l’œuvre picturale, c’est un petit livre d’art qui coûte pas cher, d’Evremond de Bérard qui a exploré un très grand nombre de pays. Il est né en 1822, il est mort en 1880 et l’essentiel de sa production c’est 1850-1860. Il y a des aquarelles et des gouaches de ses voyages en Perse, en Egypte en particulier qui sont d’une intelligence ethnologique et sensible absolument remarquable."


Lenine, L'invention du totalitarisme

Nicolas Baverez, créée le 21-01-2018

"Le grand enjeu historique de XXIème siècle ce sera sans doute la lutte entre la démocratie et la démocrature, mais cela n’empêche qu’il reste très intéressant de comprendre le totalitarisme, car il y a quand même un lien entre certaines de ces démocratures et les totalitarismes du XXème siècle. Et cent ans après la révolution soviétique, c’est vrai que la biographie de Stéphane Courtois, la biographie de Lénine, est extrêmement impressionnante. D’abord parce qu’elle empreinte à de nouvelles sources, mais surtout parce qu’elle dissout le mythe selon lequel le bon Lénine aurait été trahi par le méchant Staline. En réalité la religion de la violence, la religion de la dictature, c’est chez Lénine, et c’est lui qui a conçu ce système. Et ce qui est intéressant aussi c’est que cela différencie la Révolution soviétique de la Révolution française, comme l’a montré François Furet, la Terreur c’est un accident après 1789, il n’y a pas d’accident dans l’Union Soviétique, elle a été construite d’emblée pour être un système totalitaire."


La Communauté

Michaela Wiegel, créée le 21-01-2018

"Je voulais recommander le livre qu’ont publié deux journalistes du Monde, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, qui est intitulé La Communauté, et j’espère que cela va vite être traduit en allemand parce que c’est un récit qui montre comment une ville, Trappes, a pu devenir la plus grande pépinière de djihadistes d’Europe. C’est surtout un récit qui montre le déni de tous les acteurs, de tous ceux qui pouvaient voir, mais qui ne voulaient pas voir, et c’est sans jugement moral en permanence, c’est vraiment très descriptif, et je trouve que cela mérite aussi d’être lu aussi ailleurs, nous sommes dans une autre étape de l’immigration, parce que cela montre ce qu’il ne faut pas faire pour ne pas arriver à une situation comme à Trappes."


Les Napoléons

Lionel Zinsou, créée le 21-01-2018

"Je voudrais faire écho à une réunion qui a eu lieu à Val d’Isère ces deux derniers jours, et qui est celle des Napoléons. Napoléons c’est un réseau social réfléchissant sur l’innovation, qui fait interagir des artistes, des sportifs, des intellectuels, quelques patrons, quelques décideurs politiques, qui n’est pas du tout une organisation fermée et qui prend un thème, un thème d’hiver et un thème d’été. Ils se sont rendus un petit peu célèbre en invitant monsieur Barack Obama, début décembre, à être le premier orateur à Paris sur leur thème qui était celui des journées de Val d’Isère : la peur. La peur dans les décisions individuelles, la peur de l’entrepreneur, la peur de la disruption, la peur du changement du travail. Ils tiendront session à Arles à partir du 18 juillet sur un thème plus dangereux. : la vérité."


MÉMOIRES, Édition intégrale

Philippe Meyer, créée le 16-01-2018

"J’ouvre cette séquence des brèves en vous signalant avec une joie toute particulière, la reparution des mémoires de Jean-François Revel, dans la collection de poche Bouquins, aux éditions Robert Laffont. Ce sont les mémoires de Jean-François telles qu’ils avaient été publiés sous le titre, « Le Voleur dans la maison vide », augmentés d’un certain nombre de textes, dont le « bada » qu’il préparait, le bada étant comme le savent tous les Marseillais le petit supplément que le marchand de glace ajoute sur les glaces que vous avez commandées. Ce bada est tout aussi étonnant, traduit une vie tout aussi extraordinaire que celle de Jean-François Revel. Je pense que les gens qui disent que personne n’est irremplaçable n’ont jamais connu Jean-François Revel. C’était un personnage tout à fait extraordinaire, qui était polyglotte, qui lisait les journaux dans six langues, ce qui explique la qualité de ces éditoriaux toujours fondés sur des informations Il avait un goût qui allait de la cuisine à la peinture, à la musique, et je ne parle même pas de la littérature et de la philosophie (son Histoire de la philosophie est, de tous ses ouvrages, celui qui a la vie la plus longue dans les librairies). C’était un homme d’une exigence absolument constante, c’est lui qui m’a attiré vers le journalisme, qui m’a fait quitter mon métier. Travailler avec lui était exceptionnel : quand vous lui envoyiez un article, il vous le renvoyait non pas pour essayer de vous faire changer d’avis mais pour le corriger en vous disant « Mais non, là je comprends ce que tu veux dire, avec quoi je ne suis pas d’accord, mais tu ne le dis pas bien, il manque quelque chose, il y a une cheville qui manque, il y a un paragraphe, une explication, ce n’est pas clair. » Sans compter le temps qu’on pouvait passer avec lui à disputer des mérites respectifs de l’œuf mayonnaise et du hareng pommes à l’huile, sa capacité à connaître les endroits les plus étonnants pour y partager des repas. Je n’ai de ma vie rencontré quelqu’un qui ait une pareille largeur d’humanité, et une pareille largeur d’intelligence mais c’est aussi un écrivain. C’est un écrivain qui manie l’humour, l’ironie et quelque fois la férocité, avec une efficacité redoutable, Je pense à son portrait en six lignes d’Alain Minc. Si on faisait mon portrait dans cette tonalité là, j’irais directement chez l’armurier pour acheter comme dirait l’autre, une corde pour me pendre."


Résistances : la démocratie à l’épreuve

Jean-Louis Bourlanges, créée le 21-01-2018

"Je voudrais recommander un bref livre de Laurent Cohen-Tanugi, Résistances : la démocratie à l’épreuve. Je crois que ce livre est intéressant. Il ne dit pas des choses totalement nouvelles, il situe pleinement la crise que nous vivons comme une crise grave, une crise de la démocratie avec ses traits classiques : le populisme, le complotisme, l’identitarisme, l’hyper individualisme, tout cela est analysé et dénoncé. Les causes sont mises en perspective, notamment la révolution numérique, la révolution géopolitique qui fait que l’occident est à la fois subverti dans ses intérêts, ses valeurs, ses principes, et se divise lui-même comme on l’a vu à travers des épisodes comme l’élection de Trump et le Brexit, donc tout cela est dit. Ce qui me paraît frappant, et qui m’a inquiété en lisant ce livre, cet excellent pro-européen qu’est Cohen-Tahugi, c’est un certain désenchantement. Cet homme qui a voté pour Emmanuel Macron, qui adhère au projet qui est actuellement celui du gouvernement, est en même temps profondément inquiet sur le devenir de tout cela. Son livre s’appelle Résistances et on a le sentiment qu’il y a quelque chose d’un peu nostalgique, il y a la nécessité de sauvegarder un héritage qui est très souvent méconnu - on parle de l’héritage de la Troisième République – mais l’héritage qui est souvent méconnu, c’est celui de l’humanisme occidental européen de la Quatrième République de l’époque de l’après-guerre, c’est cet héritage là que nous sommes en train de liquider, et Laurent Cohen-Tanugi regarde cette disparition, ce naufrage, avec un effroi qui je crois est justifié."