Les brèves

Chroniques de La Montagne

Philippe Meyer, créée le 19-04-2020

"Dans cette période, la lecture d’Alexandre Vialatte et des chroniques de La Montagne sont un grand recours, et je vous citerai la conclusion de l’une d’entre elles, où il s’interroge sur la gloire. « La gloire est une affaire qui ne concerne plus l’homme auquel elle voudrait s’adresser. On n’est jamais plus mort qu’en bronze. Ensuite, à partir de ce geste nécessaire, on entre dans l’anonymat.Il pleuvra, il fera noir, le square sera fermé. Les enfants qui reviendront de l’école regarderont à travers la grille, verront cette statue dans l’ombre, plus noire que l’ombre, et demanderont qui c’est. Avec respect au maximum. Voilà la gloire. Elle consiste à être oublié. À être oublié de façon personnelle ». "


Parlement

Philippe Meyer, créée le 12-04-2020

"L’Europe n’est pas à proprement parler un sujet qui puisse faire sourire, et c’est bien la raison pour laquelle je recommande une série d’une dizaine d’épisodes de 28 minutes « Parlement », diffusée par France télévision et accessible en tout temps sur sa plate-forme de rediffusion. Bismarck disait «  la politique c’est comme les saucisses il vaut mieux ne pas voir comment c’est fait ». Il s’agit ici, à travers les yeux d’un jeune, inexpérimenté et naïf assistant parlementaire qui s’efforce de faire aboutir un amendement sur la protection des requins, de comprendre comment sont faites les saucisses de Bruxelles et de Strasbourg ou plutôt à Bruxelles et à Strasbourg. Excellent scénario, cornaqué par Noé Debré avec, entre autres, Maxime Calligaro, (eurocrate averti, dont j’avais signalé le livre « Les Compromis ») parfaite distribution internationale : « Parlement » est une satire initiatique sur un sujet inattendu voire inespéré : l’Union Européenne."


Retronews

Richard Werly, créée le 12-04-2020

"C'est une excursion historique que je voudrais vous proposer en brève à travers le site Retronews de la Bibliothèque Nationale de France. Il est en accès libre et permet de feuilleter tous les journaux français et francophones du début du 19ème siècle aux années 1950. C'est juste passionnant. Tapez par exemple Chine et vous tomberez d'emblée sur un article du Petit Parisien du 2 juin 1900. Avec cette phrase de conclusion: « On ne parait point disposé en Europe à laisser faire plus longtemps le gouvernement de Pékin dont on n’est plus à compter les duplicités qui menacent la sécurité des étrangers et mettent leur vie en péril». Une fois encore, lisons la presse pour comprendre le monde et cette histoire qui n'en finit pas de se répéter."


Monsieur Deligny, vagabond efficace

Marc-Olivier Padis, créée le 12-04-2020

"Je voudrais vous recommander un documentaire qui aurait dû sortir en salle juste avant le confinement, et qui est visible en ligne sur le site dont vous avez le lien. Fernand Deligny était un éducateur, qui s’est consacré à partir des années 1960 aux enfants en difficulté, et a notamment refusé l’internement pour les enfants autistes. Il a été en contact avec François Truffaut après les Quatre Cents Coups, et avait développé plusieurs projets de films avec les enfants dont il s’occupait. C’est ce que raconte ce documentaire, comment la caméra pouvait permettre à ces enfants de contacter autre chose du réel. "


Chanson bretonne

Nicole Gnesotto, créée le 12-04-2020

"Je me dois de vous recommander ce livre magnifique de J-M-G Le Clézio, paru en février dernier. Ce n’est pas une chanson, ce n’est pas une nouvelle, c’est un court texte, un hymne à la Bretagne de son enfance, celle des années 1950, plutôt isolée, pauvre, paysanne et belle à en couper le souffle. Le Clézio signe un texte émerveillé, lyrique et sobre à la fois, qui en ces temps de confinement permet de voir la mer, ou comme il le dit lui-même, de « manger la mer ». "


Une brève éternité

François Bujon de L’Estang, créée le 12-04-2020

"Je voudrais partager avec nos auditeurs l’intérêt et le plaisir que j’ai eus à lire le dernier essai de Pascal Bruckner, "Une Brève Eternité », paru chez Grasset en décembre 2019, dont j’ai trouvé dans l’ensemble la lecture intéressante et agréable, mais surtout ragaillardissante. Le livre porte le sous-titre « Philosophie de la Longévité », sous-titre fort approprié, car c’est bien cette philosophie que Pascal Bruckner y esquisse avec élégance, profondeur, et sérénité. «  Une Brève Eternité » est en effet une réflexion sur la vieillesse et la mort, mais sur une vieillesse retardée et une mort, pour toujours inévitable qu’elle soit, désormais différée. La réflexion de Bruckner est centrée sur le sursis généreux que la démographie nous accorde. Notre espérance de vie, constate-t-il, a gagné 15 ou 20 ans par rapport à celle des générations antérieures, celles de nos pères et grand-pères. Une vingtaine d’années de plus nous est octroyée, qui se situe entre la maturité et la vraie vieillesse, et que l’auteur appelle, d’une jolie formule, « l’été indien de la vie ». Un cadeau ambigu, dont il faut savoir user avec un mélange bien dosé de gourmandise et de sagesse, sans pour autant verser dans les travers qu’il peut engendrer chez certains - tels le « jeunisme », le refus caricatural de vieillir ou simplement d’assumer son âge, qui caractérise souvent nos contemporains : un ridicule que l’auteur dénonce avec un esprit non dénué d’une certaine vacherie assez bien tournée, qui donne au livre quelques-unes de ses pages les mieux venues."


Marchands d’art

Nicolas Baverez, créée le 12-04-2020

"Au moment où les musées, les expositions et les galeries sont inaccessibles, l'art se réfugie dans les livres. Je recommande à tous les entretiens entre Daniel Wildenstein et Yves Stavridès publiés par Lexio sous le titre Marchands d'art. Ils retracent la saga de la plus puissante et de la plus influente famille de marchands d'art au XIXème et XXème siècle, qui croise l'histoire de la politique et de l'économie. Parmi bien d'autres récits étonnants, celui qui concerne Clémenceau, le Tigre et père de la Victoire de 1918. Clémenceau, contrairement à nombre de ses pairs, n'avait pas fait fortune en politique et sa seule possession de valeur était un tableau de Poussin. Ayant besoin d'argent, il décida de s'en séparer et en confia la vente à Nathan Wilderstein. Un riche Américain l'acheta à un prix élevé sans donner son nom. Puis à la question "Où faut-il vous le faire porter ?", il répondit "Renvoyez-le d'où il vient : chez Monsieur Georges Clémenceau"."


Rouge vif L’idéal communiste chinois

Nicole Gnesotto, créée le 05-04-2020

"Ma brève concerne la Chine ; je vous recommande ce livre d’Alice Ekman paru en février dernier. Alice Ekman est universitaire, maître de conférences à Sciences Po. Son propos est de montrer, avec énormément de conviction je dois dire, que la Chine n’est pas une dictature capitaliste, que pays a une vraie idéologie communiste, que l’objectif de Xi Jinping est de parvenir « à la disparition ultime du capitalisme et à la victoire finale du socialisme ». Elle le fait à partir d’enquêtes extrêmement intéressantes de plus de 400 personnes interrogées pendant 7 ans. C’est vraiment troublant de s’apercevoir que le régime chinois est peut-être un vrai militant du communisme."


Une certaine idée de l’Europe

Michaela Wiegel, créée le 05-04-2020

"Retour à l’Europe pour ma part. J’ai relu ce petit essai de Georges Steiner, disparu juste avant la crise du Covid-19. Quand on s’y replonge, on voit bien tout ce que cette crise a suspendu. Sa grande idée est de dire que ce sont les cafés qui font l’Europe. Dessinez la carte des cafés, vous obtiendrez l’un des jalons essentiels de la notion d’Europe. Il écrit : « la dignité de l’Homme, c’est la découverte de la sagesse, la quête d’un savoir désintéressé, la création de beauté. Gagner de l’argent et inonder nos vies de biens matériels de plus en plus dénués d’intérêt est une passion profondément vulgaire et dévastatrice ». "




Disparition de Patrick Devedjian

Jean-Louis Bourlanges, créée le 05-04-2020

"Je voudrais dire quelques mots sur la mort de mon ami Patrick Devedjian. Ce fut pour moi une douleur personnelle, puisque nos deux familles étaient profondément liées et qu’il il m’avait beaucoup accompagné lors de la disparition de mon épouse. Deux choses frappaient chez lui, d’abord une extraordinaire juvénilité d’apparence, avec ce regard pétillant de malice, qui rend plus difficile encore l’acceptation de sa mort. Mais au-delà de cela, je voudrais dire qu’il était l’un des rares hommes politiques à avoir authentiquement mis au coeur de ses priorités la culture, l’art, la musique. Ce qu’il a fait dans les Hauts-de-Seine pour la Seine Musicale, ou le concours qu’il n’a cessé d’apporter aux formations orchestrales de Laurence Equilbey, cela témoignait d’une vraie conviction personnelle. Il était de ce point de vue une espèce de prince de la Renaissance, un héritier de l’Orient également, quelqu’un qui considérait que la vie collective était faite pour aboutir à la beauté. En ces temps difficiles où l’on a une conception très dégradée de l’engagement politique, il me semble que cet idéal, qu’il a porté très haut, mérite d’être salué."